Lundi 17 juillet 2023, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé la requalification de « l’homicide involontaire » par conducteur en « homicide routier ». Un changement de dénomination symbolique, à la demande des familles de victimes, pour effacer le terme « involontaire » du lexique juridique entourant ces affaires.
Qu’est-ce que l’homicide involontaire par conducteur ?
Aujourd’hui, l’article 221-6-1 du Code pénal stipule que « lorsque la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire ‘de prudence ou de sécurité’ […] est commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, l’homicide involontaire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».
Matignon ne compte pas créer de nouveau délit, mais modifier le Code pénal, de sorte que devienne homicide routier « tous les homicides involontaires par conducteur d’un véhicule à moteur terrestre avec ou sans circonstances aggravantes », comme le rapportent nos consœurs de BFMTV.
Par ailleurs, les blessures légères ou graves causées par des conducteurs en état d’ébriété ou sous l’emprise de drogues, seront également requalifiées en « blessures routières ».
Existe-t-il des chiffres sur le sujet ?
Aujourd’hui, 84 % des responsables ou présumés responsables d’accidents mortels au volant sont des hommes, selon les derniers chiffres de la sécurité routière. Et lorsque l’ébriété s’en mêle, le pourcentage augmente radicalement : 93 % des conducteurs alcoolisés impliqués dans un accident sont… des hommes.
Comment l’expliquer ? En cause, une certaine vision de la virilité qui infuse l’univers automobile, lequel peine à adresser clairement ses biais de genre dont les conséquences sont pourtant dévastatrices : « Ces stéréotypes contribuent à perpétuer l’idée que l’homme, contrairement à la femme, aurait une forme d’aptitude naturelle pour la conduite, aboutissant ironiquement à transformer vitesse excessive, dépassement dangereux ou certitude de « tenir l’alcool » en signes d’une compétence toute masculine » peut-on lire dans le communiqué de la Sécurité routière, publié en février dernier.
Ce changement de dénomination a-t-il une incidence sur les peines encourues ?
Matignon assure que les peines resteront inchangées : les conducteurs risqueront toujours jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, ou 7 en cas de circonstance aggravante, voire 10 si deux circonstances aggravantes ou plus sont réunies.
Ces circonstances aggravantes comprennent notamment le taux d’alcoolémie, l’usage de substances stupéfiantes, la conduite sans permis, les excès de vitesse et le délit de fuite.
Néanmoins, certains experts alertent sur un potentiel glissement sémantique qui ouvriraient des brèches au niveau de la loi. C’est le cas de Me Jérôme Gavaudan, président du Conseil National des Barreaux, interrogé par nos confrères de Radio France : « En droit, il faut distinguer ce qu’on a voulu faire, ce qu’on a voulu commettre comme faits, et ce qu’on n’a pas voulu commettre. Ce glissement est contraire aux principes généraux du droit pénal : l’intention compte, donc elle doit être sanctionnée différemment de la situation où, même s’il y a eu multiplication de fautes, l’intention de tuer n’existait pas ».
Pourquoi cette annonce arrive-t-elle maintenant ?
Comme le rappelle 20 Minutes, cette requête est portée depuis une dizaine d’années par les familles de victime. Une revendication reprise récemment « par l’association créée par le chef étoilé Yannick Alléno après la mort en mai 2022 de son fils Antoine, percuté par un chauffard. Le cuisinier demande depuis plusieurs mois que l’homicide routier soit une infraction autonome ».
Le débat a notamment été ravivé à l’hiver dernier, lorsque le comédien Pierre Palmade a provoqué un grave accident de la route alors qu’il conduisait en contre-sens, sous l’influence de psychotropes. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait alors annoncé au JDD travailler sur des mesures pour faire évaluer la législation. Le changement de dénomination en fait partie.
Qu’en pensent les associations et les familles de victimes ?
Les associations et les familles de victimes se sont dites mitigées face à cette annonce qui n’est pas suivie de mesures fermes. Le chef Yannick Alléno a par exemple, déclaré à BFMTV : « Ceci est un verbatim, c’est un changement sémantique de la loi, on sera toujours sous le chapeau de l’homicide involontaire ». Il réclame, comme d’autres familles, la création d’une « infraction autonome, distincte de l’homicide involontaire ».
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