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Bruno van der Kraan / unsplash
Sexo

En voulant faire un don d’ovocytes, j’ai appris que j’étais infertile

Célia est rédactrice web en free-lance et créatrice du podcast seconde voie. À 33 ans, elle a appris son infertilité en tentant de faire don de ses ovocytes. Elle raconte comment sa vie a changé depuis cette nouvelle.

Il y a un an, j’ai arrêté la pilule que je prenais en continu depuis treize ans. Pas dans l’espoir de tomber enceinte, mais plutôt pour mettre fin à certains symptômes dérangeants : je pensais que j’avais encore le temps de me poser la question de la maternité.

Quand j’ai décidé de faire don de mes ovocytes, j’ai appris mon infertilité. Je me suis retrouvée de plein fouet à vivre une préménopause précoce, et tous les bouleversements physiques et psychiques que cela représente. 2022 sera à jamais un tournant dans ma vie.

Pourquoi j’ai décidé de faire don de mes ovocytes

L’année a débuté avec un projet qui me tenait à cœur : celui de faire don de mes ovocytes pour parrainer une amie et son mari, alors sur liste d’attente pour un don d’ovocytes. Elle est devenue stérile à cause des traitements qu’elle a reçus pour combattre une leucémie. En faisant don de mes ovocytes, ce n’est pas à elle que je donne mes gamètes directement (le don de gamètes reste anonyme), mais ce parrainage, qu’on appelle don relationnel croisé, est un moyen de faire remonter mon amie dans la liste d’attente et donc de l’aider.

Mais rien ne se passe jamais comme prévu, je l’ai appris à mes dépens.

En mars 2022, je me suis rendue au centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS) le plus proche pour passer des examens afin de connaître l’état de ma réserve ovarienne. Dans la salle d’attente, je croise le regard des patients et j’y devine de la fatigue, de la tristesse, mais aussi un certain courage. Je les observe sans imaginer une seule seconde que mon mec et moi serons à leur place dans quelques semaines.

Au moment de l’échographie endovaginale, la gynécologue est un peu déçue. Elle me dit que j’ai moins de follicules que ce qu’ils attendaient et que la prise de sang hormonale sera déterminante. Je me rassure en me répétant que de toute façon « Dans la famille on est fertiles », phrase que j’ai entendue de nombreuses fois dans la bouche de ma mère.

Pourtant, mon monde s’écroule quand, le 15 mars, le numéro du CECOS s’affiche sur mon téléphone. Je ne peux pas répondre tout de suite, mais je vois que la gynéco insiste et me laisse un message vocal. Quelque chose me dit que ce n’est pas bon signe.

femme sur son téléphone
Freestocks / Unsplash

Je finis par la joindre et je me prends un tsunami dans la figure. Elle prononce des mots que je ne comprends pas et que je n’assimile pas. Elle m’explique que ma réserve ovarienne est faible, que mes ovaires sont fatigués et ont l’âge d’une femme de 46 ans, que je dois aller faire une prise de sang pour déceler une potentielle maladie génétique et que des examens complémentaires sont nécessaires. Elle finit par dire cette phrase que je n’oublierai jamais : « En l’état, nous ne vous acceptons pas en tant que donneuse car c’est vous qui allez avoir besoin d’aide désormais ».

Être diagnostiquée d’une insuffisance ovarienne précoce

Immédiatement, je pense à mon amie que je ne pourrai pas aider et je l’appelle dans la foulée. À cette époque, j’ai encore un peu d’espoir, la gynéco me parle de possible préservation ovocytaire en fonction des résultats des examens. La préservation ovocytaire me convenait puisqu’avec mon compagnon, nous ne souhaitions pas d’enfant dans l’immédiat.

À partir de là, je me suis retrouvée ballottée de salle d’attente en salle d’attente avec des discours différents. Jusqu’au jour où j’ai reçu mes analyses de sang qui illustraient le sacré foutoir hormonal auquel je faisais face. C’est simple, toutes les hormones qui devaient être hautes étaient basses, et celles qui devaient être basses explosaient les scores.

S’ensuit une échographie de comptage qui montrait que mon stock d’ovocytes était quasiment vide. Une Insuffisance Ovarienne Précoce (IOP) m’a été diagnostiquée. Bien évidemment, je n’avais jamais entendu parler de cela avant. En même temps, seules 1% des femmes sont touchées par l’IOP avant leurs 40 ans.

J’ai vite compris qu’il n’était plus question de préservation ovocytaire. Il n’y avait quasiment plus rien à stimuler et en plus d’être infertile, j’étais à 2 ou 3 ans de ma ménopause. Une grossesse naturelle relèverait de l’ordre du miracle. La FIV n’est pas une option pour moi, car mes ovaires ignoreraient les stimulations.

Je dois donc m’inscrire sur les listes d’attente pour le don d’ovocytes, moi qui voulais être donneuse. Ce changement de statut est brutal, on m’invite à aller sur la dernière marche de la PMA sans passer par la case départ. On m’explique que je n’appartiens plus au joli monde des personnes qui conçoivent sous la couette et que je n’ai pas non plus mon ticket d’entrée pour PMAland. 

Mais s’il n’y avait que l’infertilité à gérer, je pense que je serai assez solide pour l’accepter. C’est là que j’ai découvert que l’IOP est une forme d’infertilité particulière. C’est aussi un état physique avec lequel on doit composer.

Vivre les symptômes de la préménopause à 33 ans

Avant cette histoire, j’avais arrêté la pilule sur les conseils de ma sage-femme qui avait été la première à soupçonner un dérèglement hormonal en me palpant les seins. À la suite de cet arrêt, j’ai eu de fortes migraines et un SPM violent. Je mettais cela sur le compte de la pilule, le temps que mon corps se débarrasse de toute cette chimie.

À l’annonce de l’IOP, j’ai mis du temps à faire le lien entre ces symptômes et les effets secondaires de la préménopause, cette période qui arrive normalement aux alentours de 47 ans et qui correspond aux années avant la ménopause avérée, c’est-à-dire l’absence totale de règles.

La ménopause, ce mot qui me paraissait lointain et vague est devenu familier. Tout ce que j’avais entendu de la part des femmes qui ont l’âge de ma mère, c’est désormais moi qui le vis. En premier lieu, les bouffées de chaleur. Ces fameuses bouffées de chaleur qui prêtent parfois à sourire quand une femme les a. On a tous l’image de la femme ayant un coup de chaud qui agite ses mains pour se rafraîchir et à qui on va dire « C’est la ménopause ou quoi ? ». Cette représentation que je pensais vivre dans 15 ans est désormais ma réalité.

Mais le plus embêtant, ce sont les autres symptômes qui s’ajoutent à la liste : douleurs articulaires et inflammatoires, arthrose, sautes d’humeur, perte de cheveux, ballonnement, fatigue, règles plus douloureuses et abondantes, etc. Et le dernier en date qui surprend les médecins : un joli début de cataracte. Bah oui, autant prendre tout le package de la « petite vieille » !

L’impact de l’IOP sur mon métier

Je me retrouve à composer avec « mes nouveaux amis » et à les intégrer au quotidien d’une jeune femme de 33 ans qui travaille à son compte. Chaque jour est un combat pour ne pas laisser transparaître ma fatigue, mes douleurs ou mes troubles de l’humeur à mes clients et aux personnes que je rencontre dans ma vie professionnelle. Je tiens à ne pas me laisser aller face à ces symptômes parce que je n’ai pas le choix, étant freelance, je dois continuer à développer ma boîte sinon il n’y a pas de salaire à la fin du mois.

Le plus difficile reste ce sentiment d’isolement et de déclassement. À qui parler de tout cela ? Soit j’en parle à mes copines qui accouchent les unes après les autres et qui sont loin de tout cela, soit je prends le thé avec ma mère et ses copines. Pas d’autres choix que de vivre avec !

Mon conditionnement (et celui des femmes) dans la société 

Que ce soit dans la sphère familiale, éducative ou culturelle, j’ai grandi avec l’information qu’un seul rapport non protégé pouvait provoquer une grossesse. Alors, cela demande à mon cerveau un effort important pour assimiler le fait que je ne cours plus de « risques » en ayant un rapport sans contraception.

Moi comme d’autres femmes de ma génération, nous avons été conditionnées à faire attention à notre contraception, à la renouveler à chaque visite chez le gynécologue. C’est finalement la seule chose avec les MST qu’on nous a apprises. Mais pourquoi personne ne nous a expliqué le fonctionnement du cycle féminin ? Comment repérer une ovulation en observant ses pertes vaginales ? Comment marchent les tests d’ovulation ? Quelles sont les maladies qui empêchent la fertilité ? En quoi consiste un avortement ? Bref, je pourrais continuer longtemps comme cela. Ni les cours d’éducation sexuelle au collège, ni les médecins, ni les médias de grande écoute ne m’ont expliqué cela. Il a fallu attendre l’avènement des réseaux sociaux et des blogs pour avoir accès à une information sans tabou.

Quand j’ai commencé à faire des recherches sur les troubles de l’humeur à la ménopause, je suis tombée sur des articles qui ciblaient les femmes de 50 ans, mariées et mamans. Bien souvent, les sautes d’humeur étaient mises sur le compte du départ des enfants de la maison. Comme si l’effacement du rôle de mère était la seule cause valable de ce désordre psychique et physique. Un peu réducteur, non ? J’ai réalisé que cette période de la vie qu’avait traversée ma mère et d’autres femmes de sa génération n’avait pas dû être facile à gérer.

Je pense souvent aux femmes de la génération de ma grand-mère qui ont dû vivre tout cela dans le secret et le silence. Je ne peux que me réjouir d’appartenir à une génération qui prend la parole et qui lève le voile sur la réalité. Alors, aujourd’hui, je partage mon histoire pour pouvoir sensibiliser au don d’ovocytes, à l’infertilité et à l’IOP.

À lire aussi : J’ai fait un don d’ovocytes, voilà comment ça s’est déroulé !

Crédit photo : Bruno Van der Kraan / Unsplash

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Les Commentaires

2
Avatar de Ariel du Pays Imaginaire
16 septembre 2022 à 23h09
Ariel du Pays Imaginaire
Ca doit être violent à vivre... Courage à la témoignante et merci à elle de parler de ce sujet qui n'est pas très abordé.
2
Voir les 2 commentaires

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