Aujourd’hui aux États-Unis et sans doute demain en France, les marques ne s’y trompent pas : la plateforme Instagram est LE lieu où faire de la promotion des marques pour bébés et enfants.
Aux États-Unis, les marques réinventent leur promo
Les vies parfaites affichées sur Instagram font rêver les mères qui scrollent. Tout l’attirail est souvent réuni — un joli intérieur, un joli bébé, et surtout de jolies affaires de bébé.
Une enquête de Buzzfeed décrit ce phénomène, qui touche même les personnes n’ayant pas d’enfant ! L’exemple de cette femme, éblouie par les images d’Épinal de parentalité resplendissante qu’elle voit sur son fil, est étonnant :
« Elle commença à vouloir acheter des affaires pour son futur bébé, alors même qu’elle n’était pas enceinte. »
Des marques deviennent ainsi virales. Elles rassemblent des communautés de mères, qui suivent les modèles parfaits proposés et contribuent même à les animer, en proposant leurs propres photos avec les habits — griffés bien sûr — sur leurs jolis poupons habilement mis en scène.
Ces marques jouent habilement sur ce qu’elles vendent, des affaires certes mais tout un état d’esprit, des valeurs, une communauté. Elles sont souvent nées et ont grandi sur les réseaux sociaux, grâce au bouche-à-oreille. Tout se passe sur Internet et le marketing viral est très efficace.
Ce sont finalement les clientes qui font gratuitement une excellente promotion. Ces marques, que nous ne connaissons que peu en France, se nomment Kyte Baby, Little Sleepies, Kate Quinn, Posh Peanut, Lou Lou and Company, ou encore Ryan and Rose.
Elles ont bien souvent des caractéristiques qui les rendent très attractives, comme un aspect écolo, ou encore un détail irrésistible, par exemple la fabrication de petites couvertures pour bébés en bambou, matière présentée comme indispensable voire miracle – légère, respirante, qui limiterait les problèmes de peau comme l’eczéma… Quelle mère indigne déciderait alors de ne pas l’acheter ?
Les marques proposent aussi des éditions limitées qui s’arrachent. Les mères-influenceuses (plutôt aisées, voire capables de dépenser des petites fortunes — quand les vêtements ne sont pas envoyés gratuitement…) prennent alors en photo leurs enfants avec les parures collector.
Une tendance sur le point d’arriver en France ?
En France, les enseignes classiques – Petit Bateau, Catimini, Jacadi, etc. – qui se vendent en boutiques connaissent toujours un bon succès. Mais tout de même : les partenariats entre « Insta Moms » et marques se développent.
On pense par exemple aux mères de l’émission de téléréalité quotidienne Mamans et Célèbres, qui s’associent à des marques de puériculture ou créent carrément la leur, comme Jesta Hillmann (1,5 million d’abonnés sur Instagram) qui a lancé sa ligne d’accessoires pour bébés, Loupiann.
Louise Chabat, dont le compte drôle et décomplexant compte 59 000 fans, fait parfois des partenariats, tout comme Papa Plume, père et influenceur dont on vous parlait récemment : il a lancé le controversé #jesuisviril.
Ces influenceurs parents sont payés pour faire de la promotion, de façon plus ou moins récurrente et affichée.
De belles initiatives naissent aussi sur Insta
D’autres initiatives qui prennent vie sur Instagram sont à noter, comme des marques qui se lancent et sont disponibles uniquement en ligne, avec une touche caritative ou un aspect engagé.
C’est le cas par exemple du très beau projet d’Amélie Challeat, qui se décrit comme une mumpreneur, et dont le compte rassemble 62 000 fans. Elle raconte régulièrement sa vie de mère qui a connu les difficultés de l’extrême prématurité pour sa fille.
Elle s’est associée à la marque écoresponsable UPÉ Family pour lancer Allez l’amour : des sweats 100% recyclés et made in France, avec 10% des bénéfices reversés à l’association SOS Prema.
La promotion se fera sur Instagram principalement. Contactée par Madmoizelle, Amélie Challeat nous confie :
« Je serai sans doute aidée par les femmes que j’admire, qui sont considérées comme des influenceuses, qui vont certainement parler de la marque car ce sont des personnes qui m’ont soutenue, et qui sont touchées par mon combat. Il y a une idée de famille. Par exemple Clémentine Gallois de Bliss Stories ou Anna Roy, qui était ma sage-femme. »
On peut aussi parler de la marque Canopéa Paris, lancée par Constance Hartig, qui produit des habits anti-UV pour enfants, avec des tissus responsables, fabriqués en Europe (donc ayant un impact carbone plus faible-.
La maternité sur Insta : entre image d’Épinal et libération de la parole
Des comptes militants et politiques comme ceux d’Illana Weizman ou Fiona Schmidt, où il est question de parler de la maternité dans toute sa complexité, avec ses difficultés également, côtoient sur Instagram de mises en scène parfaites de familles tout sourire, à la Mimi Thorisson, qui sont presque devenues des pubs, et qui rassemblent autour d’elles marques et produits.
Cela ne vous aura pas échappé : ce sont encore les femmes qui sont au premier plan quand il s’agit d’acheter habits et matériel pour les enfants. Les hommes semblent assez peu présents dans ces communautés. Titiou Lecoq se demandait dans son livre Libérées ! pourquoi elle était la seule de son couple à trier les habits trop petits des enfants… Ce qui prend un temps fou !
Illana Weizman décrit pour Madmoizelle ce qu’elle voit sur Instagram :
« Des univers pastel, bonbons, très aseptisés, très doux — on a l’impression que tout est extrêmement simple. C’est ce qu’on retrouve sur les Instagrams d’influenceuses, d’actrices, gâtées par les marques qui savent par qui passer, type influenceuses de téléréalité, pour mettre en avant leurs produits. »
Ces deux mouvements montrant des maternités bien différentes coexistent sur Instagram comme dans les magazines féminins : on nous encourage à nous libérer des injonctions sur notre poids et quelques pages plus loin, le régime post-partum de Kylie Jenner est donné comme exemple…
Et les enfants dans tout ça ?
Des questions se posent également sur le respect du droit à l’image des enfants et sur les possibles conséquences de cette exposition très précoce sur les réseaux sociaux. Un article de Slate relatait les propos de Robin Fender, pédopsychiatre, à ce propos, où il soulignait des « problématiques de fragilité narcissique, avec des perturbations dans le rapport à l’image de soi ». Cette exposition sur les réseaux sociaux, et particulièrement sur Instagram, agirait « comme renforçateur social (positif ou négatif) ».
Pour lui, il faudrait les éloigner le plus longtemps possibles de ces réseaux. Qui a envie d’avoir tant de photos de soi bébé exposées potentiellement à la vue de toutes et tous ? Dans des mises en scène parfois un peu ridicules de plus…
Et quid de l’argent touché par ces influenceuses ? Est-il mis bien au chaud sur un compte jusqu’à ce que les poupons-sandwich atteignent 18 ans ? La question s’est posée pour les « enfants » youtubeurs ; les plus connus en France, Néo et Swan, auront accès à une partie des revenus générés par leurs vidéos à leur majorité. Espérons que l’exemple soit suivi par ces mumfluencers.
Au final, les réseaux sociaux sont, comme d’habitude, un peu schizophrènes. Mais il s’agit juste d’un autre support, avec les mêmes problématiques que l’on peut trouver dans les médias traditionnels.
Sur Insta, comme dans les magazines, il y a de la pub pour des marques. Elle est simplement plus ciblée et incarnée sur la plateforme. L’important est qu’elle soit clairement identifiée, et que le public garde en tête qu’il s’agit de publicités et non de ce qui se passe dans l’intimité des foyers — car tout n’est pas tout rose bonbon dans le monde de la parentalité…
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Crédit photo : @kytebaby sur Instagram
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