Mise à jour du 27 janvier 2014 :
Un juge texan a finalement ordonné à l’hôpital de mettre fin au maintien en vie artificiel de Marlise Munoz. Son corps a enfin été remis à son mari.
La constitutionnalité de la loi n’a pas été examinée : pour le juge, l’hôpital n’aurait simplement pas dû l’appliquer au cas de Marlise dès qu’elle était en état de mort cérébrale, donc légalement morte.
Les médecins ont confirmé que les malformations du foetus et notamment la présence de fluides dans le crâne le rendaient « non viable ». Des militants anti-avortement ont néanmoins soutenu la décision de l’hôpital. Selon le New York Times :
« Des groupes opposés à l’avortement avaient exprimé leur soutien à la décision de l’hôpital. La National Black Pro-Life Coalition and Operation Rescue a publié une déclaration disant que le foetus ne méritait pas d’être tué, et de nombreuses personnes ont exprimé leur intérêt pour adopter l’enfant lorsqu’il naîtra, même s’il est handicapé. »
Rien dans les déclarations des médecins n’indique cependant que le foetus aurait survécu à son extraction du corps de Marlise, même handicapé.
Mise à jour du 24 janvier 2014 :
Selon les avocats de la famille Munoz, le foetus porté par le corps inerte de Marlise Munoz est « distinctement anormal ». Le foetus est âgé de 22 semaines, mais il est impossible de déterminer son sexe alors même qu’il est normalement possible de le constater entre 18 et 20 semaines.
Pour les avocats de la famille Munoz, il n’y a aucun doute possible : « même à ce stade prématuré, les membres inférieurs sont déformés au point qu’il est impossible de déterminer le sexe du foetus ». Une présence de fluides dans le crâne ainsi que de possibles problèmes cardiaques confortent le diagnostique inévitable selon les avocats :
« C’était malheureusement prévisible, dû au fait que le foetus a été privé d’oxygène pendant une durée indéterminée à l’intérieur d’un corps inerte et en dégradation. »
Les avocats de la famille Munoz entendent contester la constitutionnalité de la loi qui fait échec à leur volonté de laisser partir Marlise et le foetus que son corps porte encore.
Si cette loi est jugée contraire à la constitution, les dernières volontés de Marlise Munoz pourront être exécutées, et sa famille pourra enfin faire son deuil.
Article initialement publié le 8 janvier 2014 :
Marlise Munoz a 33 ans, et elle est enceinte. Elle a été victime d’un accident vasculaire dans la nuit du 26 novembre 2013. Son mari l’a trouvée à terre, en arrêt respiratoire et cardiaque. Il tente de la réanimer en attendant l’arrivée des secours, mais ce sera trop tard : le cerveau de la jeune femme a été privé d’oxygène trop longtemps.
Elle est mise sous assistance respiratoire, maintenue en vie artificiellement, le temps que la famille puisse venir lui faire ses adieux.
En vie artificielle… par obligation légale
Conformément aux souhaits de sa femme, Erick Munoz demande à l’équipe médicale de mettre fin au maintien en vie artificielle de Marlise. La loi texane permet en effet de mettre fin à « l’acharnement thérapeutique » pour les patients en situation irréversible, comme c’est le cas pour Marlise Munoz, dont le cerveau ne fonctionne plus.
Mais les médecins n’accèderont pas à la requête d’Erick Munoz, car Marlise est enceinte. Une autre loi texane interdit à l’équipe médicale de cesser le maintien en vie artificiel d’une femme enceinte.
On savait déjà que l’État du Texas ne respecte pas le choix des femmes
, en promulgant des lois restreignant l’accès à l’avortement, mais pour Lynne Machado, la mère de Marlise, cette politique n’a pas à interférer avec le cas de sa fille :
« Ce n’est pas une question de pro-choix ou de pro-vie. Il s’agit des dernières volontés de ma fille, et du fait que l’état du Texas refuse de les respecter. »
Les médecins sont pourtant formels : Marlise Munoz est morte. Elle n’a plus aucune fonction cérébrale, aucune chance de réveil ni d’amélioration. Sa situation ne peut pas évoluer, et les autres fonctions corporelles sont maintenues artificiellement.
Une situation cruelle pour la famille
Légalement, Marlise pourrait pourtant encore avorter : le foetus n’est pas encore viable, les délais légaux au Texas n’ont pas été dépassés. Mais sa famille ne peut pas prendre la décision.
« Les médecins prendront une décision quant au foetus lorsqu’il atteindra 22 à 24 semaines de développement, pour savoir s’il sera possible de procéder à une césarienne », rapporte le New York Times.
« C’est très frustrant pour moi, parce que nous n’avons aucune part dans ce processus de prise de décision. [Les médecins] prolongent notre agonie », regrette le père de Marlise Munoz.
Et cette agonie pourrait se prolonger jusqu’au mois de février, si les médecins décident effectivement d’attendre que le foetus soit viable pour procéder à une césarienne, entre 24 et 28 semaines de développement.
Mais il n’y a aucune certitude quant à l’état du foetus, justement. Tout comme Marlise, le foetus est resté plus d’une heure privé d’oxygène. Il a été exposé aux produits injectés à la jeune femme et aux chocs électriques appliqués pour la raviver. « On sait que son coeur bat, mais c’est tout ce que l’on sait », a indiqué le père de Marlise.
Une application de la loi qui prive les femmes de leurs droits
Dans les années 1980, toute une série de mesures ont été adoptées pour régir la fin de vie. Cette disposition précise sur la protection du foetus, qui interdit de « débrancher » une femme enceinte même si elle en avait exprimé le souhait, avait été ajoutée en 1999, par Bush junior, alors gouverneur du Texas.
Mais cette dernière mesure change complètement la portée des lois concernant la fin de vie pour les femmes, ainsi que l’explique Katharin Taylor, avocate et bioéthicienne à l’Université Drexel à Philadelphie :
« [Les mesures de protection du foetus] privent en l’essence les femmes de droits dont les hommes jouissent, à savoir : décider à l’avance des soins qu’elles veulent recevoir ou non et déterminer comment elles veulent mourir. […] La loi peut maintenir une femme en vie juste pour que son foetus puisse se développer. »
Pour Joe Poejman, le directeur adjoint de Texas Alliance for Life, un lobby anti-avortement, le foetus « devrait être reconnu en tant que personne à part entière ».
« Même si la mère était en état de mort cérébrale, je serais favorable à la poursuite des traitements permettant la survie de l’enfant, dans l’espoir qu’il puisse naître et vivre. »
C’est précisément le cas de Marlise Munoz, sauf qu’il est impossible à l’heure actuelle de connaître l’état de santé du foetus qu’elle porte. La jeune femme est maintenue en vie artificielle, contre sa volonté et contre celle de ses proches. Ses parents, son mari et leur fils de quinze mois attendent, spectateurs, de connaître le sort qui sera celui de Marlise. Ni elle, ni eux ne semblent avoir leur mot à dire sur leur propre drame.
– via
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Les Commentaires
Je reste effarée par la décision des médecins de maintenir cette femme en "vie" malgré l'avis de la famille. Qu'est-ce qu'il se serait passé si finalement le fœtus était viable mais horriblement handicapé (je doute vraiment qu'un fœtus puisse se développer sainement dans le corps "mort" de sa mère après avoir été privé d'oxygène pendant 1 heure...)? Auraient-ils mené cette "grossesse" à terme, sans prendre en compte l'avis du père? Heureusement, ce n'est finalement pas le cas mais les médecins me font vraiment penser à des apprentis sorciers dans cette affaire, se retranchant confortablement derrière la loi.
Bref, il est effarant de voir que dès qu'une femme est enceinte, son corps ne lui appartient plus...