« J’ai un parcours un peu chaotique. » Voilà par quoi commence Sarah lorsqu’on aborde sa vie professionnelle, et décidément c’est une rengaine dans cette série de témoignages.
BEP hôtellerie-restauration, un bac pro commerce, un BTS en Négociation et relation clients… Selon elle, tout ça est un peu fouillis et loin d’être un parcours classique pour quelqu’un qui est aujourd’hui caviste.
Le vin, une passion
Pourtant, la passion du vin, Sarah la traîne depuis un bon moment. Si à la base elle voulait travailler « dans l’art », ce n’était finalement « pas assez terre à terre » pour elle.
« J’avais besoin d’un truc avec lequel je savais que je pourrais payer mes factures. »
D’où ses premiers pas en hôtellerie, il y a 10 ans, qui coïncident avec ses premiers amours pour les cépages et autre châteaux.
« Il y a 10 ans quand j’étais en restauration, on avait des cours d’œnologie. On nous faisait goûter les vins — bien sûr on peut le recracher, on n’est pas obligé de l’avaler surtout quand la dégustation est à 10h.
J’avais un prof passionné qui nous faisait des cours géniaux, il débordait toujours du plan de cours, il nous racontait tout ce qu’il savait. »
Ce prof, Sarah ne l’a jamais revu, mais ce qui est sûr c’est que c’est lui qui lui a transmis sa passion.
Sarah précise quand même qu’être caviste, ce n’est PAS ÇA.
Le vin, on peut y toucher dans plein de domaines différents !
Par la suite, le vin faisait le lien entre toutes les formations et les milieux un peu différents qu’elle fréquentait.
« L’hôtellerie, c’est stressant, tu n’as plus de vie… Mais ça apporte justement de savoir gérer son temps et anticiper, et j’y avais beaucoup de cours d’œnologie, de formations sur les accords mets et vins : que mettre avec tel fromage, etc.
Ensuite j’ai enchaîné avec un bac pro commerce, en décidant que j’allais faire tous mes stages dans les grandes surfaces comme on nous le demande, mais au rayon vin. Tous mes dossiers de stage étaient super !
C’est après que j’ai commencé à travailler, j’étais cheffe de rang chez Hippopotamus, mais je ne voulais pas faire ça toute ma vie, donc j’ai suivi un BTS NRC, en espérant y faire mon parcours en vin. »
Mais avant d’atterrir dans une cave, Sarah est repassée par la restauration, a fait de la vente, du téléconseil…
Car ce n’est pas évident de se faire embaucher dans une cave, en particulier lorsqu’on est une femme.
Métiers du vin, un milieu encore très masculin
Lorsqu’elle a postulé pour son travail actuel, caviste chez Metro, un grossiste professionnel (ça veut dire que les pro achètent chez eux ce dont ils ont besoin : ici typiquement on parle de restaurateurs qui achètent du vin), Sarah ne savait même pas à quel poste correspondait l’offre.
« C’est quand le recruteur a appelé son collègue qui est arrivé avec son tablier « La Cave » que j’ai compris que c’était sérieux. »
Forte de son parcours, Sarah avait toutes les bases : pour la restauration, pour le commerce, ce qui correspondait à leur besoin car certains restaurateurs sont des clients très fidèles.
« Le plus, c’est que j’avais mentionné sur mon CV que je faisais du sport, ce qui voulait dire que j’étais capable physiquement. »
Et c’est un point important, car c’est souvent ce qui coince : le métier est physique et Sarah, mince et petite, a souvent été recalée pour ces raisons-là. Et puis parce qu’une femme dans un rayon vin, on en voit encore assez peu :
« Je leur ai même demandé s’ils étaient sûrs, en voyant leur enthousiasme, tellement j’avais été habituée à ce qu’on me dise non. »
Heureusement que son syndrôme de l’imposteur n’a pas eu raison d’elle, et surtout que les recruteurs en face ne l’ont pas écoutée, puisqu’elle y prouve désormais sa valeur !
« Il y a ce cliché que les femmes n’aiment que le rosé chez beaucoup de clients. Mais souvent mes collègues me défendent, ou je le fais moi-même : ce n’est pas parce que je suis une femme que je n’aime pas autre chose !
Je dois vraiment prouver que j’ai des compétences, face à des petits regards un peu hautains, je n’ai pas le droit d’hésiter.
Mais parfois, je joue le rôle qu’ils veulent me donner, comme pour les mettre dans ma poche en leur demandant par exemple « ah bon ? mais vous préférez quoi ? » lorsque ma proposition ne leur convient pas. C’est un peu comme du minaudage, un certain type de séduction, j’avoue, j’en joue pour le retourner en ma faveur. »
Tout ça me rappelle sévèrement à quel point les femmes ont toujours besoin de faire plus d’efforts pour prouver leurs compétences, comme l’illustrait parfaitement l’histoire de ces deux collègues qui avaient échangé leur mail le temps d’une semaine, constatant que signer Martin était beaucoup plus simple que de signer Nicole.
Et pour noyer le chagrin d’ailleurs…
Une journée type de caviste chez Metro
Être caviste chez Metro, ça comprend une bonne partie de manutention :
« Toute la journée on reçoit entre 5 et 6 palettes remplies de vin. Il faut faire la mise en rayon, ce qui veut dire porter de nombreux cartons de vin. D’ailleurs, la médecine du travail nous rappelle bien qu’il faut faire attention à notre dos, plier les jambes. »
Mais quand elle est du matin, Sarah commence par passer les commandes entre 6h et 8h, pour lesquelles il faut être capable d’anticiper : quelle météo va-t-il faire, que vont vouloir consommer les gens ?
« À partir de 11h, on fait les dégustations. Soit ça termine ma journée si je suis du matin, soit ça l’entame si je suis d’après-midi. Les clients viennent goûter, et généralement, ceux qui s’y prêtent achètent, beaucoup.
On essaie d’être au moins trois ou quatre dans ces moments-là, car on a tous des goût différents. On fait une dégustation jusqu’au bout : la couleur, le nez, qui trouve quoi comme arôme, on goûte, on ne va pas jusqu’à noter les vins mais presque !
On imagine à quel client on pourrait le conseiller, et quand on a des coups de coeur on les commande en plus grosse quantité pour les proposer, on en fait vraiment la promotion. »
Le sel du métier de caviste
Ces moments de partage sont vraiment ce qui fait qu’elle adore son métier – même si elle a hâte de bientôt démarcher des clients :
« On fait le tour des restaurants à raison d’un par semaine, on mange chez eux, on goûte leur vin, on leur propose ce qui pourrait leur plaire. »
Pour Sarah, la qualité première est la curiosité, et c’est toujours lié à cette question de la convivialité :
« C’est super important car il faut toujours poser plein de questions. À mes collègues, qui ont été sommeliers ce qui me permet d’apprendre, mais aussi aux clients car ils adorent qu’on leur pose des questions sur eux.
Beaucoup sont des passionnés de leurs jobs, par le vin, mais c’est surtout que je vois comme le vin est super convivial. Ça rapproche les gens. »
Ayant commencé ce job il y a seulement un mois et demi, pour le moment Sarah gagne 1200 euros nets.
« Après j’ai le 13ème mois, il y a toutes les fois où je vais manger dans l’entreprise et où je bénéficie de moins 50% sur ce que je prends. Et j’ai aussi -15% sur tous mes achats dans le magasin ! »
Alors, qui veut se lancer dans l’œnologie, la sommellerie, devenir caviste ?
Un petit conseil en passant si c’est le cas : ne vous mettez pas de bâtons dans les roues en demandant à la personne qui va vous embaucher si « elle est sûre ».
Évidemment qu’elle est certaine si elle vous propose le job, elle n’a pas intérêt à recruter quelqu’un de mauvais. Allez, un bon tacle dans ce syndrome de l’imposteur et c’est parti.
À lire aussi : Les 7 commandements pour rafraîchir son vin
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