Les prénoms ont été modifiés.
Erasmus est un programme mis en place en 1987 qui permet aux étudiant•e•s d’effectuer une partie de leur scolarité dans un établissement européen. Et depuis le film L’Auberge espagnole en 2002, il est entouré d’une certaine aura, et lié à certaines attentes.
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En partant, ces deux madmoiZelles avaient la tête pleine d’images du film… mais elles ont très vite déchanté.
Une image idéalisée d’Erasmus
Alice et Lau sont toutes les deux parties par nécessité et par envie. Alice explique :
« L’échange universitaire est obligatoire dans mon cursus. J’avais justement choisi ce cursus pour cette raison, parce que je n’aimais pas le mode de vie français et que j’avais besoin d’aller voir ce qu’il se passait ailleurs.
J’avais des attentes académiques d’un côté : j’avais choisi de partir dans une très bonne université, je pouvais sélectionner mes cours, bref je comptais m’éclater niveau études !
Et de l’autre côté, moi qui était introvertie, j’espérais quelque part qu’un autre cadre me fasse changer, que j’apprécie d’aller en boîte, que je me fasse des tas d’amis — le cliché habituel du séjour Erasmus. On avait eu quelques vagues retour de gens de notre école, et puis tous ceux qu’on lit habituellement dans les magazines, qui parlent de moments incroyables et d’amis pour la vie (haha la blague). »
C’était la même idée pour Lau, qui s’attendait aussi à se faire plein d’amis et à vivre des expériences exceptionnelles à Dublin :
« Je me suis dit que ce serait une super expérience, et ma dernière occasion de partir vivre à l’étranger à moindre frais (j’étais boursière). Je suis partie en Irlande pour renforcer mon anglais (je l’ai préférée à l’Angleterre pour une bête raison de monnaie….).
Je pensais passer une année inoubliable de bout en bout, rencontrer un tas de gens, me monter un réseau de ouf, enfin, comme dans les films quoi ! J’avais cherché des expériences sur le Net ; tous les commentaires étaient super enthousiastes, les gens étaient rentrés grandis et pleins d’amis, trop cool. »
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La déconvenue
Mais pour Alice, le choc a été rude. Si les cours lui ont plu, le mode de vie était en opposition complète avec le sien :
« J’avais peu d’heures de cours (entre 12 et 18 heures par semaine), mais comme attendu, ces cours étaient très bons ! J’ai pris du plaisir à bosser, ça m’intéressait vraiment, donc de ce côté-là c’était génial.
Par contre, j’ai dû prendre une chambre dans une résidence étudiante composée d’apparts de cinq personnes, avec des salles de bain individuelles (heureusement). Le premier problème s’est situé là : je n’avais jamais vécu en coloc, et je me retrouvais à vivre avec des gens qui, de par leur nationalité, n’avaient pas reçu la même éducation que moi, et qui donc n’avaient pas la même conception du respect de l’autre, que ce soit au niveau de l’hygiène (les plaques de cuisson étaient recouvertes d’huile en permanence), ou du bruit (les portes qui claquent tout au long de la nuit) par exemple.
Je restais enfermée dans ma chambre le plus possible, n’en sortant que pour les cours, les courses, pour faire les magasins ou pour aller à des cours de danse. »
Pour Lau aussi, le quotidien et surtout l’environnement s’est avéré être trop en décalage avec ses habitudes et son mode de vie :
« J’ai dû chercher un logement en urgence une fois arrivée là-bas, et je me suis retrouvée dans un taudis à la limite du squat, dans un quartier résidentiel familial. On était quatre étudiants dans la maison, dont deux Irlandais (enfin, je crois : y en a un que je n’ai jamais vu).
Je me levais, mangeais quand je pouvais (quand le micro-ondes était touchable sans désinfectant), j’allais en cours, j’essayais de comprendre l’accent irlandais, je rentrais, et je passais la soirée sur Internet/Skype avec mon copain resté en France. Je suis sortie un peu au début, mais puisque je vivais à 7km du centre-ville de Dublin ça s’est rapidement révélé compliqué, et cher en taxi. »
Les deux madZ se sont donc retrouvées au sein de colocations dans lesquelles elles avaient bien du mal à s’intégrer, qu’elles n’aimaient pas trop et qui étaient loin de leur mode de vie.
Comment ça, « laver » ?
Pour Lau, cela s’est heureusement arrangé quand elle a pu déménager :
« Je suis rentrée pour un long mois à Noël, j’ai loupé quinze jours de cours à la rentrée, je ne pouvais pas me résoudre à repartir. Et puis début février, j’ai déménagé. En centre-ville, dans une VRAIE coloc avec une Française et une Italienne, à 5 minutes à pied de l’appart d’une amie… et tout s’est arrangé comme par magie.
On faisait des soirées TV/M&M’s, la fête tous les jeudi/vendredi/samedi soirs (ah, c’était beau d’avoir vingt ans !). Il a aussi commencé à faire beau ! Je me suis réouverte au monde et ai pu conclure positivement cette expérience très mal barrée. Bon, sauf quand j’ai chopé une angine bactérienne et que j’ai agonisé une semaine à 39 de fièvre parce que les généralistes là-bas, c’est 80€… »
Des amis pour la vie ?
Alice a eu du mal à se faire des amis, tant il y avait justement la pression de se faire des amis, ce qui enlevait toute spontanéité :
« Je faisais partie de l’asso de danse de l’université, donc je rencontrais la majeure partie des locaux à ce moment-là. Niveau étudiants Erasmus, j’ai essayé d’être amie avec eux ; ça a duré jusqu’à Halloween à peu près.
Ils passaient finalement leur temps à faire la fête, à boire, et ça n’était vraiment pas mon truc. En plus, l’espèce d’injonction « Tu es en Erasmus, tu dois donc te faire des amis pour la vie » pourrit un peu l’expérience : les Erasmus que j’ai rencontrés avaient un besoin énorme de se voir tout le temps, de rester scotchés et de créer des délires et des blagues ensemble, pour confirmer cette idée d’« amis pour la vie ». »
Lau aussi est restée assez seule :
« J’ai rencontré quelques locaux dans des soirées ; a généralement suivi l’étape obligatoire de l’ajout sur Facebook histoire de ne plus jamais se parler. Les seuls contacts que j’ai gardés sont des Français ou des étudiants italiens.
Les locaux ne semblaient pas franchement intéressés par le fait de lier des relations avec des gens de passage, et les soirées étant principalement organisées par des assoc’ Erasmus, les contacts ont au final été rares. »
Toutes deux ont ainsi eu du mal à se faire accepter des locaux, qui ne les voyaient quasiment que comme des Erasmus, et donc des filles de passage. Les autres Erasmus, quant à eux, cherchaient à se conformer au maximum à l’image du programme : faire la fête et nouer des amitiés uniques, un mode de vie et une pression relationnelle pas évidents à gérer.
Se faire sa propre expérience
Avant sa deuxième colocation, Lau s’est surtout sentie complètement coincée dans cette (mauvaise) expérience :
« Je me suis rapidement retrouvée isolée, et je suis tombée très vite en dépression. Le fait d’avoir laissé mon copain en France et d’avoir été dans une période compliquée sur le plan familial n’a pas aidé.
Je ne pouvais plus me lever, je ne mangeais rien, et j’ai été aux examens uniquement pour ne pas devoir rembourser les bourses (j’ai eu des notes genre E-F). Je ne sais pas si je me suis déjà sentie aussi seule et acculée : abandonner signifiait rendre les bourses et retourner à la fac en France (donc trouver encore une fois un logement en urgence), et me retrouver dans un bazar administratif ; rester, c’était m’enfoncer un peu plus jusqu’à un endroit où je ne voulais pas aller.
J’ai alors cherché des gens comme moi, j’ai cherché « Erasmus dépression », « Erasmus qui se passe mal » et RIEN. Zéro putain de résultats dans Google. »
Alice ne regrette pas d’être partie ; pour elle le problème, ça a été l’étiquette Erasmus qui filtrait tous les rapports sociaux :
« J’ai adoré la ville, j’ai adoré les cours, mais j’ai détesté l’aspect social. Et finalement, je crois que le problème majeur qui a fait que je n’ai pas aimé mon expérience Erasmus en tant que telle, c’est justement cette pression de dire qu’un Erasmus, c’est forcément se faire plein d’amis et passer son temps à faire la fête.
Ce n’était pas mon but, mais j’ai cru pouvoir m’adapter à cette mentalité. Sauf que ce n’était pas moi et je me suis finalement retrouvée plus ou moins seule. Je me suis également retrouvée face au problème que ce qui était mon « chez moi » en France n’était plus vraiment un endroit que je percevais comme tel, et que le lieu de mon Erasmus n’était pas non plus « chez-moi ». Je n’avais plus d’attaches amicales dans ma ville d’origine, et je n’en avais pas dans celle de mon Erasmus non plus. »
Pour que cela ne vous arrive pas
Alice pense que tout aurait différent si elle fait attention à deux choses :
« Restez vous-même, ne vous forcez pas à être ce que vous n’êtes pas. Si vous n’aimez pas aller en boîte en France, ne vous attendez pas à voir cet aspect changer quand vous descendrez de l’avion.
La claque du retour. Vos amis « d’origine » ont vécu sans vous pendant un an, votre famille aussi, votre pays aussi ; ne vous attendez pas à tout retrouver comme avant. Je pense notamment aux galères pour réussir à revoir ses amis, qui ont visiblement autre chose à faire que vous voir parce qu’une dynamique différente s’est créée. »
Lau pense que plutôt que de se laisser porter par les mythes, il faut surtout réfléchir à si l’expérience nous convient vraiment, et faire ce que l’on peut pour qu’elle se passe le mieux possible :
« On est tous différents. Un gros extraverti qui sortait déjà six soirs par semaine en France, va s’éclater c’est sûr. Éviter de partir seul, avoir au moins un repère dans un nouveau pays ça peut être bien (mais à double tranchant si pour une raison ou une autre le lien se brise). Je pense aussi qu’il faut éviter de garder un ancrage trop important dans le pays d’origine. Je me suis souvent dit que si je n’avais pas eu mon copain en France, je me serais plus investie dans ma vie en Irlande. »
Et vous, avez-vous tenté l’aventure Erasmus ? Quelles étaient vos attentes ? Avez-vous passé un bon moment ?
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Les Commentaires
Je peux comprendre que toutes les expériences Erasmus ne soient pas que réussites, mais si boire et sortir ne sont pas tes hobbies comme la majorité des personnes en Erasmus et/ou si la foule Française te fatigue, il y a pas mal d'alternatives.
Une des richesses des universités Anglo-saxonnes sont les clubs, il en existent pour tout et n'importe quoi: manga, cinema, réalisation, échec, séries, paintball...Et puis tous les clubs de sports qui évoluent dans la fac, c'est bien plus varié qu'en France et c'est l'occasion d'essayer. Il y a souvent un sport plus local, au Royaume-Uni, il y a le football celte qui est joué par beaucoup de filles, le softball, le basket ball bizarre adapté pour les filles (vous aurez compris que je ne suis pas une grande fan de changements de règles pour les femmes) et connaissez-vous l'ultimate frisbee? Ben voilà, il va falloir y retourner pour essayer.
Si l'univers de la fac n'est pas le tiens, il existe maintenant meetup.com, un site qui permets de rencontrer des personnes autour d'une activité ou bien d'un centre d'intérêt.
Ca c'est la partie "easy", quand je parle de se préparer c'est surtout psychologiquement, il va falloir sortir de sa coquille. Et je pense que pour beaucoup, cela passe par l'alcool, ce qui expliquerait les beuveries à répétition. Les autres ne viendront pas à vous, si oui tant mieux, si non, vous n'allez pas attendre! C'est le meilleur moyen de se découvrir un/une meilleur/e ami 1 mois avant le départ.
Je suis partie en Erasmus il y a deux ans, j'ai maintenant de bons amis sur les 5 continents, et ça m'a permis de réaliser à quel point bien se sentir quelque part était lié à mon entourage, et que mon entourage je le crée.