— Article du 20 février 2015
Dès que j’annonce que je suis fille unique, dans 90% des cas, les yeux de mon interlocuteur se mettent à briller et cette petite phrase, qui m’exaspère, est prononcée :
« C’est troop cool ! »
Avoir la solitude comme amie quand on est enfant unique
Soyons honnête, ça ne l’est pas. Pas de petits frères, pas de petites sœurs pour jouer, à chouchouter, avec qui se disputer… rien, le vide.
Généralement, j’approuve avec un air blasé car je n’ai pas envie de parler de ma vie à Raymond, 50 ans, copain de bureau, et de lutter contre le fantasme collectif de l’enfant unique ultra choyé.
Beaucoup pensent que l’enfant unique est à l’image de Suri Cruise, avec une tenue de princesse complète. Mais laissez-moi vous raconter ma vision de la chose…
C’est vrai que j’ai eu une éducation riche sur le plan culturel : il fallait bien m’occuper ! Mais mon éducation a été particulière : mes parents ont des principes très vieille France, niveau Moyen-Âge.
Françoise Dolto n’a jamais mis les pieds chez nous, et si elle l’avait fait elle aurait été catastrophée : nous n’avions pas de télé, et peu ou pas d’affection.
Si jamais j’avais le malheur de franchir la ligne, il me suffisait d’un regard du Pater Familias pour sentir les larmes me monter aux yeux. On est loin du mythe de l’enfant unique ultra choyé. Mes parents étaient extrêmement stricts et assez durs.
J’ai rarement vu de la fierté dans le regard de mon père, sauf une fois : quand je lui ai annoncé ma mention au bac, lui qui ne l’avait pas. Ce jour-là, j’ai vu des étoiles dans ses yeux.
Mon éducation aurait-elle été différente si j’avais eu des frères ou des sœurs sur qui compter ? La ligne directrice aurait certainement été la même, mais je pense sincèrement que cela aurait déminé le terrain…
Et j’aurais pu avoir un peu de soutien, être moins seule. Bon bien sûr ce n’était pas non plus Guantánamo. Mais un·e aîné·e qui aurait imposé son désir d’exercer tel ou tel métier ou de vivre tout simplement son adolescence à fond m’aurait aidée.
Car ayant deux fortes personnalités comme parents, cela n’a pas été facile, et ne l’est toujours pas. Je suis toujours seule et en minorité face à eux.
Un manque de soutien et de partage quand on est enfant unique
Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec mes amies qui ont des frères et sœurs : certes, il y a parfois un·e préféré·e dans la famille, mais il y a surtout cette complicité entre eux que je n’aurai jamais.
Je ne peux pas partager comme eux mes souvenirs d’enfance avec quelqu’un… et cela me fait penser à un puzzle que l’on ne finira jamais car il manque une pièce.
Depuis longtemps, j’essaie de comprendre l’éducation qu’ils m’ont donnée : pourquoi autant de rigueur, si peu d’affection ?
À 22 ans, après avoir quitté le « nid », j’ai compris que cette éducation stricte faisait de moi une adulte prête à affronter beaucoup de situations pénibles, stressantes, et que j’ai au final cette culture du défi, l’envie de montrer ce dont je suis capable et de me dépasser.
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C’est pour cette raison que je me lance des défis : ma passion étant la photo, j’ai décidé d’en faire mon métier, même si pour le moment j’en suis loin professionnellement — il y a un monde entre caissière intermittente et photographe.
J’ai fait énormément de progrès depuis un an, à force de travailler la technique tous les jours (merci le semi-chômage et le célibat).
Mais rien n’est simple, je dois imposer mes choix au quotidien avec mes parents… Dans la famille, on ne doit pas faire de métier artistique — toujours ce côté vieille France. Oui, vraiment, on est loin de l’enfant unique qui dicte ses volontés.
Si je devais choisir plus tard entre avoir un seul enfant et plusieurs, ma réponse serait à 90% en avoir plus d’un. Même si je me laisse 10% pour ce que j’appelle les aléas de la vie (notamment les contraintes économiques).
Je fais mienne cette phrase de Marilyn Monroe :
« Someday I want to have children. »
Avec l’accent sur le pluriel.
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