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En écriture : avec l’autrice Sandrine Roudeix

Vous rêvez d’amorcer un projet d’écriture, ou sentez simplement le besoin de jeter les mots qui vous trottent dans la tête sur le papier ? Chaque dimanche, tout au long de l’été, une femme, autrice, podcasteuse, entrepreneure ou artiste raconte son rapport à l’écriture et partage quelques conseils pour se lancer. Ancienne journaliste et photographe, c’est l’autrice Sandrine Roudeix qui se livre cette semaine.

Sandrine Roudeix est l’autrice de cinq romans, dont le dernier, « Pas la Guerre », a rejoint les rayons des librairies cette année. Elle y narre superbement le quotidien d’un jeune couple qui pourrait être nous, ou un autre, qui se dispute violemment le temps d’une nuit, à l’occasion de leur emménagement. Habituée des lettres, Sandrine Roudeix a d’abord travaillé dans l’édition, puis été journaliste et photographe pour la presse avant de devenir scénariste pour la télévision. Pour Madmoizelle, elle revient sur son rapport à l’écriture et donne quelques conseils pour se lancer.

Madmoizelle. Quel est votre rapport à l’écriture ?

Sandrine Roudeix. Vaste question ! J’éprouve une certaine urgence, quelque chose de vital. À quoi bon écrire si on ne se jette pas dans le vide, si on n’a pas l’impression de jouer sa vie à chaque phrase ? C’est un rapport très psychologique, un peu vertigineux. Un peu déstabilisant aussi, car on est souvent sur le fil. Je travaille sur les questions de filiation, de transmission familiale, d’émancipation individuelle et sociale, et chacun de mes cinq romans est une sorte de catharsis de mon histoire personnelle. Je suis par ailleurs photographe et j’écris avec mes sens. Je veux faire vivre à mes lecteurs une expérience intime. Je veux qu’ils voient, mais aussi qu’ils touchent, qu’ils sentent, qu’ils goûtent, qu’ils entendent l’histoire comme si elle leur était arrivée. 

C’est en aimant les livres des autres que j’ai eu envie d’en créer à mon tour.

Sandrine Roudeix

À lire aussi : En écriture : avec l’artiste-plasticienne Tiffany Bouelle

Madmoizelle. Quand avez-vous commencé à écrire ?

Sandrine Roudeix. Je suis venue à l’écriture par le théâtre. Quand j’avais douze ans, j’étais au conservatoire et, si je me suis vite rendu compte que je n’étais pas à ma place sur les planches, j’ai trouvé dans l’apprentissage des textes une colonne vertébrale. À l’adolescence, je passais mes week-ends à apprendre des poésies d’Aragon, de Prévert, de Rimbaud, des tirades d’Antigone ou du Cid. C’est en aimant les livres des autres que j’ai eu envie d’en créer à mon tour. J’ai commencé à écrire des romans il y a plus de vingt, même si le premier, « Attendre », n’a été publié chez Flammarion qu’en 2010. C’est une aventure au long cours. 

Madmoizelle. À quel moment de la journée préférez-vous écrire ?

Sandrine Roudeix. Le matin. J’ai besoin à la fois d’une régularité et d’une certaine virginité. Je me réveille assez tôt, sans réveil, et je me glisse tous les jours ou presque à ma table de travail en essayant de ne pas parler à mon compagnon. J’ai besoin d’être encore endormie, dans une sorte de bulle, pour libérer mon cerveau et faire taire la petite voix qui redoute parfois de ne pas y arriver. J’ai aussi besoin de cette discipline pour aller au bout. Même s’il y a des hauts et des bas sur le chemin. C’est cet élan tous les jours confirmé (parfois obligé) qui me permet lentement, mais sûrement d’atteindre la dernière page. 

J’ai découvert il y a longtemps que la discipline permettait de dépasser nos blocages. Comme un sportif qui s’entraine tous les jours et saute de mieux en mieux.

Sandrine Roudeix

Madmoizelle. Avez-vous un lieu de prédilection ?

Sandrine Roudeix. J’écris chez moi, sur mon bureau en formica rouge, toujours à la même place depuis une quinzaine d’années. J’adore mon appartement parisien qui est au sixième étage et s’ouvre sur les toits de Paris, et la proximité de ma grande bibliothèque me rassure. J’y trouve de l’inspiration et de l’énergie. Une sorte de sororité et de fraternité aussi. Même si, pour mon avant-dernier livre « Ce qu’il faut d’air pour voler », qui raconte ce moment où mon fils, devenu adulte, a quitté la maison, j’ai eu exceptionnellement besoin de m’installer ailleurs pour prendre un peu de distance avec ce que je vivais. 

Madmoizelle. Comment gérez-vous la page blanche lorsque cela arrive ?

Sandrine Roudeix. Par la régularité. J’ai découvert il y a longtemps que la discipline permettait de dépasser nos blocages. Comme un sportif qui s’entraine tous les jours et saute de mieux en mieux. Depuis, j’ai moins peur. Je sais que les mots finissent par arriver, du moment qu’on les appelle chaque matin.

À lire aussi : En écriture : avec la podcasteuse Pénélope Bœuf

Madmoizelle. Quel est le livre qui a changé votre façon d’écrire, ou qui est un incontournable selon vous ?

Sandrine Roudeix. Il y en a plein. Plutôt des romans contemporains. J’aime la littérature classique, mais ce sont les écritures d’aujourd’hui qui entrent en résonance avec la mienne, qui poursuivent une même sorte de recherche artistique, qui m’insufflent de l’élan. J’ai une étagère dans ma bibliothèque où je garde tous ces textes à portée de mains. Il y a notamment « Écrire » de Marguerite Duras, « Se perdre » d’Annie Ernaux, « Un Oiseau blanc dans le blizzard » de Laura Kasichke, récemment « Le Coût de la vie » de Deborah Levy et « La patience des traces » de Jeanne Benameur… C’est difficile de n’en citer qu’un.

Madmoizelle. Qu’est-ce que cela vous procure, d’écrire ?

Sandrine Roudeix. Je crois que cela m’ancre. Écrire me permet d’arrêter de me fuir. C’est une façon de me confronter à l’invisible et à l’indicible, et, d’une certaine manière, d’en triompher.

À lire aussi : En écriture : avec la romancière Sophie Astrabie

Madmoizelle. Comment écrivez-vous ? Vous êtes plutôt machine à écrire, carnet ou ordinateur ?

Sandrine Roudeix. Ordinateur. Même si, lorsque je suis dans l’écriture d’un roman, je prends des notes sur tout ce qui me tombe sous la main (que je retape plus tard sur mon clavier). Cela peut être un carnet bien sûr, mais aussi un dépliant publicitaire ou un roman. Les dernières pages de mes livres sont noircies de gribouillis.

Madmoizelle. Un conseil pour les lectrices de Madmoizelle qui aimeraient profiter de l’été pour commencer à écrire ?

Sandrine Roudeix. Lancez-vous ! Ne cherchez pas une idée, asseyez-vous et écrivez juste ce qui vous passe par la tête. Sans vous relire. Écoutez votre voix intérieure avec ses tics et ses tocs. Une fois terminé, prenez le temps de comprendre vos mots, ce que vous avez voulu dire. Il y a souvent un sens, un souffle, qui chemine entre nos phrases. On a l’impression qu’elles se cognent, mais en fait, elles s’enchainent. Un sujet apparait presque toujours.

À lire aussi : En écriture : avec l’autrice Sophie Pointurier


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Les Commentaires

1
Avatar de CeeJay
22 août 2022 à 21h08
CeeJay
Merci pour cette interview intéressante. J'apprécie particulièrement le fait que Sandrine Roudeix cite les autrices qui l'inspirent, car j'aime découvrir de nouvelles écrivaines plutôt que les sempiternels auteurs qui squattent les devantures des librairies
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