Les femmes représentent seulement 30% des créateurs d’entreprise en France, et ce taux n’a pas évolué ces dernières années. Partant de ce constat, un projet de réforme visant à promouvoir l’entrepreneuriat féminin a été présenté conjointement par Najat Vallaud-Belkacem, ministre du droit des femmes et Fleur Pellerin, ministre déléguée en charge des PME, de l’innovation et de l’économie numérique.
Le projet de réforme, en 3 axes :
- « Sensibiliser, orienter, informer » : il s’agit de promouvoir l’entrepreneuriat auprès des jeunes filles dès la 6ème, dans le cadre d’un nouveau programme de découverte du monde économique. L’objectif étant de faire germer l’idée du « pourquoi pas moi ? » auprès d’un public qui « ose moins » que les garçons plus tard.
- Accompagner la création d’entreprise : le projet prévoit de développer des programmes de mentorat au niveau régional, afin de procurer un accompagnement personnalisé aux créatrices d’entreprise.
- Faciliter l’accès aux financements : en plus des aides existantes, une « attention renforcée » sera prêtée aux projets d’investissement portés par des femmes. Des dispositifs d’aide au financement supplémentaires sont également en cours de constitution.
Entretien avec Laetitia Martos à propos de ce projet
Le premier axe vise notamment les jeunes filles des collèges et lycées. Il s’agit de sensibiliser dès l’école à l’idée que les filles aussi peuvent entreprendre. Le fait est que les hommes « osent » davantage, et qu’il n’y a pas de raison objective pour expliquer une aversion au risque plus élevée chez les femmes ; ce n’est pas inscrit dans leur code génétique, c’est donc un produit de l’éducation.
Pour Laetitia, créatrice d’entreprise, les femmes et les hommes se posent les mêmes questions au moment de se lancer dans la création d’entreprise, mais pas selon les mêmes termes.
Un autre facteur essentiel distingue la création d’entreprise au féminin, selon Laetitia, sans généraliser (on parle de tendance, pas de loi générale).« Tout le monde doute. C’est normal. On a projet, on pense qu’il est viable, mais avant de se lancer pour de bon, on doute. Les hommes vont avoir tendance à se rassurer avec leurs chiffres : j’ai fait mon étude de marché, je suis confiant.
Les femmes, pour celles qui ont aussi pensé à la maternité, savent ce qu’elles mettent en jeu : elles ne pourront peut-être pas s’arrêter de travailler. Lorsqu’on est son propre patron, personne ne travaille à votre place si vous êtes en arrêt. Et si elles ne génèrent pas suffisamment de revenu pour payer une garde d’enfant ? Toutes ces questions entrent aussi en ligne de compte pour certaines.
Il ne faut pas opposer famille et carrière, on peut avoir envie de monter son propre projet ET de fonder une famille. Mais quand on est une femme, encore aujourd’hui, on se pose la question de savoir si on va réussir à concilier. C’est un risque supplémentaire à prendre en compte. »
« Les hommes que j’ai pu rencontrer pendant mon parcours de création d’entreprise étaient souvent dans les secteurs de l’artisanat, du BTP. Ils avaient déjà une expérience professionnelle conséquente et cherchaient à se mettre à leur propre compte, dans leur activité.
Les femmes que j’ai rencontrées étaient plus souvent dans une reconversion totale. Elles changeaient d’activité, voire de secteur d’activité. Elles partaient de zéro.
Quand on parle « d’accompagnement à la création d’entreprise », il faut attendre concrètement de savoir ce qui va être fait. »
En effet, les possibilités d’aide et d’accompagnement sont déjà nombreuses : la difficulté est de savoir à quelle porte frapper. Il est vrai qu’à l’étranger, monter une entreprise est une démarche beaucoup plus facile. Mais, comme le souligne Laetitia, « c’est aussi parce qu’il n’existe pas tous ces dispositifs d’aides que nous avons en France ». Elle raconte les étapes de sa création d’entreprise à travers les aides dont elle a pu bénéficier.
Tout d’abord, au Pole Emploi : une personne était dédiée aux créateurs d’entreprise (aux CCRE : chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise). Elle a pu assister gratuitement à des ateliers pour la création d’entreprise.
Le premier atelier portait sur le passage projet/création et cette étape permet de se rendre compte si le projet est viable ou non.
« C’était concret, c’était réaliste. Accrochez-vous si vous voulez créer, parce qu’il va y avoir du boulot. Pas de naïveté bienveillante, le but était de challenger la viabilité du projet. »
Différentes prestations sont accessibles par le biais de Pole Emploi : aide à la réalisation de l’étude de marché, de bilans, aide concrète à la réalisation d’un business plan (notamment pour ceux qui avaient besoin d’un emprunt).
« Sur 18 personnes à cet atelier, nous étions deux femmes. Et parmi ces hommes, la majorité voulait se lancer dans des métiers manuels (maçonnerie, plomberie, menuiserie, etc.), voulaient travailler à leur compte, savoir si c’était viable, ou pas. »
Deuxième acteur : la Chambre de Commerce et d’Industrie de la région, qui organise des modules qui recoupent ce que fait le Pole Emploi sur « comment entreprendre » : étude de marché, business plan, rencontre avec des professionnels, autant d’ateliers pour pouvoir notamment décider si on se lance ou non.
À la différence de Pole Emploi, les ateliers de la CCI sont généralement payants.
En région Rhône Alpes (où elle s’est installée), Laetitia a également bénéficié d’aide auprès d’un acteur local : Idéclic.
« Tu as 8 heures en RDV personnalisé pour t’aider dans la gestion d’entreprise (c’était gratuit dans ma région). Ces 8 heures peuvent être utilisées sur un an.
Moi j’ai utilisé ce quota pour traiter la question de mon statut juridique (décider quelle forme juridique prendrait ma société), mais j’aurais pu utiliser 1 heure uniquement pour la création, et bénéficier de 7 heures de suivi au cours de ma première année, pour vérifier mes comptes et ma gestion, par exemple. »
Le projet de réforme parle d’un programme de mentorat local pour prodiguer un accompagnement personnalisé aux créatrices d’entreprise. C’est effectivement une forme d’accompagnement prisée des personnes qui se lancent : pouvoir échanger avec un·e créateur·rice d’entreprise avant et pendant le processus de création est déjà une forme d’accompagnement recherchée, à travers les cercles et associations de jeunes créateurs qui fleurissent.
Pour Laetitia, il ne faut pas négliger la formation : les femmes sont nombreuses à se lancer dans une reconversion professionnelle, à changer radicalement d’activité lorsqu’elles se lancent dans la création d’entreprise. Avant de se lancer, Laetita a travaillé gratuitement pour « se faire la main », elle a pratiqué de l’échange de compétence avec d’autres professionnel·le·s.
« Pouvoir se former avant de se lancer, c’est essentiel. En Rhône Alpes, l’aide à la formation peut aller jusqu’à 1 600 €. Pouvoir bénéficier d’une formation avant de se lancer dans une activité nouvelle, c’est un facteur de réussite pour la suite du projet, il ne faut pas négliger l’accès à la formation. »
L’accès au financement : les dispositifs actuels
De nombreuses aides financières et prêts dédiés à la création d’entreprise existent déjà. De plus, en fonction de l’activité choisi, il n’est pas nécessaire de réaliser un investissement conséquent. Laetitia avait déjà un ordinateur quand elle a créé son entreprise de communication Web (création de site internet). Elle détaille son investissement initial :
- 85 € pour le Tribunal de Commerce pour déclarer la société
- 115 € pour faire paraître l’annonce légale (compter entre 150 et 200 € !)
- 90 € :a chat d’une imprimante/scanner (indispensable, surtout pour les échanges avec la banque : de nombreux documents envoyés par email sont à imprimer/signer/scanner/renvoyer)
- 200 € de fournitures, notamment pour la comptabilité : tout n’est pas numérisé !
- Achat d’un téléphone fixe avec forfait illimité et internet évidemment !
Total ? Environ 400€ de frais de création d’entreprise. Pour créer la société, il faut un capital social, de 1€ minimum. C’est une somme qui sera bloquée sur ta société. Laetitia a mis 500€ de capital social et 1 000€ en apport en compte courant (qu’elle peut retirer si elle en a besoin, alors que le capital social non).
Plus on a besoin de matériel au départ, et plus la facture augmente. Mais ce n’est pas l’investissement de départ qui pose problème, c’est qu’il faut bien vivre entre le moment où l’on cesse une activité et le moment où sa nouvelle activité commence à payer.
Laetitia a vécu 6 mois avec 1 000 € par mois au moment de se lancer : elle s’était donné le temps de faire une formation sur la connaissance de soi afin d’être sûre de ses motivations, elle a mené son étude de marché et préparé la partie administrative de son projet.
« Je m’étais donné jusqu’au 30 juin 2013 pour décider si j’y allais ou non. Le 30 juin est arrivé, et j’ai pris la décision de me lancer. J’ai créé ma société au 1er juillet 2013. »
La création d’entreprise est toujours une prise de risque. Par définition, on ne peut pas savoir si le projet va être un succès, et dans quelle mesure. Mais le risque est plus ou moins intéressant en fonction de sa situation personnelle, ce que remarque Laetitia :
« Quand on est jeune, devoir manger des pâtes pendant une semaine parce qu’on est en tension, ce n’est pas un drame. Mais si on a un enfant par exemple, c’est plus gênant. C’est plus facile de faire des sacrifices quand on est la seule personne à en payer le prix.
Moi j’ai eu besoin de faire un stage en connaissance de soi parce qu’il est venu un moment où j’ai eu besoin de me poser, de m’interroger sur ce que j’avais vraiment envie de faire. C’est déjà une pression. Si on a des responsabilités, ça met une pression supplémentaire.
Accompagner les femmes, c’est bien, mais tout le monde en a besoin. »
La proposition de créer un site internet unique, recensant toutes les aides disponibles, tant aux niveaux locaux, régionaux que nationaux ? Une excellente initiative selon Laetitia, pour qui la chasse à l’information a été un véritable obstacle.
Conclusion ? « C’est bien, mais ça existe déjà »
« C’est marketé pour les femmes, parce que « c’est à la mode ». Mais à part le site internet qui devrait référencer toutes les informations, les dispositifs existent déjà. »
Faire passer le message dans les écoles ? C’est une bonne chose, surtout si ça peut ouvrir des perspectives. C’est aussi un moyen de lutter contre le chômage, en incitant les jeunes à considérer la création leur propre emploi.
« Le problème dans la création d’entreprise, ce n’est pas l’accès au financement (il y a énormément de dispositifs qui existent). Le problème c’est d’avoir un projet viable et de réussir à le soutenir.
Cette réforme est une excellente chose, dans le sens où elle s’intéresse à l’entrepreneuriat. Car il est rare qu’on s’intéresse aussi concrètement aux petits patrons. Pour cette fois-ci, ce sont les femmes, mais on sent une réelle volonté de simplifier les démarches ce qui serait un grand plus. Le simple fait d’en parler pourra sûrement inciter des candidat-e-s à la création d’entreprise à se dire « et au final pourquoi pas moi ? »
Le projet de réforme a pour objectif de porter à 40% la proportion de femmes parmi les créateurs d’entreprise d’ici 2017.
– Merci à Laetitia Martos !
Et toi, l’entrepreneuriat, tu y penses ? Quels sont les obstacles qui arrêtent ton projet, ou que tu as dû surmonter pour pouvoir te lancer ? Les axes du projet te semblent-ils apporter des réponses efficaces ?
Sources : Entrepreneuriat au féminin (et synthèse )
Les Commentaires
Pourquoi les femmes, devrait avoir une explication et un apprentissage sur la création d'entreprise supplémentaire que les hommes ? Et cela des la maternelle ? Pourquoi auraient elles droits à des aides supérieurs à celles des hommes ?
On pourrait même dire que c'est du favoritisme envers les hommes.
Mais non.
Beaucoup de gens doivent penser que c'est une très bonne chose, que ça inverse la tendance.
Il y a encore quelle que temps j'aurais surement pensé la même la chose. Cependant j'ai l'impression que depuis quelque temps toute ces mesures à l'avantage des femmes commence à me poser problème.
Des la maternelle on voudrais pouvoir nous inculquer l'idée que nous somme capable autant que les hommes de crée des entreprises. Est ce que l'on informe les hommes des la maternelle de leur capacité à crée une entreprise ? Non. Pas à ma connaissance.
Le fait de vouloir à tout prit luter contre la différence homme femme dans notre société, à force de vouloir que les femmes soit aussi bonne dans tous les domaines où les hommes étaient bon, n'avez vous pas l'impression que notre société veut crée des femmes son image ?
Personnellement je refuse d'être programmer des mon enfance à être meilleur que les hommes. Car ça se serait m'influencer volontairement sur mes choix personnelle futur.
Désoler pour le pavait je suis d'humeur un peu remonté se soir ^^