À l’école maternelle Simone Veil de Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, des enfants sont contraints de rester chez eux ou d’être dispatchés dans d’autres classes depuis le début de l’année, faute d’enseignants non remplacés. Cette situation est symptomatique d’un souci national de remplacement des professeurs, encore plus prégnant dans le 93 qu’ailleurs.
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Une enseignante non remplacée, des élèves sans repères
Depuis plusieurs mois, des parents d’élèves de la PS1 de l’école maternelle Simone Veil tentent d’alerter l’Éducation nationale. L’enseignante de leurs enfants a été absente 35,5 jours sur 74 jours d’école, et n’a été remplacée que 8,5 jours. Le reste du temps, les parents ont été invités à garder leurs enfants, ou ils ont été dispatchés dans d’autres classes.
« Le problème s’était déjà posé l’an dernier avec cette maîtresse, qui a des problèmes de santé qui nécessitent des absences régulières », explique Cindy, mère d’élève en petite section. « On comprend et on ne juge pas, mais nous avons été pris de court. Les enfants sont désorientés, paniqués, ils n’ont pas de repère pour leur première année de scolarisation. Ils vont dans d’autres classes où ils font des coloriages ou des puzzles, ils sont un peu laissés tout seuls, il n’y a pas non plus d’ATSEM. L’apprentissage se fait à la volée, c’est essentiellement le périscolaire qui se charge de compenser un peu le manque d’enseignement, notamment sur l’apprentissage de la vie en collectivité. »
En cause, le non-remplacement de l’enseignante. « Nous avons envoyé plusieurs courriers avec l’ensemble des parents, au directeur et à l’inspectrice. Le directeur est impuissant, l’inspectrice renvoie vers la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale, qui elle ne répond pas. Nous sommes complètement livrés à nous-même, les parents sont anxieux. » déplore la mère d’élève. « Nous avons fini par diffuser un post sur LinkedIn et Facebook, et le lendemain nous avons eu un remplaçant pour deux semaines. Mais au retour des vacances, ce sera de nouveau l’impasse, on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête. »
Un manque de moyens alloué par l’État
« La situation de Rosny est à l’image de ce qu’il se passe dans tout le département », expose Louise Paternoster, co-secrétaire générale de la CGT Educ’Action 93. « Il y a beaucoup de non-remplacement, ça met en déroute l’école publique. L’État se place dans l’illégalité, car il est dans l’obligation d’assurer la continuité du service public, or quand il n’y a pas de remplacement, il n’y a pas de continuité. Les élèves de Seine-Saint-Denis perdent un an de temps de scolarité entre la maternelle et le lycée en raison des non-remplacements, selon une enquête de la FCPE 93. »
« L’Éducation Nationale a perdu 80 000 postes depuis 2009, et c’est très criant dans le 93. Des exemples, nous en avons plein, je suis enseignante en grande section à mi-temps, et je n’ai pas eu de complément les deux premières semaines de septembre. Dans un lycée, les élèves de terminale n’ont pas eu de physique-chimie pendant 3 mois, cela crée des décrochages. Le ministère n’est même pas capable de remplacer les congés maternité », ajoute-t-elle.
Pourquoi ce problème national de non-remplacement des professeurs est-il encore plus fort en Seine-Saint-Denis ? « L’État donne moins d’argent dans le 93, l’établissement le mieux doté du département l’est moins que le moins doté de Paris. Avec d’autres syndicats, nous avons sondé les écoles sur leurs conditions de travail et leurs besoins, il manque 2 000 postes d’enseignants dans le département, nous faisons une demande de collectif budgétaire de 358 millions d’euros pour ces créations de postes. »
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En plus du manque de moyens financiers alloués au département, il y a également un problème de recrutement dans l’académie de Créteil, dont dépend la Seine-Saint-Denis. « Chaque année, pour l’enseignement du premier degré, l’académie doit ouvrir un deuxième concours pour recruter suffisamment, voire parfois même, un troisième concours certaines années. Cela permet de récupérer des candidats qui ont été refusés d’autres académies », explique Paul-Arthur, enseignant membre de Sud-Éducation 93.
Des leviers d’action limités
Désespérés par la situation, les parents d’élèves de l’école Simone Veil ont décidé d’occuper la classe, sans succès. « Nous avons contacté le sénateur, le député, le rectorat, le ministère, Gabriel Attal, le conseil général, le département, personne ne nous a répondu. Les parents sont fatigués et se démobilisent, nous n’avions que neuf parents présents pour bloquer la classe. »
Quelle solution pour ces familles à bout de souffle ?
« Le recours juridique est possible, le tribunal administratif a déjà reconnu que l’État n’assumait pas sa mission de mettre des élèves dans des classes, dans des villes du 93 ces dernières années. » relate Paul-Arthur. « Mais il faut aussi se mobiliser. Nous prévoyons un mouvement de grève qui débutera à la rentrée, le 26 février, et les parents sont les bienvenus, ce serait utile qu’ils viennent. Ils peuvent venir à l’Assemblée générale qui aura lieu à Aulnay-sous-Bois le 26 au matin. »
« Nous, ce qu’on veut, c’est l’égalité » résume Louise Paternoster. « Le 93 est un département cobaye. Ce qu’il se passe chez nous, cela va se passer sur tout le territoire d’ici 5 à 10 ans, à commencer par les départements autour. »
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