Il y a maintenant six ans que j’ai commencé mes études de droit. Ce n’était pas du tout une voie que j’envisageais au lycée, rêvant depuis petite de devenir médecin. Sauf que j’ai raté deux fois ma première année de médecine…
Le choc a été assez violent : tous mes projets d’avenir s’effondraient, et je me retrouvais à bac +2, sans rien. J’avais bien envisagé Sciences-Po lorsque j’étais en terminale, mais malheureusement, quand j’ai eu les résultats de ma deuxième année, nous étions en juin, et le concours d’entrée était passé. Je me suis donc tournée vers ce qui me semblait le plus proche : la fac de droit.
C’était des études similaires à Sciences-Po, et qui m’étaient proches « émotionnellement » également car ma meilleure amie venait d’achever sa deuxième année de licence en droit. J’avais un peu peur que cela soit ennuyeux, mais elle m’a gentiment prêté ses cours que j’ai potassés pendant l’été, et je me suis rendue compte qu’en fin de compte, le droit, cela n’avait pas l’air si mal.
Quelles conditions pour s’inscrire ?
Je me suis donc inscrite à la faculté de droit d’Aix-en-Provence ; il suffisait d’avoir le bac. J’avais un bac scientifique tout en étant une grande lectrice, un avantage énorme.
En effet, quand on a fait des SVT avancées au lycée, on nous a appris à synthétiser et à analyser. Le droit m’a fait penser à un exercice de SVT au début ; il faut savoir raisonner avec les éléments que l’on a. Mais il faut aussi savoir rédiger – et c’est là que mon goût pour la lecture m’a aidée.
On vous criera encore et encore que vous n’avez pas le niveau de français d’un élève de CP. On vous le reprochera surtout en première année, mais rassurez-vous, cela arrive encore en master 1 ! Je ne compte plus les fois où j’ai entendu :
« Vous n’avez pas votre place sur les bancs de cette faculté, je ne comprends pas comment on a pu vous donner votre licence ! Vous avez une orthographe encore plus mauvaise qu’un élève de primaire ! »
L’orthographe et la grammaire sont donc primordiales, même si vous vous rendrez compte que les profs de droit inventent des mots… Pour ceux qui viennent d’un bac littéraire, faites attention : la dissertation juridique ou le commentaire de texte juridique n’ont rien à voir avec ceux de littérature, et vous risquez de vous en prendre plein les dents. Il faut être logique et carré en droit, ce qui peut souvent manquer aux élèves de L.
Et courage aux bacs pro : accrochez-vous quoi que l’on vous dise. Il vous faudra beaucoup bosser, mais ce n’est pas impossible !
Les professeurs de droit ont tendance à dire que ceux qui viennent d’un bac S ont plus de chance de réussir, parce qu’ils ont a priori déjà acquis une forme de raisonnement logique et structuré, que cela soit en maths ou en physique. Le droit a un petit côté mathématique, il faut bien l’avouer. On vous présente un problème, vous convoquez la formule qui peut permettre de le résoudre, vous vérifiez si les conditions d’application de la formule s’appliquent au problème, et vous appliquez ! C’est bien sûr schématisé, mais c’est en gros l’idée. Donc les L, ne vous étendez pas trop en fioritures, allez à l’essentiel !
J’habitais à Marseille mais j’ai choisi de m’inscrire à la fac de la ville d’à côté, Aix-en-Provence. Ce n’était pas la plus proche, et il existe une antenne de la faculté de droit à Marseille. Mais j’en avais marre de cette ville, et j’avais entendu dire que beaucoup d’étudiants mettaient le bazar en première année et que les cours étaient donc inaudibles ; j’ai préféré faire une heure quarante de trajet pour aller à Aix-en-Provence (hors embouteillages bien sûr).
Une ambiance particulière
Je n’avais pas vraiment réfléchi à l’ambiance de la fac de droit ; je savais juste que ses membres avaient la réputation d’être plutôt à droite, alors que les étudiant-e-s faculté de lettres étaient plutôt de gauche voire extrême gauche. Pour l’anarchiste que je suis, ce n’était pas facile. Pour la métalleuse que je suis, non plus…
En fac de médecine, j’avais laissé tomber les « effets » vestimentaires parce que le temps était une denrée rare, et que le temps de préparation le matin (maquillage, bijoux) compte. Mais en médecine les gens se fichaient de ma façon de m’habiller, et pour cette nouvelle rentrée, dans le doute, je me suis dit : « Ma petite, si tu veux te faire des potes, va falloir se fondre dans la masse ». Ce n’est pas franchement mon genre de me « censurer », mais je n’avais pas envie de passer l’année toute seule dans un coin de l’amphi.
J’avais beau m’attendre à peu d’originalité, la réalité a dépassé mon imagination. Je me suis retrouvée au milieu d’une armée de clones. Et encore : en première année il y avait plusieurs « originaux », mais dès la deuxième année, ils se comptaient sur les doigts d’une main. Le clone féminin de la faculté de droit d’Aix-en-Provence est cet individu qui porte un slim ou une petite jupe terne (grise ou beige), un petit haut ou chemisier, des ballerines ET l’élément capital : un sac à main porté au niveau du poignet, la paume vers le ciel, les doigts légèrement repliés — et ce quel que soit le poids dudit sac à main.
Le premier jour, je me suis dit : « Je suis morte et je viens d’arriver en Enfer ».
Alors bien sûr qu’il faut s’habiller « classe » en stage, ou pour un entretien/un oral. Mais se donner autant d’airs en première année, quand on a environ 80% de risques de se planter, je ne comprends pas ! Chacun peut bien entendu s’habiller comme il le souhaite ; si je me permets de critiquer ces tenues, c’est parce que les individus en question m’ont beaucoup reluquée d’un air hautain parce que je n’étais pas vêtue exactement comme eux. J’étais donc heureuse de ne pas avoir sorti toute ma tenue de métalleuse, tout noire avec les pics, les pendentifs à croix inversée et tête de bouc…
J’ai quand même réussi à me faire quelques contacts, mais l’armée des clones m’a profondément dégoûtée de l’ambiance fac de droit. Je tiens à préciser que je ne tiens pas ce jugement sur toutes les universités, mais celle d’Aix-en-Provence a cette réputation, et selon ma cousine il en est de même pour celle de Bordeaux — je suppose que celle de Paris ne déroge pas à la règle.
J’ai cependant rencontré des étudiantes venues de Bretagne qui trouvaient l’ambiance et le peu d’originalité de la fac d’Aix incroyables. Ce n’est donc pas quelque chose d’inhérent aux facs de droit mais uniquement à celles qui se la pètent, on va dire !
À côté de cela, il est difficile d’engager une réelle conversation intéressante et éclairée. À la fac de droit, les gens ne parlent quasiment QUE de droit. J’avais toujours été persuadée que les étudiant-e-s de cette filière étaient très cultivé-e-s, lisaient beaucoup et s’intéressaient particulièrement à la politique. Mais cette image-là, c’est celle dont les professeurs de droit rêvent : un étudiant avec un peu de culture est ce qu’ils demandent au papa Noël tous les ans. Car la culture générale est primordiale dans cette filière : comment étudier la liberté d’expression si l’on ne connaît rien aux artistes, par exemple ?
Moi qui espérais rencontrer beaucoup de gens avec les mêmes affinités pour la littérature et l’art que moi, j’ai été un peu déçue. Mais je me suis accrochée, et j’ai accepté le fait que je me ferais peu d’amis, et que ces derniers n’auraient pas vraiment la même personnalité ou les mêmes passions que moi.
Cela dit, certaines personnes sont adorables et acceptent de vous passer les cours quand vous n’avez pas pu y assister. Prenant le car tous les matins sur une autoroute où il y avait souvent des accidents, même en me levant très tôt pour éviter les bouchons, je ratais systématiquement la première heure du lundi matin. Une personne charitable a accepté de me passer ses cours, et en retour je lui en communiquais certains autres. Il faut juste faire attention à l’ignoble profiteur qui a fait la grasse matinée pendant des mois et viendra vous demander vos notes à la fin du semestre, la bouche en coeur… Mais ça, c’est pareil partout !
Il existe malgré tout des gens qui refusent d’échanger leurs notes : même si en première année, il n’y a qu’un examen (il suffit d’avoir 10 pour passer), ils se croient à un concours. C’est un domaine d’études qui pousse beaucoup de personnes à la compétition. Ne vous inquiétez donc pas si, lorsque l’on vous rend une bonne copie et que l’on vous félicite, ou lorsque vous donnez une bonne réponse en travaux dirigés, une paire d’yeux vous fixe avec rage…
Le déroulement de la licence
La licence de droit se compose de six semestres divisés en trois années. Chaque année, vous aurez de plus en plus de choix à faire en ce qui concerne les matières, et c’est pourquoi il faut attentivement réfléchir à ce que l’on choisit dès le début.
Chaque semestre, vous aurez à choisir deux matières pratiques, celles dans lesquelles vous aurez des travaux dirigés (TD). Ce sont des cours en petit comité (une trentaine d’élèves) qui vous sont dispensés par un chargé de TD, un étudiant qui prépare sa thèse. Contrairement aux cours dits magistraux, qui se déroulent en amphithéâtre et où vous êtes très nombreux, les TD vous permettent de poser vos questions sur le cours.
Vous aurez à participer, à rendre des devoirs, un peu comme au lycée. On vous y fera faire des exercices, c’est-à-dire des applications du cours que vous avez suivi (c’est pour cela que l’on appelle ça une matière pratique). À l’opposé, pour les matières dites théoriques, vous n’avez que le cours magistral, et l’épreuve est généralement une petite dissertation ou des questions sur le cours.
En première année de licence (je pense que c’est le cas pour l’ensemble des facultés de droit), trois matières pratiques (ou TD) sont proposées, et vous devez en choisir deux. Il y a :
- Le droit civil. C’est du droit privé, c’est-à-dire les règles qui régissent les rapports entre particuliers. Par exemple, quand vous souscrivez à un forfait de téléphone portable, vous signez un contrat (même virtuel) – c’est donc du droit privé. En première année, on étudie normalement le droit des personnes (soit l’octroi du nom, du prénom, le sexe…) et le droit de la famille (le mariage, le divorce, le PACS, la filiation, l’adoption…).
- Le droit constitutionnel. C’est l’étude des règles de droit contenues dans la Constitution (pour faire très simple). C’est du droit public, c’est-à-dire les règles qui organisent l’État et régissent les rapports entre l’État et les particuliers. Par exemple, quand la Sécu refuse de vous rembourser et que vous devez vous battre, c’est du droit public.
- L’histoire du droit. Oui moi aussi ça m’a fait bizarre au début, mais cela existe ! Je pense que le nom est éloquent.
Si je peux vous donner un conseil (mais vous pouvez me dire que je suis nulle et ne pas m’écouter), prenez droit civil et droit constitutionnel en TD ! Je ne veux pas dénigrer l’histoire du droit, mais la matière théorique (les cours en amphi) suffit amplement, ce qui n’est pas le cas pour les deux autres matières.
Au premier semestre on va vous donner les clés pour pouvoir effectuer des exercices dans ces matières, et en plus de cela, elles vous seront utiles pour tout votre cursus universitaire, ce qui n’est pas le cas de l’histoire du droit — sauf si vous faites partie de ceux qui veulent devenir chercheurs, mais le pourcentage est faible.
Les matières théoriques qui sont proposées varient selon les facultés, mais si vous ne les avez pas en première année, vous les retrouverez généralement à un autre moment de votre licence. À la fac d’Aix, on trouve au premier et au deuxième semestre :
- Introduction au droit
- Introduction à l’économie
- Société et Vie politiques
- Institutions administratives et juridictionnelles
- Grands systèmes de droits étrangers
- Économie politique
- Relations internationales et géopolitiques
À l’exception de l’économie, vous retrouverez toutes ces matières de manière approfondie dans votre cursus de licence ou de master. Elles sont importantes et vous donnent un premier regard sur les divers domaines du droit qui existent.
L’introduction au droit est une matière essentielle qui permet de comprendre réellement comment fonctionne le droit, et qui en montre les différentes branches. La France n’étant pas une planète au milieu de nulle part, les rapports avec les autres États et donc des droits différents sont importants, tout comme les rapports avec les organismes internationaux (comme l’Union Européenne ou l’ONU par exemple). Le droit international est donc introduit dès la première année. Enfin, il y a également un TD de langue où on vous apprend du vocabulaire juridique dans une langue étrangère !
Les TD
Très sommairement, il y a quatre types d’exercices pratiques :
- Le commentaire d’arrêt. C’est le commentaire d’une décision de justice. On vous demandera de le faire selon un plan en deux parties et deux sous-parties, c’est-à-dire I/ A) B) et II/ A) B). La fin du II B sert généralement d’ouverture ; il n’y a donc pas de conclusion (même s’il y a une introduction).
- La dissertation juridique. C’est une dissertation dont le sujet peut être une phrase, une question, une citation… Là aussi il faut faire le fameux plan en deux parties-deux sous-parties, avec une introduction mais pas de conclusion. Bannissez donc de vos esprits la dissertation de philo de terminale, du moins pour le plan.
- Le commentaire d’article. Il faut commenter un article de loi, toujours avec le plan en deux parties-deux sous-parties.
- Le cas pratique. Celui-là veut vous donner l’illusion que vous ne faites pas que de la théorie ! On vous présente des faits, par exemple : M. Dupont a été blessé dans un accident de voiture, puis encore plus blessé dans l’accident de l’ambulance qui l’emmenait à l’hôpital, puis transfusé avec du sang contenant le VIH, et en plus, quelques mois avant il s’était fait arnaquer en achetant un tableau (oui, les M. Dupont n’ont vraiment, mais alors vraiment pas de chance dans le monde des profs de droit). Ensuite on vous des petites questions : quel recours a M. Dupont contre les ambulanciers ? Quel recours a-t-il contre l’hôpital ? Et on vous demandera parfois ce que vous en pensez.
S’il y a des petites questions, il faut y répondre de manière structurée :
- Les faits sont ceci et cela.
- Le droit en la matière dit ceci.
- J’applique le droit aux faits.
S’il y a une seule question, on attend de vous que vous fassiez…un plan en deux parties-deux sous-parties. Oui, ils ont des actions dans le plan en deux parties-deux sous-parties, je ne vois que cela !
Une formation qui reste théorique
Mais dans la vraie vie, les problèmes ne rentrent pas dans un plan en deux parties-deux sous-parties.
C’est pourquoi après des années à vous rabâcher ce plan, quand vous finissez par préparer l’examen d’entrée pour l’école d’avocats, on vous dit que « Le plan en deux parties-deux sous-parties, c’est de la merde ». Au cours de votre licence, vous pouvez tomber sur des professeurs vous disant qu’ils ne veulent pas de ce type de plan : vous pouvez être sûrs à 95% que ce sont des avocats !
Il faut donc que vous soyez au fait d’une triste réalité : on vous enseigne uniquement de la théorie à la faculté de droit. C’est pourquoi, même si vous avez été l’étudiant le plus brillant du monde, on vous dira certainement lors de votre premier stage :
« Mais qu’est-ce qu’ils vous apprennent à la fac ?! »
En attendant les stages, il faut se plier aux exigences universitaires et se résigner au fait que la pratique, ce n’est pas pour tout de suite.
Comment (beaucoup) travailler
Pour arriver un jour à pratiquer le droit, il faut travailler. Beaucoup. Il faut bien prendre ses cours, les retravailler une fois à la maison, et lire des livres de droit et des articles… Cela représente des heures et des heures de boulot. Mais vous survivrez à la première année en suivant ces conseils :
- Apprenez à prendre des notes. Noter tout ce que dit le prof, sauf s’il dicte, est généralement impossible. Le début de l’apprentissage se fait en cours ; comprenez la phrase, puis notez ce que vous avez compris. Si vous comprenez avec le premier exemple, il est inutile de noter les deux autres. Notez l’essentiel, généralement ce que le prof va répéter plusieurs fois. Vous avez alors déjà fait la moitié du travail qui vous attend à la maison, bravo !
- Reprenez vos cours à la maison en vous aidant d’un livre : la BU (bibliothèque universitaire) regorge de manuels, empruntez-les. Votre prof vous donnera une bibliographie en début de semestre ; allez feuilleter les livres et trouvez celui qui est pour vous le plus clair, il vous aidera à retravailler votre cours. Souvent, cela vous donnera plus de détails qui vous aideront à comprendre, ou tout simplement cela sera expliqué d’une manière différente. Pour avoir 10/20, le cours suffit, mais généralement, si le prof vous donne une liste de livres, il s’attend à ce que vous alliez y jeter un œil.
- N’ayez pas peur des articles de journaux juridiques : il est possible que dès la première année, un professeur vous invite à aller en lire. Il vous donnera toutes les références pour le trouver, et si vous avez suivi le tutorat de la BU, vous saurez où chercher. Sinon, demandez à un étudiant d’une année supérieure, il vous aidera sûrement (on a tous été en première année, on sait ce que c’est !). Ce sera difficile au début, mais l’exercice vous ouvre d’autres portes ; il vous donne des points de vue de professionnels du droit ou d’universitaires sur des points précis, ainsi que des éléments qui, si vous les avez bien compris, peuvent être placés dans une copie et faire gagner des points — cela fait toujours très plaisir au prof de voir que vous avez écouté ses conseils.
- N’ayez pas peur de poser des questions en TD, les chargés de TD sont là pour ça !
- Ne commencez pas à apprendre vos cours juste avant les examens : le droit est souvent indigeste, et il faut donc du temps à votre cerveau pour l’assimiler.
En ce qui concerne la battle ordi VS stylo : si vous avez les moyens, un petit ordi portable peut vraiment être utile. On tape plus vite que l’on écrit, et c’est plus facile d’ajouter des éléments par la suite (sur une feuille de copie ça fait de suite très moche et illisible).
Pour les fiches, je suis mitigée ; elles peuvent vous aider à apprendre, mais elles prennent du temps. Vous arriverez à un stade où quasiment tout est important, et lorsque ficher revient à recopier le cours, il faut savoir s’arrêter. Vous pouvez faire des fiches avec l’essentiel de l’essentiel, mais il faudra quand même réviser aussi sur votre cours. Donc à vous de voir, il faut tester pour savoir.
Votre compte en banque verra rouge avec tous les manuels qu’il faut acheter : les livres de droit coûtent CHER ! Comptez en moyenne 40€. Pour la première année, achetez un dictionnaire juridique parce que c’est très pratique et utile, mais n’achetez pas de manuel : la BU est là pour ça. En ce qui concerne les codes, comme dans ma fac ils n’étaient pas admis aux exams et que tous les textes sont sur le site légifrance, il n’était pas utile d’en acheter un. J’ai juste pris un code civil lors de ma première année, et je n’en ai plus racheté jusqu’à ma préparation de l’examen d’entrée en école d’avocats.
Bien choisir sa spécialisation
La première année, ce n’est que le début : c’est difficile mais ce n’est RIEN en comparaison avec la suite.
En deuxième année de licence, il faut choisir entre droit privé et droit public. Ce qui est difficile, parce qu’en première année vous n’avez pas vraiment vu ce qu’était le droit public, puisque le droit constitutionnel n’en est qu’une branche bien spécifique. Vous allez devoir faire un choix. Vous allez devenir un publiciste (droit public) ou un privatiste (droit privé), pour la vie. J’exagère à peine…
Vous allez soit retrouver en TD le droit civil, soit découvrir le droit administratif, soit, pour les indécis, prendre les deux — c’est ce que j’ai fait. On va également vous proposer le droit pénal qui est du droit privé. Ce choix va beaucoup jouer par la suite.
Bien sûr, vous pourrez vous orienter vers un domaine du droit que vous n’avez découvert qu’à travers un cours magistral, mais c’est risqué : il ne faut pas se louper. Voici donc mes conseils.
Vous voulez devenir juge ? Prenez le TD de pénal. Prenez ce que vous voulez pour l’autre TD, mais prenez pénal.
Vous voulez devenir greffier en chef ? Prenez pénal. Parce que lors des concours, il y a des épreuves de pénal, et ce n’est pas une matière facile. Il faut anticiper au maximum. Au deuxième semestre de la deuxième année de licence, vous allez découvrir le droit de l’Union Européenne – c’est votre première vraie rencontre avec le droit international.
Vous allez peut-être devenir internationaliste, comme moi. Vous serez dans cette catégorie à part, ni vraiment privatiste, ni vraiment publiciste, qui veut se consacrer au monde du droit qui se situe en-dehors de la France. Je ne sais pas si c’était grâce à ma prof ou à ma merveilleuse chargée de TD, mais personnellement j’ai eu un coup de foudre. J’ai adoré le droit de l’Union Européenne, et aimant les langues étrangères, je me suis dit que je voulais faire du droit international !
C’est pourquoi, en troisième année de licence, j’ai choisi des matières de droit international en délaissant les autres, notamment le droit administratif qui m’avait pourtant plu. J’ai donc découvert le droit international public (les règles juridiques qui régissent les relations entre les États et les organismes de la société internationale), qui était difficile. J’ai aussi et surtout découvert l’amour de ma vie.
J’espère que cela vous arrivera, d’atteindre ce stade dans vos études où un domaine se détache des autres, où il est illuminé d’un halo rose en forme de cœur qui clignote. Pour moi, ce furent les droits de l’homme. Je m’étais toujours demandé ce que je voulais faire dans la vie, ce que je recherchais en choisissant médecine après mon bac ou ce que je voulais trouver dans le droit depuis toutes ces années. C’était ça, en fait : le pouvoir de changer le monde.
Je suppose que pour d’autres domaines du droit, c’est également le cas (à part le droit des affaires, qui sert surtout à s’en mettre plein les poches ! :)) (je déconne, bien sûr, c’est un cliché nul) : en droit du travail, les passionnés pensent pouvoir aider les travailleurs ou les entreprises, par exemple.
Plus spécifiquement, je suis tombée amoureuse de la CEDH (la Cour européenne des droits de l’homme) ; j’ai lu quelques arrêts (des décisions de justice), et j’ai aimé sa façon de s’exprimer. J’ai aimé ses mots, sa forme et ce qu’elle défendait. Petit moment d’honnêteté : disons depuis le primaire, je tombe toujours amoureuse du garçon inaccessible, qui va me rendre la vie dure. J’espérais ne pas faire pareil pour mes études, mais si…
Les droits de l’homme, c’est la branche difficile. Déjà que les publicistes et les privatistes dénigrent les internationalistes, si en plus vous êtes dans les droits de l’homme, vous êtes même dénigré par les internationalistes ! En gros, vous êtes les hippies du droit. Alors qu’en définitive les droits de l’homme sont partout, si vous choisissez de vous plonger dedans, vous devenez un-e paria du milieu.
Il est vrai qu’il y a peu de boulot exclusivement dans ce domaine, mais comme les droits de l’Homme sont partout, vous pouvez quand même arriver à faire ce que vous voulez. Parce que pour choisir cette branche, il faut être idéaliste.
Je me suis donc tout naturellement orientée vers un master I Droit International, Droit européen et Droits étrangers. Il y a beaucoup de masters I car ils sont spécialisés. À la faculté d’Aix, il y en a huit :
- droit international
- droit de la santé
- droit des affaires
- droit et management de la culture et des médias
- droit patrimonial immobilier et notarial
- droit privé et sciences criminelles
- droit public
- histoire du droit.
Chacun a ses débouchés, certains plus que d’autres…
Bon, l’histoire du droit, vous savez ce que j’en pense. Le droit privé et les sciences criminelles, c’est du pénal, pour préparer le concours de l’école de magistrature, devenir directeur pénitentiaire ou encore passer le concours de commissaire. Le droit des affaires, ce sont les contrats, le droit des entreprises, etc. Le droit patrimonial immobilier et notarial, c’est ce que vous devez faire si vous voulez devenir notaire ou travailler dans l’immobilier (comme juriste bien sûr). Le droit de la santé est utile si vous voulez diriger un hôpital par exemple. Avec le master culture et médias, il y a peu de débouchés : c’est pour défendre la propriété intellectuelle.
Comment devenir avocate ?
Si vous voulez devenir avocate, choisissez le master I qui vous plaît, quel qu’il soit : vous pourrez généralement choisir des matières que vous avez étudiées. Si vous voulez faire un master II, essayez d’entrer en master I dans la fac qui propose le master II qui vous intéresse. Déjà parce que chaque fac a des places réservées pour ses étudiants, et ensuite parce que vous retrouverez probablement à l’entretien d’entrée en master II l’un de vos enseignants de master I.
Je ne m’étendrai pas sur le master II parce que je n’en ai pas fait et qu’il faudrait un très long article pour traiter le sujet des master II de droit : il doit en exister des centaines et des centaines !
Pour passer l’examen d’entrée au Centre Régional de Formation à la Profession d’Avocat (le CRFPA), vous n’avez besoin que du master I. Le master II est-il nécessaire ? Oui si vous ratez le concours, non pour le préparer. Pour en avoir discuté alors que j’étais en master I avec une enseignante de l’École d’Avocats du Sud-Est, faire un master II rend les connaissances de licence nécessaires pour passer le CRFPA plus éloignées d’un an.
Il s’agit d’un « examen », mais il y a clairement une ambiance concours. Il faut avoir 10/20 pour réussir, mais comme dans tout examen, s’il n’y a que des mauvaises copies et que la vôtre est bonne, vous aurez une meilleure note que si toutes les autres copies étaient excellentes et la vôtre juste correcte.
Les instituts d’études juridiques de vos facultés proposent généralement une préparation à l’examen. Les professeurs qui vous font les cours et les examens blancs seront ceux qui rédigeront les sujets et vous corrigeront. C’est quand même bien utile.
Certains choisissent en plus de faire une prépa privée. Cela coûte cher, mais ça peut vous aider à travailler plus… Il s’agit d’un diplôme universitaire dont l’inscription coûte dans les 800€ (hors sécurité sociale). Les cours à Aix avaient lieu le soir (de 18h à 20h) pour permettre aux personnes qui suivent un autre cursus d’y assister. La préparation commence mi-novembre et s’achève en septembre (avec une pause de mi-juillet à fin août).
Les épreuves écrites ont lieu à la mi-septembre, et les résultats arrivent un mois plus tard, à la mi-octobre. Il y a enfin les épreuves orales pour ceux qui ont été admissibles aux écrits, et les résultats finaux sortent fin octobre.
C’est la deuxième fois que je passe le CRFPA. La première fois, je travaillais en même temps quinze heures par semaine et j’avais trente minutes de trajet en bus pour aller au boulot. Je ne sais pas si j’ai raté l’examen à cause de ça… Mais dans le doute, cette année j’ai pu m’arranger pour ne pas travailler. On verra bien ce que ça donnera.
Certains sont obligés de travailler en même temps que leurs études, d’autres font un master II en même temps, ou encore un stage. Je ne détiens pas la solution parfaite, chacun gère son temps et sa fatigue différemment ! Tenez simplement compte du fait que c’est beaucoup de travail solitaire, et que cela représente beaucoup de stress qu’il faut savoir gérer.
J’ai choisi de passer le CRFPA à Aix tout en sachant qu’il fait partie des plus difficiles, parce que par la suite vous êtes attachés à un barreau de votre région. Paris, c’est plus facile, mais je ne souhaite pas travailler à la capitale ; j’ai choisi de rester là où j’ai fait mes études.
C’est vraiment un choix : il y a des régions où c’est plus facile, mais il faut accepter de partir pour de nombreuses années. Parce que si vous réussissez à entrer, il y a six mois de cours puis un an de stage (même si cela va peut-être changer), et après cela vous devrez exercer pendant quelques années dans un barreau de la région où vous avez réussi avant de pouvoir éventuellement vous inscrire à un autre barreau. Les matières sont fixées par l’arrêté de 2003 que vous trouverez ici.
Un engagement complet
Si vous dépassez la première année et que vous aimez ce que vous étudiez, vous en arriverez au stade où le droit sera toute votre vie, ou presque. Quand les journalistes sortiront des conneries au journal télévisé, vous emmerderez tout le monde en râlant. Vous verrez vos poils se hérisser lorsque quelqu’un dira « la loi stipule ». Un jour viendra où même vos activités extra-universitaires seront du droit !
Moi, je fais partie d’une association appelée Zoms et Droits qui a pour but la diffusion des droits de l’homme. Nous écrivons des newsletters qui permettent, à travers des thèmes culturels ou d’actualité, de faire comprendre les droits de l’homme à des néophytes. Il est possible de mêler droits de l’homme et art, droits de l’homme et cinéma, ou encore droits de l’homme et sexe !
Pour aller plus loin :
- Légifrance, le service public de la diffusion du droit.
- Le site et la page Facebook de Zoms et Droits.
- Un court métrage sur le CRFPA réalisé par des étudiants, pour tous ceux qui veulent devenir avocat-e.
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
(que) 14 ans dans le Notariat, je n'ai qu'un mot à dire "fuyez pendant qu'il en est encore temps!" (bon ok ça fait 8 mots)
Boulot usant, patrons méprisants...
Je suis en reconversion professionnelle. Donc avant de vous lancer dans ce cher Notariat