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Société

Des « gaijins » pas tous égaux – Carte postale du Japon

Au Japon, les étrangers sont appelés « gaijins », et le traitement qui leur est réservé par la société diffère selon leur origine, la raison de leur expatriation et la durée de leur séjour. Pas toujours facile de venir d’ailleurs…

Difficile de passer inaperçu au Japon ! Dans un pays où la population est très homogène, les visages étrangers portent sur eux leur différence. On a beau essayer de se fondre dans la masse, on est vite repérés par nos caractères physiques : grand nez (un compliment très agréable pour toute jeune femme), visage fin, grande taille… Les ressortissants français tirent leur épingle du jeu car dans l’imaginaire japonais, la France, c’est la Tour Eiffel, le pain et le Mont St Michel. Pour les autres, c’est assez variable.

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Drôles de gens de l’extérieur

La langue japonaise a un mot pour désigner les étrangers : gaikokujin, « les habitants du dehors », souvent contracté en gaijin. Péjorative à l’origine, la contraction est devenue à peu près neutre. Cependant tous les gaijins ne sont pas égaux, et l’immigration d’origine asiatique est assez mal perçue. L’immigration chinoise (685 000 personnes) et coréenne (589 000) est la plus visible ; suivent ensuite les Thaïlandais et les Philippins. Ils occupent des postes à faible qualification et à rémunération limitée ; les Philippines par exemple constituent une main-d’œuvre toute trouvée pour les tâches de ménage ou de garderie, sur lesquelles les Japonaises ne se précipitent pas. Les Japonais d’origine coréenne souffrent de discriminations à l’emploi et leur intégration est difficile.

Côté occidental, ce sont les Américains qui arrivent bons premiers. Du coup, pour peu que tu sois blanche, c’est la nationalité que l’on t’attribue d’office ! La tutelle exercée par les États-Unis sur l’archipel à l’issue de la seconde guerre mondiale a laissé des marques (et des bases militaires) dans tout le pays. Les délits et crimes commis par les troupes en station sont très médiatisés et attisent chez certains un ressentiment envers la patrie de Mickey, que paradoxalement, la population japonaise adore.

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L’ensemble de l’immigration asiatique et occidentale ne représente qu’un fragment de la population japonaise : 0,6% des salariés, soit dix fois moins qu’en France. Les Japonais sont pourtant assez chatouilleux sur la question, et craignent que les étrangers ne s’installent en nombre dans leur pays. Ils redoutent que la réputation de sûreté du Japon ne s’efface, que sa propreté s’amenuise, que la culture se perde – bref, que le Japon ne soit plus le Japon.

C’est vrai que la culture japonaise, ses us, ses coutumes, ses règles de politesse, est complexe, que la langue est difficile à parler et encore plus à lire ou écrire (les syllabaires, passe encore, mais les kanjis, bonjour !). Les étrangers ne sont pas toujours des champions de l’adaptation culturelle et méprisent parfois les règles de la vie en société dans leur pays d’accueil. Ils sont en retard, doublent dans les files, trient mal leurs déchets, parlent fort dans le métro, fument dans la rue sans se poser de questions. Une agression pour les Japonais qui considèrent que le respect des autres est une priorité… et qui s’opposent donc à tous ces comportements.

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Quand l’extérieur est une menace

L’étranger, une destination parfaite pour des vacances, mais certainement pas pour y vivre !

De nombreux Japonais voyagent ainsi pendant leurs congés, en Asie ou plus loin. Hawaii et l’Italie sont très prisés lorsqu’il faut choisir son voyage de noces ; on visite facilement l’Europe en quelques jours, entre amies (Paris, un rêve de filles !) ou bien en couple, en voyage organisé ou non. Et puis on rentre chez soi, dans le pays le plus sécurisant possible.

Tout le monde veut entendre ce que Fujiko-san a vu à Londres, Paris et Rome en trois jours ; par contre, lorsqu’elles sont de nature professionnelle ou universitaire, les expériences à l’étranger sont moins bien acceptées. Le temps de six mois d’études dans une faculté d’Amérique du Nord, on s’est un peu dé-japonisé, on est sorti du moule – et les entreprises pensent souvent que l’intégration dans une structure nippo-nippone sera plus compliquée. De plus, les étudiants en échange universitaire la dernière année manquent la course au recrutement, qui a lieu pendant les douze derniers mois du cursus. Une absence compliquée à compenser par la suite…

Les Japonais comprennent assez mal ce qui peut pousser un individu à quitter son pays natal pour s’installer durablement ailleurs. Compréhensifs avec les touristes, ils sont parfois plus étonnés, ou sur la réserve, avec les étrangers « tatamisés », c’est à dire complètement imprégnés de la culture japonaise.

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Entre les deux, les résidents de passage, dont je fais partie, sont plutôt bien acceptés. Il y a parfois des gens qui refusent de vous parler dans la rue, mais c’est une attitude largement minoritaire ! Les Japonais sont curieux avec les « Américains » (est-ce qu’on mange du poisson cru, du soja, du natto ? Est-ce qu’on visite beaucoup le pays ?) et très encourageants dès qu’on marmonne quelques phrases de japonais.

Le bon grain de l’ivraie

Historiquement, en période de crise, le Japon s’est souvent refermé sur lui-même. C’est encore un pays protectionniste qui exporte beaucoup mais protège son marché intérieur. La situation démographique du pays, marquée par un vieillissement très net (à l’horizon 2050, 40% des Japonais auront plus de 65 ans), mène à une réduction brutale du nombre d’actifs. La natalité, très faible, ne compensera pas la déformation de la pyramide des âges, et les personnes âgées comptent sur leur pension. Pour autant, l’immigration ne compte pas parmi les priorités du pays.

Même choisie, l’immigration pose question. Les étrangers diplômés et japonisants devraient avoir les faveurs des bureaux délivrant les visas, car pouvant s’intégrer rapidement et exercer un travail qualifié, mais l’opinion publique y est défavorable. La solution doit être trouvée au sein même de la société japonaise, notamment en incitant les femmes à travailler plus longtemps et à temps complet.

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Il existe cependant une catégorie d’étrangers accueillie plus facilement : les nikkeijin. Les nikkeijin sont les Japonais exilés et leurs descendants, installés particulièrement au Brésil ou aux États-Unis. Partis dans la première moitié du XXème siècle pour faire fortune, ils ont été incités à revenir par le gouvernement japonais dans les années 1990 et 2000, justement pour faire face au défaut de main-d’œuvre à bas coût. Ils ont adopté d’autres coutumes, parfois perdu la maîtrise de leur langue, mais font encore partie de la famille… et on suppose qu’il s’adapteront mieux que des étrangers à 100%.

Comme dans beaucoup de pays où la crise financière s’installe dans la durée, les courants nationalistes sortent du bois. Les hommes politiques se lâchent sur les petites phrases populistes qui flattent le racisme ordinaire (ça te dit quelque chose ?), ce qui ne joue pas en faveur d’une immigration plus souple !

Et toi, as-tu parfois eu le sentiment que tu étais l’étranger-e du coin ?

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Les Commentaires

23
Avatar de Vespah
28 août 2015 à 22h08
Vespah
J'ai été également choquée par certains propos et j'ai notamment signalé un message.
Je ne vois vraiment pas l'intérêt d'en discuter ici avant d'alerter la modération tellement le racisme contenu dans certains messages est évident.
3
Voir les 23 commentaires

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