Une enquête sur le conspirationnisme dans l’opinion publique française a été publiée le 7 janvier 2018. Elle a été commandée à l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) par Conspiracy Watch et la Fondation Jean-Jaurès, respectivement un observatoire du conspirationnisme et une fondation politique française proche du Parti Socialiste.
Ses résultats sont inquiétants, et traduisent une fracture dans notre relation à l’information.
Les plupart des théories du complot recueillent une large approbation
Cette enquête a été publiée trois ans après les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 qui ont marqué la France. Selon elle, c’est à la suite de ces derniers que les opinions complotistes se sont faites particulièrement visibles… et virales.
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Les théories déjà existantes auraient été portées par la vague des nouvelles théories complotistes liées aux plus récents attentats.
Entre théories du complot, pseudo-sciences et fake news, la circulation de cette désinformation inquiète les responsables politiques, scientifiques, ainsi que les enseignants et enseignantes. C’est d’ailleurs cette recrudescence de croyances qui a mené à un renforcement de l’éducation aux médias.
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Interrogé sur diverses théories, le panel de personnes sondées – représentatif de la population française – démontre par ses réponses que le complotisme est devenu un phénomène majeur. C’est en tous cas ce que traduit l’enquête :
« près d’un sondé sur dix est d’accord avec l’affirmation qu’« il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école ». »
Ce n’est pourtant rien relativement aux onze théories répandues au sujet desquelles a été interrogé ce panel d’individus. On constate même qu’il s’agit de celle qui a reçu le moins d’approbation, comme l’illustre le graphique ci-dessous.
Il est d’ailleurs ajouté que parmi les personnes ayant répondu à l’enquête, 79% croient à au moins une théorie du complot et 13% à au moins sept théories.
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Un quart de la population française qualifiée de « complotiste endurcie »
Le sondage révèle la distinction de trois catégories, trois positions face aux théories complotistes.
- Un premier groupe, environ la moitié de la population, qui résiste relativement bien à la « contamination complotiste », c’est-à-dire constitué de personnes adhérant à deux théories au maximum ;
- Un second groupe de « complotistes modérés », adhérant à entre trois et quatre théories et représentant un·e Français·e sur cinq ;
- Un groupe de « complotistes convaincus (ou « endurcis ») », qui adhèrent à cinq théories ou plus et constituent un quart de la population française.
La jeunesse et l’adhésion au « populisme » seraient en lien avec la croyance complotiste
Un des résultats de l’enquête porte sur la corrélation entre adhésion au conspirationnisme et positionnement politique. En effet, elle met en avant le fait que « les deux candidats de l’élection présidentielle à avoir capté le plus les suffrages des complotistes endurcis sont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ».
À l’inverse, les votes des dits « non-complotistes » se sont tournés majoritairement vers Benoît Hamon, Emmanuel Macron, et dans une mesure moindre François Fillon.
La variable de l’âge a aussi été mise en avant. En effet, les moins de 35 ans sont deux fois plus nombreux à adhérer à sept théories ou plus que leurs aîné·es. Par ailleurs, on constate que le complotisme ne concerne pas uniquement les plus jeunes, mais également la tranche des 25-34 ans.
Rien ne permet pour autant d’indiquer que les jeunes deviendront moins complotistes en vieillissant.
Cette enquête m’a poussée à reconsidérer la campagne présidentielle
J’ai été très surprise à la lecture de ce rapport. Je savais le conspirationnisme tenace, mais je ne m’attendais pas à des chiffres aussi frappants, rapport qu’ils sont quand même sacrément élevés.
Je ne peux pas en un article résumer et commenter 97 pages d’enquête, même avec une note d’accompagnement, tu m’excuseras.
Sinon je vais être comme ça durant l’ENTIÈRETÉ de mon stage chez madmoiZelle
Cependant, certains points de cette enquête m’ont particulièrement interpellée, et j’aimerais les partager avec toi. Tu me diras ce que tu en penses.
Une de mes premières interrogations porte sur la corrélation entre le positionnement politique et l’adhésion au conspirationnisme. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une généralité, et les chiffres montrent une tendance et non pas une vérité immuable.
D’où l’importance de bien faire la différence entre corrélation et causalité (si pour toi ce n’est pas clair, je t’invite à visionner cette courte vidéo de la chaîne e-penser qui aborde avec humour le sujet).
Mais même en ayant cette donnée en tête, j’ai été tout à fait surprise car je n’avais jamais clairement envisagé qu’il y ait un lien entre convictions et penchant conspirationniste. D’ailleurs, cette information m’a poussée à considérer sous un angle différent toute la campagne présidentielle de 2017, et à appréhender différemment certains faits.
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Pour te donner un exemple concret, j’ai compris différemment la communication utilisée au cours de cette campagne par le Front National, ainsi que l’adhésion en masse au projet qu’il proposait, au point que Marine Le Pen ait été jusqu’au second tour des élections.
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Une autre des données qui m’a surprise a été la différence marquée entre les générations, non pas par rapport au taux d’adhésion aux théories complotistes mais par rapport aux théories auxquelles les différentes tranches d’âge adhèrent.
Le traitement de l’information, illustration d’une fracture générationnelle
Je m’explique : il est mis en avant dans l’enquête que globalement, les jeunes sont plus résistant·es aux idées conspirationnistes portant sur l’environnement ou l’immigration. À l’inverse, ce sont celles qui séduisent le plus les seniors, malgré leur résistance globale aux autres théories.
Pour moi, ces résultats sont l’expression d’une fracture générationnelle, qui s’explique peut-être par l’éducation que ces générations respectives ont reçue.
En tant que jeune, j’ai été très tôt sensibilisée, par le biais de ma famille ainsi qu’au sein de l’Éducation Nationale, ou encore à travers mes lectures, aux problématiques environnementales. Pour moi, ça a toujours été une notion acquise : la planète va mal, des solutions existent, va donc trier tes déchets et ferme le robinet lorsque tu te brosses les dents. Basique.
« Si tu éteins la lumière en quittant une pièce y’a plus de lumière – simple. »
Nonobstant, mes aîné·es n’ont pas eu ces informations dès le berceau, et ont même découvert ces problématiques environnementales qui me sont si familières une fois adultes. Ils et elles n’ont pas reçu la même éducation que moi à ce sujet.
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Je comprends donc que se lever un matin et entendre dire « il y a un trou dans la couche d’ozone » alors que la veille on n’avait même pas connaissance de l’existence d’une couche d’ozone, ça laisse perplexe sur la véracité des informations.
D’autant plus que niveau crédibilité c’est bof (j’assume très peu cette blague)(en fait, si)
L’éducation, ma solution face aux fakes news
L’éducation serait-elle donc le premier élément influant l’adhésion ou non aux théories du complot ? Pour ma part, c’est évident que oui, c’est le cas. Mais je suis aussi consciente que l’éducation n’est pas le seul facteur. C’est justement pour cette raison que ton avis m’intéresse tant. Je t’invite d’ailleurs à participer au sondage en fin d’article pour me dire ce que tu en penses.
Mais peut-être que le sondage en question a pour but de récupérer des informations sur toi, et que cet article a été entièrement rédigé par le gouvernement russe. On ne saura jamais.
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