https://embed.acast.com/madmoizelle/temoignage-jesuisfeministe-pourtantj-aibesoindeshommes-etautresparadoxes-Depuis toute petite, mes parents m’ont répété qu’il fallait être indépendante.
Indépendante financièrement et socialement, et PAS dépendante d’un mec. Déjà, tu le vois il y avait l’idée du rapport genré : l’idée d’indépendance se construisait par rapport à un homme.
Mon rapport aux garçons, entre attirance et défiance
Mon père m’a très tôt enseigné que je ne devais pas accepter les cadeaux que me faisaient les garçons, et ce dès l’école primaire : j’ai dû renvoyer des présents à l’envoyeur.
Très tôt, j’ai intégré un sentiment de défiance face aux hommes, et en même temps un amour incontestable pour eux, cherchant leur affection, leur regard, insatiablement…
Comme pour retrouver le regard d’approbation et d’amour de mon papa.
Plus tard, adolescente, très vite je tombais amoureuse, et je devenais dépendante des garçons et de leur regard, leur approbation. Ils devenaient une obsession. Mon obsession.
Je ne supportais pas qu’on me résiste. J’en faisais des caprices, telle une enfant qui veut cette sucette et pas une autre.
Cette obsession m’a pris beaucoup d’énergie. Et, parfois, m’a fait me sentir incomprise.
Le développement de mes convictions féministes
Depuis, j’ai évolué, mais les mécanismes de dépendance vis-à-vis des hommes développés dans mon enfance restent omniprésents en moi.
Mais j’ai su déconstruire les stéréotypes et mon idée des relations hommes-femmes, que la société m’avait insidieusement mise dans le crâne.
J’ai aujourd’hui 24 ans et ces dernières années ont été une complète redécouverte. Je me suis libérée !
À la suite de lectures, d’influences en tout genre comme des comptes Instagram, et surtout d’échanges avec mes amies, j’ai développé de nombreuses convictions féministes.
J’ai déconstruit petit à petit mes idées sur la femme et sa place dans la société, sur les relations genrées.
J’ai pu mettre des mots sur des convictions et des idées qui étaient tapies en moi depuis longtemps, les affirmer et les revendiquer. J’ai ressenti ça comme une renaissance. Je me suis affranchie.
Mais en même temps, je me sens en souffrance face à mon féminisme.
En souffrance face à l’impossibilité d’être comprise par la globalité de mon entourage. En souffrance face à ce féminisme qui bout en moi… et face à des pulsions viscérales qui me font aller totalement a contrario de mes convictions.
Ma vie de féministe avec mille contradictions
Si je devais donner un titre à ma vie actuellement ce serait celui-là : une vie en contradictions, en paradoxes.
Il y a un monde entre ce que je voudrais être au regard de mes convictions et ce que je suis, ce que je fais inexorablement. Entre l’image de la femme que j’ai su déconstruire et des comportements ancrés en moi.
Je suis féministe, mais… je n’arrive pas à sortir sans maquillage
La femme n’est pas juste un physique, voilà une de mes convictions premières. La femme n’est pas un trophée que l’on exhibe pour sa beauté, son élégance, en se fixant exclusivement sur son image.
Pourtant, me voilà souvent dans cette place de femme-trophée. Inconsciemment j’accepte ce rôle et je l’aime presque. Pour preuve, j’ai vraiment du mal à sortir de chez moi sans maquillage, excepté l’été, et encore !
Comme si cette peinture visuelle me protégeait. Un masque. Un moyen d’être plus sûre de moi. Parce que oui, dans mon inconscient, une femme doit se mettre en valeur et se maquiller la face. C’est une sorte de protection.
Une protection pour me préserver du regard des autres, des jugements. C’est comme si je créais un personnage au travers de mon apparence physique. Comme si j’étais dans une pièce de théâtre !
Je crois que je fais ça par peur de divulguer qui je suis réellement. Pour que les attaques des autres ne puissent pas toucher mon moi profond.
J’ai peur de sortir sans maquillage et sans m’être apprêtée, comme si mon physique me définissait, alors qu’au fond je sais que ça n’est pas le cas, et que ça n’est pas grave de ne pas toujours être au top de sa beauté !
Par-dessus tout, je pense que c’est ma manière de me protéger du regard des mecs, qui sinon pourraient me rejeter.
Je suis féministe, mais… j’ai besoin d’être sexy quand je vais en soirée
Dans la même veine, lorsque je sors en soirée, tout est bon pour mettre mes attributs en valeur !
Et en même temps, je me dis qu’il ne faut pas que je ressemble à une « pouffiasse », alors que je pense que personne ne devrait traiter une femme de ce terme à cause de sa tenue…
Quand je fais ça, c’est pour attiser le désir des hommes, mais en subtilité !
Et même si j’ai fait des progrès à ce niveau-là, au fond de moi je ne peux pas m’empêcher de penser que la femme doit avoir les seins bien ronds et le cul bien bombé, sinon elle n’est pas physiquement intéressante.
Je me sens coincée dans ce schéma et ces pensées, et ça me met en détresse intérieure.
Je suis féministe, mais… je ne supporte pas mes poils
Et les poils, AU SECOURS ! Enlevez-moi toute cette moquette disgracieuse ! Encore une injonction que j’ai malgré moi intégrée et que je n’arrive pas encore à éradiquer.
Quand je couche avec un garçon, je dois, (c’est un devoir quasiment !) être toujours hyper bien épilée !
J’ai conscience que ça ne rime à rien, qu’il faudrait que je lâche un peu du lest mais cette peur du jugement de l’autre et surtout de son rejet est profondément ancrée.
Souvent je me trouve ridicule ! J’ai peur d’un rejet qui, je le sais, est basé sur des futilités, mais si ça m’arrivait, je suis persuadée que je ne saurais pas l’affronter, que cela me ferait trop mal.
Je suis féministe, mais… je colle à ce que je pense être les désirs des hommes
Là où mes contradictions sont le plus voyantes, c’est en amour et dans mes relations avec les hommes.
Ma revendication : brandir ses émotions et ses singularités comme un étendard ! Exprimer ses besoins et ses envies haut et fort !
Mais là encore, je m’auto-persuade sans vraiment que ça soit le cas. Au final, je me colle souvent aux envies et aux désirs de l’autre. Ou, plus précisément, à ce que j’imagine que les hommes veulent.
Alors allons-y ! Sexe et no attache ! Séduction et no attache ! Forme d’intimité et no attache ! Bien sûr que j’en suis capable, oh ! Bien sûr que ces formes de relations me conviennent !
Moi, je serais une de ces filles au cœur d’artichaut ? Moi, je serais une fille qui s’attache et tombe amoureuse dès le premier soir ? Non ! Non ! Non !
Sauf que dans la réalité, ça n’est pas vraiment le cas. Alors voilà, une nouvelle fois, pour éviter le rejet et avoir une mini portion d’affection, je m’y plonge à corps perdu.
Mais à quel prix ?
Je me maltraite pour rentrer dans les codes d’une surconsommation relationnelle, d’une consommation massive de partenaires sans attaches.
Au final, si j’agis comme cela, c’est plus parce que je ressens des injonctions que parce que ça me convient.
On prend, on jette, on prend, on jette. Je leur donne ce qu’ils attendent de moi puisque je suis en attente d’eux. Et je nie mes émotions. C’est plus facile.
C’est vrai, parfois j’ai des relations avec des mecs sans développer d’affection envers eux. Mais dans ces cas-là, je ne suis pas pleinement moi-même.
Je suis féministe, mais… je ressens le besoin que les hommes me regardent
Une autre de mes convictions : une femme n’a pas besoin du regard d’un mec pour être bien.
Parce que oui, en tant que femme indépendante je dois connaître ma valeur, et aucun homme ne peut la définir pour moi ! En tant que femme indépendante, je dois avancer sans avoir besoin de reconnaissance masculine, sans avoir besoin du regard de l’homme !
Là encore, je me retrouve dans des comportements qui vont à contre-courant de mes idées…
Insatiablement je recherche ces yeux que je crois valorisants. Ce regard approbateur de l’homme.
J’en arrive parfois à une boulimie de conquêtes et comme toute boulimie, arrivé à un certain stade, le surplus, le trop plein doit sortir. Et je me sens mal. Et je culpabilise.
Je mange mes émotions par le jeu de la séduction. Je satisfais mon manque de confiance en moi par l’approbation d’une multitude de regards masculins.
Je vais à l’encontre de mon image de la femme indépendante, libre ! Je me crois libre mais je ne le suis, peut-être, pas tant que ça.
Je subis mes comportements qui se calquent sur un stéréotype de genre ancré en moi
: la femme a besoin de l’approbation de l’homme. Seule et sans valorisation masculine, il lui manque quelque chose et elle ne peut pas avancer.
Je suis féministe, mais… je suis en attente d’un mec
Telle la belle au bois dormant en haut de sa tour, je suis dans l’attente de l’homme qui viendra me sauver, me valoriser et donner du sens à ma vie.
Je suis en attente d’un homme ! J’attends, j’attends, et je me déteste pour ça !
Même en ayant conscience, en étant très lucide sur le sujet, je me retrouve dans cette posture parce que je l’ai tellement assimilée qu’elle fait partie de moi.
Les Disney m’ont lavé le cerveau dès le plus jeune âge ! Pourtant je ne veux pas être comme ça, je ne suis pas ça, moi ! J’ai conscience de ce stéréotype que l’on m’a fourré dans la tête, alors pourquoi ? Pourquoi c’est encore le cas ?
J’ai l’impression de dépendre affectivement des hommes, de ne pas m’en être affranchie encore complètement. Et du coup de tomber sur des personnes qui profitent de cette vulnérabilité !
J’ai laissé entrer dans ma vie un pervers narcissique. C’était il y a 2 ans maintenant, et c’est fini, heureusement.
Je me suis retrouvée dans des situations de détresse affective totale, presque de servitude ! Moi qui me dis forte, indépendante, féministe et qui n’a pas besoin d’un mec ! Une hérésie !
Cet épisode douloureux m’aura au moins permis de déceler cette dépendance, cette attente que j’ai envers les hommes.
En matière de sexualité, j’arrive à m’assumer
Maintenant parlons SEXE ! Et surtout plaisir féminin ! Qui, pour moi, est le symbole ultime de la libération de la femme.
Je voudrais crier sur les toits que la femme peut se faire jouir seule ! J’aimerais que toutes les femmes le sachent, le fassent, que tous les hommes sachent dessiner un clitoris !
S’affirmer sexuellement est pour moi le summum du féminisme. Parce que là où les inégalités sont les plus invisibles, c’est dans la sphère privée.
Le plaisir féminin (et seule) ce n’est pas sale et ça fait du bieeeeen !!!
Lorsque j’ai compris ça, ça a été une véritable libération, une deuxième naissance. La honte et le dégoût véhiculés par la société se sont déconstruits en moi et ça, c’était un soulagement de dingue.
À ce niveau-là, j’ai su véritablement accorder mes convictions à mes comportements. Je ne me suis jamais sentie aussi libre sexuellement qu’aujourd’hui ! C’est comme si tout un tas de possibilités s’offraient à moi.
Et non, ce n’est pas parce que l’on aime telle ou telle pratique, que l’on aime le sexe, que l’on a beaucoup de relations, que l’on parle haut et fort de clitoris, de plaisir féminin, de gode, de positions que l’on est une salope, une fille peu respectable.
Non non non !
Alors OUI je suis épanouie sexuellement. Dans l’acte en lui-même je pose mes limites, je guide, je communique sans aucun souci, sans gêne la plupart du temps.
Je suis libérée sexuellement, et je me sens jugée à cause de ça
Mais malgré tout ça, cette image de fille dite « de petite vertu », délurée, m’est renvoyée à la gueule assez souvent. De manière le plus souvent implicite, mais présente.
Et il faut dire que j’ai l’impression de la nourrir, cette image, parfois.
Parce que je suis attirée par des mecs qui vont me renvoyer cette image. Voilà encore un bien beau paradoxe !
Je me tourne vers des mecs qui parfois ne comprennent pas qu’une fille libérée sexuellement, qui en parle aisément n’est pas seulement ça, qu’elle n’est pas bonne qu’à ça…
Des mecs qui ne comprennent pas que coucher avec une fille qui aime ça et qui a affirmé son désir, ça ne veut pas dire : ne pas la respecter.
Je vais vers des mecs qui souvent ne distinguent pas ces deux choses : la sexualité libérée et la pleine considération de l’autre. Ils me renvoient alors le peu d’estime que je peux avoir de moi.
Avant, je passais pour la coincée, maintenant je passe pour la trop libérée. Et ça me fait souffrir.
Comme je parle de cul et que j’aime ça, est-ce que je suis condamnée à être la fille avec qui l’on s’amuse, mais avec qui l’on ne se pose jamais ?
J’ai intégré ce rôle, peut-être malgré moi.
J’ai l’impression d’avoir cette image de « fille facile » sur le dos, et de me conformer à elle en me tournant vers des garçons qui ne voient que ça en moi.
Alors même que je revendique qu’une femme ne devrait jamais être traitée de la sorte et est libre de faire ce qu’elle veut de son corps !
Prise au piège par mes contradictions, je me sens tiraillée
Mes nombreuses contradictions, mes comportements pas parfaits et pas à 100% féministes, je prétends que je m’en fous, parce qu’après tout, je suis une femme libre qui fait ce qu’elle veut !
Mais est-ce vraiment le cas ?
Moi, j’aimerais être la femme libre que j’idéalise. Pourtant, je sens bien une tension entre ce que je voudrais être et ce que je suis et l’image que j’ai de moi.
Je suis littéralement tiraillée intérieurement entre mes convictions et des comportements pour lesquels j’ai été conditionnée, et dont j’ai du mal à me défaire.
Je me pose plein de questions ! Est-ce qu’assumer mes contradictions, assumer ma féminité, ma sexualité, parfois à outrance, c’est un acte de liberté ? Ou est-ce que ça montre au contraire que je suis conditionnée ?
Et parfois, est-ce que je n’agis pas d’une certaine façon pour MONTRER, aux autres et à moi-même, que je ne le suis pas, conditionnée ?
Essayer de devenir une femme libre sans m’auto-flageller pour mes travers
« Be a lady, they said » (du nom d’un court-métrage réalisé par Paul McLean)
Je me reconnais tellement dans cette vidéo ! C’est si difficile d’être féministe alors que toute la société t’a dit d’être une « lady », toute ta vie, de rester à ta place de femme. Moi, j’ai plusieurs voix dans ma tête qui me disent :
Be a lady! Be a lady! Be a feminist and be a lady!
Je ne sais, peut-être, plus très bien qui être, quel comportement adopter avec toutes ces convictions si fortes qui bouillonnent en moi.
J’ai envie d’hurler parfois tant l’écart entre ce que je revendique et ce que je montre est grand. J’ai envie de hurler tant ces deux oppositions se font la guerre en moi. Une contradiction qui me tiraille, m’oppresse.
Que faire ? Que dire ? Que montrer ? J’explose, j’en perds le souffle…
Parfois je nourris mes convictions, parfois je les nie. Je nourris alors l’image que la société m’a donné de la femme. Prise entre deux feux, je souffre.
Puis… je relativise. Je me dis que c’est un travail de longue haleine, que tant d’années de conditionnement ne peuvent s’effacer en quelques années de prise de conscience.
Alors je minimise, j’en rigole ! Mon rire et ma joie de vivre, c’est aussi ça mon masque.
Mais pour conclure, je m’applique à devenir celle que je voudrais être, pleinement en accord avec mes convictions tout en acceptant certains travers viscéralement marqués en moi.
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