Depuis que tu as vu L’Auberge espagnole, tu te dis que les grandes aventures, la vie en coloc’ avec quinze personnes de nationalités différentes, les cours dans une langue que tu maîtrises à peine, c’est pour toi. Et pourtant, là maintenant, alors que tu dois vraiment y penser, tu hésites… Parce que, finalement, la France, c’est pas si mal. On s’y sent bien, non ? Et puis pourquoi aller ailleurs ? Les étudiants Erasmus sont déjà hyper nombreux dans ta fac, alors… Et bon, papa maman, certes ils sont parfois un peu relou, mais c’est quand même pratique de les avoir tout près.
Alors Erasmus or not Erasmus, that will be the question of the summer ?
Image tirée du film L’Auberge espagnole
Voilà, il y a un an, je me posais les même questions que toi. Etats-Unis ou pas ? J’en avais toujours rêvé, la possibilité m’était donnée de partir et pourtant, au moment de faire ma demande, ben, zut, je ne savais plus si j’avais vraiment envie de partir.
Et puis, me revoilà, après un an passé là-bas, avec une seule envie en tête : y retourner !!! Ok, tu me diras que c’est cliché, mais les clichés, ça a du vrai parfois.
Quand faut y’aller, faut…
Comme dans L’Auberge espagnole, le départ à l’étranger, c’est d’abord des tonnes et des tonnes – sans exagérer – de paperasses. De l’administratif à n’en plus pouvoir, la plupart du temps dans les deux langues. Rendez-vous à l’ambassade aux aurores, formulaires G1, F1, Sevis à remplir. Souvent, j’ai cru que je n’en serai pas capable, souvent j’ai voulu renoncer. Vu la difficulté que j’avais à déchiffrer trois pauvres lignes sur une demande de visa, je me sentais incapable de suivre un cours dans un amphi bondé où le prof n’aurait que faire de ma pauvre tête de française (même si, avouons-le, être française, ça aide toujours !).
Enfin inscrite dans l’université de mon choix, vient le moment de l’achat du billet d’avion. Symboliquement c’est très chargé. Là, en lisant, tu te dis que ce n’est qu’un bout de papier, mais le billet d‘avion, c’est un véritable sésame. Il s’agit de savoir quand partir : combien de temps avant la reprise des cours ? Trop tôt ? Trop tard ? Un tas de questions pour un petit bout de papier… Finalement, j’ai tranché pour dix jours avant le début des cours, histoire de m’habituer au pays, d’apprivoiser doucement le rythme de vie local, d’exercer lentement la langue…
Billet d’avion en poche, il faut maintenant partir pour de vrai. Aéroport Charles de Gaulle, un jour d’août, papa, maman, frangin. On retient les larmes, pas le moment de craquer, la décision je l’ai prise seule, je ne craquerai pas.
Dix heures d’avion pour retrouver l’enthousiasme d’un nouveau départ. Les gens devaient me prendre pour une folle, entre larmes et sourire, une traversée de l’Atlantique pour me persuader que j’avais fait le bon choix.
Entre coups de cafard et construction du quotidien
Quand on arrive dans une ville, on voit des rues en perspective, des suites de bâtiments vides de sens. Tout est inconnu, vierge. Voilà, plus tard, on aura habité cette ville. On aura marché dans ses rues, on aura été au bout des perspectives, on aura connu ses bâtiments, on aura vécu des histoires avec des gens. Quand on aura vécu dans cette ville, cette rue on l’aura prise dix, vingt, mille fois.
Xavier (Romain Duris) dans L’Auberge espagnole
Sortie de l’aéroport, la vraie galère commence là.
D’abord, trouver un logement. Vite fait, tu vas te rendre compte que les cours d’anglais de madame Dumin, que tu trouvais si géniale, ne te servent pas à grand chose. Elle t’avait bien appris à dire « the scene takes place near the house », mais elle ne t’avait pas dit que les américains, en fait, ils ne disent jamais « the scene takes place… »
Moi, je rêvais de la maison de Xavier (cf. Romain Duris dans L’Auberge espagnole), sur plusieurs étages, des étrangers de partout. Je n’ai pourtant visité que des appart’ minuscules et miteux, que j’aurais dû partager avec un white trash, cliché puissant de l’Amérique que je détestais. En plus, forcément, c’était hors de prix. Moi qui me voyais déjà à la conquête de l’Ouest, me voilà coincée pour l’année à Indianapolis.
En plus, dehors, on a beau être au mois d’août, il fait un temps de chien, et personne ne me comprend. Hier, j’ai voulu aller au Starbuck pour me la jouer locale, il m’a fallu répéter quatre fois « I want a coffee, please ! » … Vraiment, qu’est-ce que je fous ici ? Put***, en France, au moins le café, je me le commande sans problème.
Skype devient mon sauveur, fidèle compagnon des premières semaines. Des heures au téléphone avec les copines et la famille pour me dire que, au moins quelque part, on m’aime… Même si c’est à des milliers de kilomètres.
Et puis petit à petit, je me suis créée un quotidien : le chemin que je prenais tous les jours pour aller à l’école de Droit, les même réflexes tous les soirs en rentrant de cours. Jour après jour, mois après mois, là-bas, ça devient aussi ma vie. Tout l’extraordinaire et l’insurmontable du départ devient mon quotidien. Manger avec un italien, un allemand, une portugaise, deux américaines et un chinois dans la même pièce devient la norme. Petite organisation de la vie quotidienne, les solidarités se créent sans se poser de questions. Amitié, amour, plan culs et engueulades rythment mes semaines. Lentement, je me suis créée une famille internationale. Un coup de blues, un coup de coeur, de l’ennui, un fou rire, c’est cliché, mais il y a toujours quelqu’un pour le partager. Petit à petit, les peurs de l’aéroport semblent si ridicules…
Voilà c’est fini…
Et puis arrive ce jour, encore plus terrible, où le compte à rebours commence, où les semaines qu’ils restent sont moins nombreuses que celles qui sont déjà passées. Mes journées sont devenues alors extraordinairement longues. Un seul mot d’ordre : profiter, quitte à ne pas dormir, quitte à n’être physiquement plus qu’une loque, il fallait profiter.
J’ai eu beau profiter, le jour fatidique est arrivé. Le 17 du mois de mai, j’ai dû quitter cette vie que je m’étais créée là-bas, loin de tout ce qui me ressemble. Cette vie que je ne peux que raconter mais que personne ne peux imaginer… Ce jour a été l’un des plus difficiles, parce que je ne savais pas quand je revivrai ces moments, parce qu’il avait un goût de définitif. La parenthèse enchantée de l’année Erasmus prenait fin.
En arrivant à Roissy, neuf mois plus tard, j’ai pleuré… La boucle était bouclée : retour à la case française.
Erasmus or not Eramus, that’s not the question anymore…
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