« Tu veux faire quoi quand tu seras plus grande ? » : « Styliste », avais-je répondu haute comme 3 pommes, un Crayola dans la main. Dans ma tête de jeunette, le métier de styliste ça consistait à faire des jolis dessins, voir des défilés au premier rang et se rouler dans des montagnes de chaussures toute la journée.
En pratique, c’est un plus compliqué que ça. J’ai eu la chance de travailler ou de faire des stages dans plusieurs bureaux de création aux secteurs parfois très différents et c’est avec plaisir que je vous livre le mode d’emploi de la parfaite fashion designer ! (L’anglais, c’est très modasse.)
Comment crée-t-on une collection ? Qui s’occupe des dessins ? Est-ce qu’une styliste doit savoir coudre ? Tata Perrine éclaire vos lanternes de modasses en herbe.
Créer une collection de mode
Avant de commencer, je tiens à préciser que le processus suivant s’applique aussi bien au secteur de la grande distribution qu’à celui du haut de gamme à la seule différence que ce dernier privilégie la démarche créative alors que le premier favorise la vente au profit de la qualité ou de l’originalité bien souvent.
Aussi, dans certains cas, l’équipe de stylistes est dirigée par un DA (directeur artistique) qui donne les directives et influences les partis pris esthétiques. Tout le monde a bien entendu ? On peut commencer.
Définir le thème
Si la mode crée ses collection d’hiver en été et vice-versa c’est parce que pondre une collection, c’est fichtrement long. La première étape du processus, c’est de définir le thème, la ligne conductrice de la collection
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Les bureaux de création font appel aux bureaux de style qui répertorient les futures tendances dans les sacro-saintes bibles de la mode : les book tendance. Couleurs, matériaux, coloris, textures… la styliste n’a plus qu’à définir sa propre histoire en piochant dans ses catalogues précieux.
Elle crée son propre carnet de recherches et ses pages d’ambiance — dites moodboards en jargon fashion. Ce sont de larges panneaux recouverts de photos d’inspirations, tous domaines confondus : design, architecture, photographie, nature, sport, automobile, nourriture, chien du voisin… tout est bon pour définir l’univers général de la collection.
Un exemple de moodboard : les photos définissent les couleurs (pastel), les textures (légères, fluides) et l’univers général de la collection (féminin, coquet)
Choisir les matériaux
Une fois que le thème et la gamme colorée ont été validés par le reste de l’équipe ou le DA, la styliste part à la recherche des tissus de la collection auprès des fournisseurs de textiles ou via des salons internationaux.
L’idée, c’est de définir une première sélection assez vite pour commencer les croquis car contrairement aux idées reçues, ce n’est pas le dessin qui influence le tissu : la matière donne des indications sur le rendu final, le tombé et la forme générale. Dans certains cas, la styliste est amenée à faire des manipulations textiles pour donner un exemple concret aux fournisseurs du résultat attendu : autant être dégourdie avec ses 10 doigts.
Dessiner les modèles
Contrairement à ce qu’on s’imagine, le styliste ne passe pas des heures à dessiner des silhouettes élancées hyper travaillées comme Karlito et les autres grands créateurs. Au final, c’est même plutôt brouillon : les recherches doivent être rapides et compréhensibles par toute l’équipe.
Une fois que les recherches sont terminées, la styliste met en place le plan de collection. Ce panneau affiche les croquis avec des indications de matière ou de couleur et définit le nombre de modèles à produire. Le nombre varie en fonction du secteur : dans le haut de gamme, on compte rarement plus de 50 modèles par collection.
Madonna par Jean-Paul Gaultier, l’un des grands manitous du croquis de mode
Avant d’envoyer les croquis aux fabricants, les dessins sont normalisés sur ordinateur. On appelle ça des dessins techniques : proportions, détails de construction, codes couleurs, références des fournitures… tout doit être clair.
Les notions de couture et de modélisme sont d’ailleurs indispensables : même si la styliste n’est pas très rigoureuse face à une machine à coudre, il est primordial de savoir comment s’assemble un vêtement — difficile de réaliser une veste si on ne sait pas comment la fermer, ni la doubler, ni assembler les manches par exemple.
La styliste doit pouvoir donner des informations très précises aux modélistes qui s’occupent de la création du vêtement à partir de patrons en papier.
Un métier polyvalent
Une fois que tous les dossiers sont envoyés aux fournisseurs, le bureau de créa reçoit des prototypes pour faire ses propres modifications. Une fois que le résultat est parfait, la collection est lancée en production : c’est le bureau de production qui prend le relais. La styliste organise des présentations presse via des show room ou des défilés généralement en collaboration avec un bureau de presse.
Contact avec les mannequins, retouches des modèles, organisation d’évènements, négociations avec les fournisseurs… la styliste a un job très polyvalent qui nécessite la maîtrise de termes techniques et de l’anglais pour communiquer avec tout ce petit monde.
La plus grande satisfaction de ce métier c’est sans doute de découvrir en vrai le vêtement qu’on a conçu : je ne vous cacherai pas que le métier de designer de mode est épuisant car certaines périodes dites de rush (avant les défilés, à quelques jours des deadlines ou encore avant une présention presse) sont éreintantes et la vie sociale en prend un sacré coup mais le plaisir de toucher ou d’essayer SON vêtement, ça vaut de l’or.
En résumé, pour être une bonne styliste, il faut…
- Savoir dessiner… ou pas : tant que vos croquis sont compréhensibles par votre équipe ou les fournisseurs c’est le principal : tant pis si votre dessin ne casse pas trois pattes à un canard, Illustrator fera le reste.
- Justement parlons-en : il faut maîtriser les logiciels de design Photoshop et Illustrator, au minimum. Bien souvent, c’est la styliste qui s’occupe des dessins et des dossiers techniques, et parfois même des motifs et des imprimés : pas de panique, les écoles de mode forment très bien leurs élèves à l’infographie et au DAO (dessin assisté par ordinateur).
- Savoir manipuler le textile : la styliste aussi découpe du tissu, crée des mini-textiles et effectue des retouches. Mieux vaut ne pas avoir peur de la machine à coudre et de l’aiguille.
- Avoir des notions de modélisme et de couture : comme dit plus haut, une bonne styliste c’est quelqu’un qui sait comment ça se passe sous les coutures.
- Être polyvalente : le job d’une styliste c’est aussi porter des cartons, aménager des boutiques, discuter du prix des étoffes au mètre avec des fournisseurs ou prendre en charge des mannequins qui ne parlent pas un mot de français. Détrompez-vous, la styliste ne reste pas assise derrière son écran d’ordinateur toute la journée, elle court même de partout !
- Enfin il faut une bonne dose de sang-froid : la mode n’est pas un milieu de tout repos : retards, urgences et imprévus arrivent bien souvent et généralement c’est la catastrophe planétaire ma chérrriiie.
Si après tout ça vous vous êtes découvert une vocation pour le stylisme, je vous conseille d’aller jeter un oeil à cet article aux conseils précieux concernant les études dans la mode !
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