Pour moi l’archéologie, c’est une passion de jeunesse, un rêve, une conquête.
Un virus attrapé non pas en regardant Indiana Jones, mais en lisant Garin Trousseboeuf de Evelyn Brisou-Pelen (d’ailleurs Evelyn si tu me regardes, respect si si, je kiffe grave tes livres).
Et quand vous avez décidé à 10 ans que vouliez aussi être scribe médiéval, autant vous dire que valider sa licence d’Histoire de l’Art et Archéologie, mention Archéologie, période Médiévale et Moderne (oui c’est long comme titre), ça fait grave zizir comme disent les djeuns.
Études d’archéologie : « Bonjour je fais 12 disciplines en même temps »
Mais l’archéologie, c’est quoi d’abord ?
Et bien l’archéologie, ça ne consiste pas à trouver des trésors (quoique) ou à faire péter des temples mayas (re-quoique), mais plutôt à étudier l’Homme, à ceci près que cet Homme-là est mort …. Depuis longtemps généralement.
L’archéologie, c’est une discipline qui mêle la géographie, l’histoire (évidemment !), les sciences naturelles, la chimie, la physique, l’ethnologie, le BTP et (parfois) l’œnologie. Comme toute discipline il est possible d’exercer de multiples métiers au sein même de l’archéo.
Genre aventurière option assistant anglais qui sauve le monde, sans pression.
Études d’archéologie : de la préhistoire aux usines à gaz
D’abord, quand on est archéologue, on n’étudie pas TOUTES les civilisations – c’est impossible.
On a une aire chrono-culturelle de spécialisation (parfois deux pour les plus fous), et on s’y tient. Moi je suis médiéviste (rapport à Garin Trousseboeuf) ; je suis donc spécialisée sur le Moyen Âge.
Selon une logique imparable, les antiquisants travaillent sur l’Antiquité, les préhistoriens sur la Préhistoire (je reviendrais là-dessus plus tard), les modernes sur l’époque Moderne et les contemporains sur l’époque Contemporaine.
Parce que oui, il existe une archéologie de la seconde Guerre mondiale (Paris IV possède d’ailleurs une chaire d’archéologie de l’industrie).
Mais même au sein de ces aires, on ne travaille jamais sur TOUT. La plupart de ceux qu’on appelle les « spécialistes » ont des connaissances très pointues dans des domaines variés.
On peut séparer ces disciplines en deux grands ensembles : les sciences environnementales (reconstitution des paysages disparus) et les autres. Dans les environnementalistes, on trouve notamment :
- les carpologues, qui font des travaux sur les restes de carpologiques, soit les graines.
- les anthracologues (le charbon c’est leur truc).
- les palynologues (eux, ils aiment le pollen).
- les xylologues, qui travaillent sur le bois non carbonisé.
- les dendrochronologues, qui font de la datation à partir des cernes du bois.
- les archéozoologues, qui travaillent à partir de restes d’animaux.
Pour ce qui est des non-environnementalistes, c’est plus compliqué puisque tout et n’importe quoi peut être une spécialité, que ce soit la céramique, le métal, le petit matériel, le bâti, le réseau parcellaire, les morts (oui, oui, ça s’appelle de l’anthropologie de terrain et c’est très très intéressant), l’ethnoarchéologie (comme de l’ethnologie mais sur des peuples disparus)…
Bref ! L’archéologie, ce n’est pas juste sortir des trucs de terre sur un chantier, c’est aussi plein de disciplines différentes qui travaillent ensemble pour reconstituer le passé. Et d’ailleurs puisqu’on parle de terre, parlons de chantier !
Études d’archéologie : de la boue, du vin et des copains
Qui dit archéologie dit terrain, campagne de fouille, pelle, pioche, pinceaux, truelle, seaux, brouettes et bière ! Si vous voulez vous lancer dans ce monde merveilleux qu’est l’archéologie, il faut faire des chantiers de fouille.
Ce n’est pas obligatoirement demandé par les facultés, mais il est indispensable de se former sur le terrain quand on est étudiant, sinon ce serait un peu comme faire des études de coiffure sans jamais coiffer qui que ce soit !
L’archéologie est donc une discipline à la fois théorique (sur les bancs de l’université) et pratique (avec les stages nécessaires).
Les chantiers de fouille sont des campagnes plus ou moins longues (entre 15 jours et 4 mois) durant lesquelles les équipes d’archéologues fouillent des sites archéologiques (jusque-là tout est logique). Ils sont obligatoirement bénévoles, mais le logement et la nourriture sont généralement pris en charge.
Ces campagnes sont dites programmées, c’est-à-dire que les fouilles ont été prévues à l’avance, vues avec les aménageurs et les Services Régionaux de l’Archéologie.
Elles sont souvent reconductibles sur plusieurs années. En opposition à ces fouilles programmés se font des fouilles préventives qui ont lieu sur des emplacements voués à disparaître à cause d’une construction (centre commerciale, parking, maison, autoroute, TGV…).
Ces fouilles-là n’engagent que des professionnels et il est difficile d’y avoir accès, même pour des étudiants.
L’archéologie préventive en action
L’archéologie, du moins la fouille archéologique, est très physique. Il faut porter des charges lourdes, des seaux et des brouettes de terre, manier la pioche et la pelle parfois, le tout dans des conditions pas vraiment top (pluie diluvienne, neige, soleil de plomb, etc.).
Ça n’a rien de glamour et on est très vite très sale. S’ajoutent des conditions d’hébergement pas toujours tip-top (genre deux douches et 17 litres d’eau chaude pour 30 personnes, voire carrément ni douche, ni eau courante, ni électricité).
Malgré cela, les chantiers, où la vie en collectivité est de mise, restent une expérience humaine et scientifique absolument démentielle – la preuve, tous les ans on en redemande ! On appelle ça « la démangeaison de la truelle » ; une fois qu’on a commencé, on ne peut plus s’arrêter !
Études d’archéologie : toutes les routes mènent à l’archéologie
Il n’y a pas de parcours d’étude « parfait » pour faire de l’archéo.
Il s’agit en tout cas d’une licence puis d’un master avec une thèse en plus si on veut/peut. C’est donc une formation théorique, même s’il existe un master professionnel dans certaines facs qui forme au métier de technicien de fouille ou de « RS » (Responsable Secteur). Ces masters sont cependant amenés à disparaître puisqu’on recherche de plus en plus des profils « recherche ».
Les promotions sont souvent petites (50 élèves en licence, c’est déjà la fête), et couplées avec d’autres disciplines (histoire, histoire de l’art, anthropologie ou encore mise en valeur du patrimoine) – il n’y a pas de licence d’archéologie « pure ». Par contre on se spécialise énormément à partir du master, ce qui permet de limiter la concurrence ; chacun a son domaine très précis.
Des gens de tous horizons viennent faire de l’archéologie. J’ai personnellement fait un Bac S option sciences et vies de la terre, spécialité physique-chimie, mais plein de gens autour de moi viennent de L, de ES, de licence Pro ou carrément d’autre chose (une amie à moi était préparatrice en pharmacie avant de se réorienter), et ils s’en sortent très bien.
L’archéologie est une discipline exigeante (comme tout en fait), et n’est donc pas forcément favorable aux étudiants salariés à cause de l’obligation de faire des chantiers de fouille bénévoles durant les vacances.
Une fois diplômé·e, on trouve trois grandes voies principales. On peut être chercheur et donc avoir des contrats avec les universités et diriger une équipe ou un labo tout en donnant des cours (comme tous les chercheurs).
Il est également possible de travailler comme spécialiste (carpologue, anthropologue, etc) à l’Institut National de Recherche en Archéologie Préventive (INRAP) ou dans des boîtes privées.
C’est ce que je veux faire : je commence en septembre un master d’archéologie médiévale en réseaux, territoire et organisation. Je voudrais ensuite faire une thèse, justement pour diriger un laboratoire ou travailler pour l’INRAP ou des boîtes privées.
Pour ceux qui ne veulent pas faire de recherche, il existe toujours la possibilité de devenir technicien de fouille dans les boîtes privées qui font de l’archéologie préventive (comme Eveha) ou à l’INRAP… mais les places sont très très chères ! Cependant il faut savoir qu’on fait TOUJOURS des chantiers, même quand on est chercheur, puisqu’il faut bien un sujet de recherche.
Enfin, beaucoup se reconvertissent en prof dans le secondaire, et passent le capes d’histoire.
Études d’archéologie : « Alors, vous trouvez des fouilles ? »
L’archéologie est une discipline qui fait rêver bien des gens (rapport à Indiana Jones), mais qui n’est pas toujours bien connue et donne donc lieu à des réactions ou des comportements particuliers…
1. Les pilleurs de site
Sans aller jusqu’au vol, au recel et à la vente d’œuvre d’art, certains détectoristes (utilisateurs de détecteurs, dits « poêles à frire ») ne se rendent pas compte du mal qu’ils font.
En effet, trouver et emporter une « petite pièce » ou « un petit tesson de céramique » peut sembler anecdotique, mais pour nous, ces petits artefacts sont très importants ! Ils nous permettent de reconstituer des objets qui, sans eux, auront toujours des parties manquantes.
2. Les gens trop passionnés
Certains passionnés bien intentionnés pensent pouvoir fouiller des sites eux-mêmes (oui, oui). Sauf que l’archéologie ne se résume pas à creuser pour trouver des objets.
Il y a pleins de protocoles à respecter, d’études des sols et des différentes couches archéologiques (on appelle ça des US) à faire, de photos à prendre, de dessins à réaliser… Bref, c’est un VRAI métier, pas juste une passion de collectionneurs.
3. Ceux qui n’y comprennent rien
L’archéologie est une discipline compliquée, ramifiée, avec beaucoup de choses différentes à faire, mais malheureusement, les médias ne montrent pas ce foisonnement de possibilités. Pour eux l’archéologie se résume à des dinosaures et… des dinosaures.
Pourtant les préhistoriens n’étudient pas les dinosaures ; ça, ce sont les paléontologues qui le font. La paléontologie est une science de la terre, tandis que l’archéologie est une science humaine.
Et contrairement à ce qu’on entend souvent, on ne « trouve » pas des fouilles, on « fait » des fouilles (« trouver des fouilles », ça ne veut rien dire). Et les hommes préhistoriques ne vivaient pas dans des cavernes avec des peaux de bête.
Enfin, j’en ai marre d’entendre que notre discipline ne sert « à rien », car si on ne sait pas d’où l’on vient, on ne sait pas où l’on va !
4. Les autres
Il y a les gens malpolis qui nous insultent quand ils visitent les sites archéologiques (et oui !), les curieux qui s’informent, les gens sympas et tous les autres qui veulent juste en savoir un peu plus sur la grande histoire de l’Humanité (les plus nombreux, fort heureusement).
Alors si vous avez un jour rêvé de devenir archéologue et que la boue ne vous fait pas peur, allez-y !
C’est un métier merveilleux, passionnant, où on ne s’arrête jamais d’apprendre et où, parfois, on se la joue Indiana Jones.
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Les Commentaires
Je voulais savoir ce qu'était devenue la mad qui a écrit cet article, et si, par hasard, elle a trouvé du boulot.
Merci, et que le pouvoir de la sainte Truelle soit avec nous ! ray: