Entourage, c’est l’histoire de Vincent Chase, une superstar montante d’Hollywood, de sa bande de potes et son agent colérique. C’est l’histoire d’une bande de mecs très très « mecs » qui ont des problèmes de mecs riches : comment monter leur prochain blockbuster, comment avoir encore plus de thunes, comment séduire la/les fille(s) de leurs rêves, et surtout comment faire pour finir par trinquer en rigolant entre potes ?
Résumée ainsi et bien que diffusée sur la réputée chaîne HBO, Entourage a l’air d’être une horrible série. Et dans un sens, c’est le cas. Mais c’est aussi une excellente série, si l’on est dans la cible (fasciné par Hollywood, mec aimant se faire flatter l’ego), ou si on s’intéresse à l’imaginaire masculin des années 2000.
Aux États-Unis, les journalistes séries ont inventé un terme pour définir Entourage : le lifestyle porn, ou le porno d’idéal de vie. Parce que tous ses héros vivent un gigantesque fantasme : être riche, connu, sortir avec des femmes incroyables, croiser des stars et rouler au volant de grosses voitures. Les enjeux ne sont jamais vraiment graves, personne n’est en train de mourir, on se demande juste si au milieu de ses mille plans culs Vincent va sortir avec la fille de ses rêves (forcément la seule qui lui résiste) ou si Ari, l’agent multimillionnaire, va convaincre James Cameron de réaliser Aquaman pour son client. Le micro-conflit est amorcé, les garçons paniquent, Ari sort quelques punchlines homophobes à son assistant gay qui se contente de rouler des yeux (« Ah ah, sacré Ari ! »), il y a une fête avec des filles nues, quelqu’un a une idée de génie et le film est sauvé. Tout se règle en quelques bravades viriles de fin d’épisode, et tout le monde trinque à la tequila entre bonhommes, une fois gloire, richesses et femmes consommés.
Qu’il est bon d’être cinq mecs riches et blancs en Californie.
À la fois galvanisante et génératrice de malaise, adorée par une partie des gens et détestée par tous les autres, Entourage illustre parfaitement un certain imaginaire masculin, une vision d’Hollywood passé au prisme des fantasmes les plus primaires. Délire pornographique pour certains, documentaire sur la réalité du métier pour d’autres, la série aura d’ailleurs essayé de s’affranchir de son image sexiste, surtout dans ses dernières saisons.
Par exemple, on a vu débarquer Sasha Grey (une actrice X) dans son propre rôle ; elle sort avec Vincent. Vince qui n’arrive finalement pas à dépasser ses préjugés sur le porno et réalise en partie son hypocrisie de super-baiseur une fois confronté à une femme sexuellement libérée. Puis l’ultime saison délaisse Hollywood pour s’intéresser aux vies sentimentales de ses héros, quitte à basculer dans le soap-opera complet, jusqu’à la fin heureuse et le mariage — seule voie de respectabilité dans le cerveau d’un scénariste américain. C’était en 2011, et on pensait la saga Entourage arrivée à son terme
, ayant épuisé son sujet en huit saisons…
Et un film.
Au cinéma chez nous ce mercredi 24 juin, le long-métrage Entourage s’emploie, quatre ans après sa conclusion, à ressusciter la série, jusqu’à convoquer l’esprit des débuts. Les happy ends romantiques sont défaits, la mise au vert de l’agent colérique est annulée, tout le monde est reparti tourner un nouveau blockbuster comme si rien n’était.
Le film s’ouvre sur une fête sur un yacht géant rempli de filles en bikinis et de mecs qui marchent côte à côte au ralenti. « The boys are back », comme s’exclame le poster placardé en bas de chez toi. Tout est là : la décadence, la camaraderie, les guest stars, les blagues beaufs, l’intrigue presque progressiste (l’un des héros essaie de séduire une championne de free-fight à qui on ne la fait pas)… puis l’intrigue pas progressiste du tout (le conflit central du film est une jalousie autour d’une femme trophée).
Cette ultime aventure est une saison entière condensée en un peu moins de deux heures, c’est toute la force et la faiblesse de la série originale, c’est du fan service en grand écran, gros budget. Et c’est toujours cet étrange objet contradictoire sur la masculinité moderne, qui fascine et qui repousse… Un jour on en fera des thèses de sociologie, des déconstructions critiques. Mais pour l’instant les détracteurs resteront chez eux, les fans iront au cinéma les yeux plein d’étoiles, et Entourage existe encore, pour deux heures de plus.
Huit saisons et un film.
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Les Commentaires
Oui la série (comme d'autres) peut être critiquée et c'est tout à fait normal, mais là j'ai l'impression qu'il y a une réelle volonté de montrer, avec une certaine condescendance, à quel point cette série est futile et non nécessaire. Oui, ok, mais et alors ?