Être mère au foyer est souvent synonyme de disponibilité totale et de grosses responsabilités, avec un emploi du temps soumis aux aléas et aux impératifs de la famille. C’est clairement une activité à temps plein. Pourtant, ce statut est souvent considéré comme un « sous-travail » par la société.
Avec la pandémie, la charge de travail des mères — qu’elles soient au foyer ou non — a connu une évolution exponentielle, notamment avec la fermeture des crèches et des écoles. Beaucoup se sont retrouvées en première ligne.
En conséquence, certaines personnalités américaines réclament à leur gouvernement un « plan Marshall pour les mères » inspiré du plan du même nom adopté en 1948 par les États-Unis. Après la Seconde Guerre mondiale, ce programme a accordé des prêts à certains pays d’Europe afin d’aider à leur reconstruction.
Faudrait-il payer les mères pour le boulot accompli pendant la pandémie ?
Alors que l’épidémie fait des ravages aux États-Unis, les mères sont sur tous les fronts. La fermeture des établissements scolaires et des garderies a bousculé leur emploi du temps ; elles ont dû jongler avec de nouvelles responsabilités et s’improviser parfois institutrices…
Face à cette situation, la fondatrice de Girls Who Code, Reshma Saujani, a proposé de lancer un « plan Marshall » pour soutenir les mères en les payant 2.400$ par mois (un versement effectué par l »État). Dans une tribune signée dans The Hill , elle explique sa proposition :
« Chaque jour, environ 45 millions de femmes dans ce pays se présentent à un emploi où elles font régulièrement des heures supplémentaires, ne sont pas payées et n’ont pas de congé (…) L’intitulé de leur poste est “mère”. Il est temps de les rémunérer pour leur travail ».
Une initiative d’autant plus pertinente que les mères ont été touchées de manière disproportionnée par la crise, selon une étude publiée par le National Women’s Law Center. En effet, 865.000 femmes américaines ont quitté ou été contraintes de quitter le marché du travail en septembre 2020, suite à l’instauration de l’apprentissage à distance des enfants. C’est quatre fois plus que les hommes. Sans surprise, tout le monde n’est pas à égalité face à la crise…
Récemment, cinquante personnalités (dont les actrices Eva Longoria, Gabrielle Union, Julianne Moore ou encore Alyssa Milano) ont souscrit à cet appel en signant la tribune de Reshma Saujani dans le New York Times. Elles exhortent le président Joe Biden à promulguer un plan Marshall car « la maternité n’est pas une faveur ou un luxe » mais « un travail ».
Rémunérer les mères au foyer, une revendication de longue date pour certaines féministes
Dans l’Hexagone, l’idée de rémunérer les mères au foyer est régulièrement soulevée. Citons par exemple Anne J., autrice du blog Maman 4.0, qui réclame un salaire
:
« Au-delà du symbole, je suis de plus en plus convaincue que le rôle de parent devrait être reconnu comme une activité à part entière et être rémunéré, surtout à l’heure actuelle où il est encore plus difficile d’élever des enfants ».
C’est loin d’être une demande isolée : on retrouve souvent cette revendication dans les paroles de certaines femmes. Elle traduit globalement un ras-le-bol autour d’une activité invisibilisée, alors que beaucoup de personnes sont concernées : selon l’INSEE, en 2011, parmi les Françaises âgées de 20 à 59 ans non étudiantes, 2,1 millions sont des « femmes au foyer ».
Toutefois, si cette idée de salaire permettrait d’enfin reconnaître le travail de ces femmes, ce n’est pas une solution pour certaines féministes. Une rémunération serait une manière d’institutionnaliser le rôle de maman, et donc d’éloigner les mères d’un emploi « réel ».
Dans un article sur Slate, la journaliste féministe Nadia Daam précise cette distinction :
« Il est utile de rappeler ici qu’être mère n’est pas un métier. Un métier, c’est une activité rémunérée, exigeant une formation, et dont on tire des moyens d’existence ».
Selon elle, un salaire pour des tâches domestiques irait à l’encontre de l’évolution des mentalités sur le rôle de la femme dans la société. De son côté, la sociologue Dominique Méda plaide pour des politiques publiques :
« Il faut agir sur plusieurs fronts : multiplier les places en crèche, revoir l’organisation dans l’entreprise pour favoriser l’investissement des hommes dans la vie familiale, en s’inspirant de l’exemple suédois ».
L’idée n’est pas d’adresser une injonction aux femmes de travailler ou de rester à la maison mais de s’interroger sur les freins qu’elles peuvent rencontrer afin de mieux les accompagner.
La rémunération des femmes au foyer : fin de non-recevoir des politiques
Sur l’échiquier politique, l’extrême-droite est la seule à s’être vraiment emparée de ce sujet. En 2012, la proposition d’un « revenu parental » était présente dans le programme du Front national au cours de l’élection présidentielle, mais elle ne concernait en réalité que les femmes.
À gauche, Benoît Hamon soutenait, lui, un revenu universel accordé à tout le monde, sans distinction de genre et sans attendre le premier enfant — une idée à laquelle Jean-Luc Mélenchon s’opposait. En attendant que le législateur ou le gouvernement se saisissent de la question, le débat reste ouvert.
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