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Humeurs & Humours

J’ai testé pour vous : être fille de policier

Le papa d’Alfrédette est policier. Un statut qui a ses avantages et ses inconvénients, mais qui peut surtout provoquer des situations très cocasses !

De mes six ans à neuf ans, j’ai été un tyran. Oui, parfaitement, un tyran. Je menais à la baguette le petit peuple de mes camarades de classe, les maltraitant ou les cajolant à l’envi, comme tout bon dictateur en culotte courte digne de ce nom.

Pourtant, je n’étais ni plus belle, ni plus forte, ni plus intelligente que les autres. Mais j’avais un atout de taille : mon père était policier et ma mère travaillait dans l’administration pénitentiaire.

Durant toute mon enfance, il me suffisait donc de prononcer une formule magique pour obtenir de mon interlocuteur tout ce que je voulais : « si tu ne fais pas ce que je veux, mon papa il va te mettre dans la prison de ma maman ». Bien évidemment, le pouvoir de cette sentence avait ses limites : son efficacité se trouvait substantiellement réduite à mesure que mes congénères grandissaient. Néanmoins, pendant quelques années, j’ai dominé l’univers de mon impitoyable férule.

Inspecteur Clouzot vs Alfrédette’s daddy

Mon frère et moi étant les seuls enfants de la maréchaussée du collège, c’était notre père qui, tous les ans, s’attelait à la traditionnelle séance de prévention contre les drogues. Je vous laisse imaginer le tableau : notre père, en grand uniforme (képi, galons et tout le tromblonblon), surplombait de toute sa hauteur un troupeau de pré-ados effrayés par sa haute stature et sa grosse voix. Ces derniers lui posaient des questions empreintes de vouvoiements et de terreurs. Et nous, grands fripons que nous étions, nous égayions l’ambiance au moyen de questions fort ludiques, du style « Hé papounet, tu dis que le téléchargement c’est pas bien, mais le dernier Clint Eastwood que t’as chopé sur Emule, c’est pas un peu du vol ? ». Ambiance.

Il y avait aussi l’arrivée à l’école. Pendant des années, notre père nous y amenait avec sa voiture de fonction, à l’intérieur de laquelle se trouvait un gyrophare et… la radio du secteur. Aussi n’écoutions nous pas les émissions matinales d’Europe 1 ou nostalgie, mais les échanges inter-gallinacées de notre ville. Ce qui donnait quelque chose comme « Bégonia, tu es dans le secteur b4 ? Affirmatif Tournesol, rien à signaler ». Ambiance, on vous dit.

À la maison : les brigades du tigre

Vous souvenez-vous du regard terrible et pénétrant de Chuck Norris, lorsqu’il jette une dernière oeillade assassine à son ennemi avant de l’abattre froidement ?

chuck-norris-look

Oui, ce regard-là, exactement.

C’est cette oeillade insoutenable qui a bercé notre enfance, dès lors que nous ramenions à la maison un nouveau camarade ou que nous récoltions des notes inférieures à la moyenne. Nous souffrions beaucoup des déformations professionnelles de notre géniteur, qui avait l’habitude d’appliquer les méthodes qu’il avait apprises à l’école de police au sein de son foyer. Par exemple, lorsque nous chipions une brique de Nesquik dans le placard à sucreries familial, nous avions droit à un interrogatoire en bonne et due forme, souvent suivi d’aveux penauds.

Ambiance, une fois encore.

Le FBI et le Mi6 peuvent donc m’embaucher sans crainte : moi, Alfrédette F. L., déclare être en mesure de résister à toutes formes d’interrogatoires que ce soit, fussent-ils pratiqués par des sbires de Kim Jong Un. Et en plus, je parle un anglais digne de Dora l’exploratrice.

Connaissez-vous l’éternelle histoire du fils de cordonnier qui va à l’école avec des tongs Ikéa ? Je vous le donne en mille : ma fratrie et moi, en dépit de tous les efforts déployés par nos géniteurs, étions de la graine de délinquants. Quand j’avais quinze ans, j’ai pris mon vélo pour redécouvrir le château de George Sand à Nohant, dans le Berry. Cette fugue m’aura fait découvrir la région Centre et les collègues de mon paternel, qui y a laissé quelques cheveux blancs. Mon cadet, lui, était moins ambitieux : un jour de colère, c’est au cinéma qu’il a fugué, pour aller voir le dernier James Bond. Il n’a néanmoins pas eu le droit aux menottes, deux heures trente plus tard. Ce qui est dommage : ainsi, il aurait joint la réalité à la fiction.

Quelques menus inconvénients

Néanmoins, mon enfance a subi de cruelles carences. Par exemple, jamais je n’ai pu goûter aux joies de regarder un bon Julie Lescaut en famille. Avez-vous déjà tenté de regarder un téléfilm policier avec un représentant des forces de l’ordre ? Autant regarder Troie avec un agrégé de latin, ou écouter un disque de Booba avec une prof de français : c’est une mission vouée à l’échec. En effet, tout policier digne de ce nom poussera des cris d’orfraie au vu des (nombreuses) incohérences scénaristiques de ce genre de divertissement, cris qui vous empêcheront à coup sûr de savoir si, oui ou non, Jacques-Édouard a bien tué Marie-Huguette.

Nos carences sont également alimentaires : à la maison, on n’a jamais mangé de poulet. Est-ce parce que notre père se refuse à un cannibalisme primaire ? Le mystère demeure entier.

Et puis il y a eu l’adolescence. On comprendra aisément que quelqu’un qui traite tous les jours d’affaires de vols, viols, meurtres et autres joyeusetés soit quelque peu réticent à lâcher ses petits poussins dans le vaste monde. Cependant, avec le peu de recul que me confère ma chère majorité, je ne peux que sourire de l’obsession qu’avait notre père à nous protéger. Nous n’avions pas le droit d’aller en ville seuls jusqu’à nos treize ans. Nous n’avions pas le droit de sortir après 21h30, même lorsque j’invitais des amies. Nous n’avions pas d’argent de poche – parce qu’après tout, on pouvait peut-être s’acheter de la drogue avec. Plus épiques encore étaient les manifestations : pour crier l’universel « Sarko t’es foutu la jeunesse est dans la rue », je devais me cacher le visage pour n’être reconnue des collègues de mon père… Et me comporter en archange de la protestation pour ne pas atterrir dans son bureau. En somme, toute une organisation.

Être fille de policier ? Après tout, ce fût plutôt drôle. Cela nous a donné l’occasion, avec mon frère, de filer moult métaphores sur les gallinacées. Nous imitons le caquètement du coq mieux que personne. Nous connaissons de succulentes blagues sur les policiers*, que nous ne manquons pas de réciter, tel un gai bénédicité, à chaque repas. Nous empruntons secrètement l’uniforme paternel à chaque carnaval, et rejouons avec les grandes heures de Columbo ou Navarro. Et lorsqu’on nous demande les métiers de nos géniteurs, c’est toujours avec un grand rire que nous avertissons nos géniteurs de leur singularité : un grand rire qui, parfois, se teinte d’un soupçon de fierté.

* Il y a deux types de policiers : les intellectuels et les manuels. Les manuels vous font signe de circuler avec la main, les intellectuels avec la tête.

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Les Commentaires

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Avatar de denk
15 mars 2013 à 23h03
denk
Bizarrement je ne me reconnais pas du tout dans ce temoignage, mon père est policier bien sur et jamais je n'ai eu un commentaire déplacé la dessus ... Je pense que ma mère l'a beaucoups moin bien vecu que nous car je me souvien qu'elle ne voulait pas que je dise a l'école que papa était policier ... Je l'ai toujours dit bien sur! Parce que voila mon père il aide les gens, je ne vois pas pourquoi je devrais en avoir honte!

Après mon père est un homme discret, il ne nous parlait pas souvent de ces affaires jusqu'a mon adolescence a peu près (une fois il m'a raconté qu'un scooteur c'était fait happé sous les roues d'un bus pour me dissuadé d'en avoir un ... radicale) et il m'a toujours laissé sortir tranquillement (ça ne l'inquiétait pas que je rentre seule a 3h du mat mais a mon avis il savait que dans ma petite ville, il n'y avait pas de risques) et il n'a jamais surveillé mes frequentations, c'est sa la confiance père/fille.

Après, j'ai eu le droit a 2 ou 3 trucs : Allez dans un comissariat sans avoir de problèmes, juste celui d'avoir oublier ses clefs! ou monter a l'arrière d'une voiture de police sans être une délinquante.

Bref, avoir un père flic c'est comme même cool non? Et puis le poulet c'est bon. anse:
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