Les joies de l’enfance
Maternelle. Les jolies cours de récréations, les enfants qui chahutent, qui pleurent, qui crient, qui rient.
Je ne me souviens pas avoir été une enfant qui aimait jouer, qui utilisait beaucoup ses mains pour créer. Ma maman n’y voyait aucun problème, mais mes professeurs ne comprenaient pas certains de mes comportements. Je lisais tout le temps, partout, n’importe quoi. Mes carnets de notes décrivaient une enfant étrange, intelligente mais qui n’avait pas sa place dans une école normale.
Violence, échec & autres réjouissances
Fin de la grande section. On me refuse l’entrée au CP. Ma maman est convoquée, on lui propose de me faire passer directement en CE1, Elle n’y voit aucun inconvénient. Pour elle, c’est la suite logique des évènements, je m’ennuie en classe. Cependant, elle ne m’en parle pas. L’été arrive, et vient la rentrée. Et là, c’est le choc. Je me heurte à des enfants qui me voient comme une bête curieuse, une enfant timide, fragile, facilement atteignable. J’ai un an de moins qu’eux, mes profs attendent d’eux qu’ils me « protègent » mais bizarrement, toute leur haine se déchaine sur moi. Je suis première de la classe mais j’ai encore des occupations d’enfant: je joue aux voitures, à la marelle, à la corde à sauter…
La jalousie entre les élèves s’installe peu à peu : les anciennes « têtes » de la classe forment un petit clan prêt à attaquer dès que j’ouvre la bouche. Je suis sans cesse rabaissée mais j’encaisse. J’en ai vu d’autres. J’ai vécu des décès, des enterrements, des naissances, le cancer de ma mère, alors ils ne me font pas peur. Et puis un jour, c’est trop.
Une fête sportive tourne au drame. Une pétition circule, le clan a frappé. Ils ont rédigé une feuille intitulée « Qui veut la voir morte ? » sur laquelle ils ont fait signer toute la classe avant la rédaction du titre. Dès que ma mère l’apprend, elle me retire de l’école. On m’adressera de brèves excuses, dites sur le bout de la langue et en riant.
Collège. Je suis dans le même établissement qu’en primaire, pour une question de proximité. On convoque ma mère et on lui propose de me faire passer un QI. S’il est bon, on me refera sauter une classe. Je ne veux pas, puis j’accepte. Après tout, pourquoi pas. On me refait sauter une classe. J’entre donc en quatrième à onze ans. Et là, l’acharnement recommence, autant de la part de certains profs que des élèves. Je passe en troisième sans difficultés, puis, face à tant de pression, je lâche prise.
Je n’ai que de brefs souvenirs de cette époque, mon psy pense que mon cerveau fait de la mémoire sélective. Je me souviens avoir passé de longues heures à lutter contre le sommeil pour être sûre de dormir en cours le lendemain afin de ne pas pouvoir suivre, avoir observé les caïds de ma classe afin de les imiter et de me faire renvoyer de ce système scolaire globalement pourri.
Tous mes actes furent calculés et mûrement réfléchis. J’ai donc réussi à annuler ces deux ans d’avance.
ET POURTANT !
J’ai aujourd’hui 18 ans et, malgré ce passé qui m’a pourtant laissé des séquelles (TCA, agoraphobie, spasmophilie, crises de tétanie, nervosité permanente, dépression), je suis contente. Je suis contente d’avoir pu observer et étudier l’humain sous de nombreuses formes. Heureuse d’avoir rencontré des gens qui avaient beaucoup appris et qui avaient tant à donner, heureuse d’avoir évolué avec certaines personnes (parfois beaucoup) plus vieilles que moi qui m’ont apporté une culture cinématographique, musicale….mais aussi beaucoup d’Amour. Heureuse aussi d’avoir été confrontée à plusieurs types de personnages, des doux aux agressifs, des peureux aux vaillants, des faux méchants aux sombres cons qui se donnent des allures d’enfants sages. Je n’en veux pas à ma mère, bien au contraire.
Je suis armée pour le futur. J’ai aujourd’hui des amis absolument formidables, un passé et un présent amoureux beau bien que tumultueux et une vague expérience de la vie.
Et n’oubliez jamais que : « Le con est celui qui abuse de son pouvoir, qu’il soit petit ou grand. A la base, la connerie est toujours une histoire de pouvoir. »
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Les Commentaires
J'ai eu deux ans d'avance moi aussi, ayant su lire à 3 ans, ma mère m'a directement mis en CP et j'ai eu mon bac à 16 ans. Je ne me considère pas surdouée, car même si j'ai toujours passé mes classes sans problèmes. Je n'ai été première qu'une fois dans ma vie et les gens savaient rarement que j'étais plus jeune qu'eux (je disais rarement mon âge) Et puis, le collège et le lycée c'était avec les mêmes personnes, donc je n'ai pas vraiment senti d'animosité envers moi. J'avais mes amis, j'étais une élève chahuteuse, têtue, bavarde, dissipée, pas toujours concentrée (sauf en anglais). Il y avait des critiques, des mauvaises langues, mais je m'en fichais pas mal.
Je n'ai pas vraiment eu à me "cacher" dans le milieu scolaire, mais plutôt dans ma famille. J'étais différente, et certains de mes cousins me rejetaient pour cela. Enfin bon, je ne me souviens pas être très perturbée (fin ca dérange, mais il faut vivre sa vie quand même)
@Lux[Anne] Je ne sais pas pourquoi, mais à ta place, j'aurais agi tout pareil. Je ne sais pas pourquoi je me suis "vue en toi" (oui c'est débile >.< Peut-être parce que moi aussi parfois, je faisais la dure alors que ca me touchait ^^