Si on vivait dans une pub, on se réveillerait sans bave sur l’oreiller et des anglaises dans les cheveux. On se doucherait en se regardant les seins et notre activité consisterait à marcher dans la rue à allure modérée, en se demandant si la jupette de notre serviette de protection tient le coup avec toute cette agitation citadine.
On a pensé que celles qui aspiraient à vivre dans une pub Juvamine auraient besoin de quelques conseils avant de se jeter tête la première into the tvscreen. Ca tombe bien, j’ai moi-même partagé la vie des figurants de pub entre 1999 et 2002, je peux donc te donner quelques conseils. Voilà comment il faut agir quand on vit dans une pub.
(Nota : ce que je dis dans le texte d’accueil sur les twin sets je le pense, plus personne ne met ça à moins de vouloir pécho un châtelain)
(scène issue du film 99 francs)
Désormais, tu iras jusqu’à ta salle de bain avec un air poussif
Toute ta vie, tu as courbé l’échine lors de douches sans plaisir, te savonnant avec des produits premier prix au PH aussi neutre qu’un gratte gratte Scotch Britch*. Si tu veux intégrer le monde arrondi du petit écran, il faut vite oublier toutes ces méchantes expériences. Désormais, tu iras jusqu’à ta salle de bain sur la pointe des pieds, en étant tout le temps épilée de la partie mollet / chevilles, parce qu’on n’a jamais vu que le poil aux pattes ça faisait rêver bordel de merde.
A l’aube d’entrer dans ta douche, n’oublie pas de marquer un temps d’arrêt et éventuellement pousser un petit soupir d’aise. Le tout c’est signifier de manière subtile que tu es sur le point de vivre un moment d’extase grâce à un produit douchant.
Attention, vivre dans une pub demande de la rigueur et du temps. Fini les douches entre 7h42 et 7h44 dans le stress avec les poils qui se hérissent parce qu’il fait trop froid. Oublie aussi le petit pissou dans la douche, ça passera pas à l’écran, espèce de grosse dégueu.
*c’est vachement dur à dire d’un coup !
Si tu bosses bien, à toi les pubs Tahiti dans quelques années !
Une fois ta serviette négligemment glissée sur le sol, veille à te regarder les seins avec amour quand tu te savonneras, tout en gardant une position décente. Il ne s’agit pas de te frotter comme si tu étais une crasseuse. Ah oui, autre chose. On va t’épiler les avant-bras, pour que le téléspectateur n’ait pas l’impression qu’on lui montre une patte de cochon de lait lors du plan rapproché.
Dans un an ou deux ans et si bosses bien, tu auras une promotion pour tourner dans un spot Haïti Douche, le Hollywood du nettoyant corps. Tu fais un beau métier tu sais ; c’est pas donné à tout le monde de procurer du rêve en faisant croire que tu te sèches à l’air brûlant d’Amazonie, sous de faux palmiers.
La jupette de protection va faire son boulot correctement, tu peux gambader…
Dans une publicité pour les protections intimes, jamais ne traîne en background une vieille boîte de Spasfon écornée par les voyages et la douleur. Pourquoi ? L’intimité sait, elle ressent qu’on va la gâter en lui offrant des serviettes hygiéniques de marque verte.
Du coup on trottine dans la rue en pantalon blanc, parce qu’on sait que la jupette de protection va faire son boulot correctement. Et pour qu’on capte tout bien (c’est bien connu les filles ont du mal à se représenter les choses concrètement), des experts ès serviettes démontrent en versant de la gelée bleuâtre comment la protection féminine est imperméable comme une écaille de poisson.
C’est un pacte des loups entre ta serviette et toi
Grâce à ta marque de serviette, tu peux vivre ta vie normalement sans te préoccuper d’autre chose que tes activités courantes : faire du chameau en Egypte, une rando en cordée sur l’Himalaya ou un après-midi dans les traffic jams new-yorkais.
Ta jupette fait bouclier, c’est comme un pacte des loups entre elle et toi. C’est pour partager ce bonheur d’être protégée qu’on va retrouver ses copines à qui on dit bonjour en collant son front contre le leur, le tout en riant toutes dents dehors. Fin de la pub.
… Adieu, veaux, vaches, bouillotte et Spasfon
Evidemment si tu veux intégrer une pub, tu oublies toutes tes anciennes attitudes de vraie fille. Genre la mauvaise humeur, les gens qui font que t’énerver exprès, l’ouverture du placard le jour des fraises et la désagréable découverte qu’il n’y a plus que des cotons tiges en réserve. Dans les publicités pour les protections hygiéniques, on ne voit jamais des filles courbées en deux, déjà 1000 Spasfon dans le foie, une bouillotte sur le recto, alors tu souffres en silence et on en parle plus.
Dans une pub pour les produits laitiers
Quand tu vivras dans une pub, tu seras sûrement hyper choquée de voir que les gens sortent un yaourt au goûter sans au moins faire l’effort de prendre un peu de plaisir. Dans une pub pour les produits laitiers, manger un Kiri est une fête, un truc super excitant.
Y’a le lait aussi, produit qu’on doit consommer selon un rituel hyper précis : pour boire un verre de lait on doit être une dizaine de personnes, aller dans un lieu pur (type plage) et faire un feu en attendant le crépuscule. C’est la règle. Sinon c’est pêché.
D’ailleurs si on t’appelle pour boire un verre de lait en haute montagne, ouvre l’oeil, y’a des mecs vraiment pas mal faits. Si t’en repères un, vas-y cash et propose-lui « un morceau d’emmental », c’est le code (c’est équivalent à proposer une BJ – prononce [bidjé]).
Dans une pub pour le riz cuisiné
Dans la vraie vie, les gens mettent de la mauvaise volonté, je ne vois que ça. Sinon comment expliquer qu’un sachet de riz sente le sachet de riz pour une personne lambda, alors qu’il suffit à la dame qui le prépare à la télé de fermer les yeux pour se retrouver sur la muraille de Chine ?
Depuis que je vis dans une pub, j’ai visité le Mississipi avec un vieux reunoi sympa, les plateaux de l’Himalaya avec des indiens dévoués à la cueillette du riz, bref je voyage. Et je comprends vraiment pas pourquoi les gens font du riz comme s’ils disaient bonjour à leur chien. Un peu de respect pour le riz et sa noblesse, merde. Putain ça y est j’suis vénèr là, j’vais aller me reposer un peu dans le studio d’à côté, chez Obao.
On se demande des fois pourquoi on s’emmerde à vivre dans la vraie vie, alors qu’un scénar de pub nous attend tout chaud dans les cartons. A la place de ça, il faut qu’on préfère dégivrer en hiver, transpirer de la moustache aux grandes chaleurs et s’y reprendre à trois fois avant de parvenir à un créneau potable. Ah vraiment, si on pouvait vivre dans une pub, l’existence serait plus
simple.
Les Commentaires
(n'empêche, quand on veut imiter ça, et bah on se rend compte qu'on ne peut pas. Eh ouais.)