Quand ma fille est née en avril 2020, j’avais une idée assez précise de la manière dont je voulais gérer mon retour au travail. J’allais prendre quelques semaines de congé parental à la fin de mon congé maternité, puis trouver un mode de garde — une place en crèche idéalement — pour la rentrée de septembre afin de pouvoir reprendre mon poste de rédactrice en chef. Ensuite, on aurait juste à se répartir les horaires de dépose et de récup’ à la crèche avec son père, et tout irait bien.
Bon, si vous avez bien lu le titre de cet article, vous devez vous douter que ça ne s’est pas passé aussi bien que prévu. Déjà, la crèche associative dans laquelle nous avons trouvé une place (super chouette au demeurant), était à 20 minutes de marche de chez nous et elle ne pouvait accueillir ma fille qu’à partir de ses six mois, je devais donc prolonger un peu mon congé maternité et ne reprendre le boulot qu’en septembre.
Des semaines trop remplies et la machine qui s’enraye au moindre grain de sable
Ensuite, le mode de fonctionnement de cette crèche impliquait que l’on assure en tant que parents des permanences régulières au sein de la structure et que l’on participe à sa gestion. Autant d’heures de bénévolat qui allait venir s’ajouter à nos semaines de travail déjà bien remplies, mais à ce moment-là, ça ne m’inquiétait pas outre mesure, car j’avais déjà fait pas mal d’associatif et j’avais « du temps » puisque j’avais suspendu certains de mes engagements depuis la grossesse.
Pour pouvoir assurer les permanences, en alternance avec mon mari, j’ai aménagé mes horaires de travail. J’allais bosser 39 heures par semaine, mais sur quatre jours et demi. Ce qui me laissait certes une aprem’ de libre par semaine, mais me faisait faire des très grosses journées le reste de la semaine, avec peu de moments de pause. De 7 heures du matin à 21 heures, je ne faisais que courir.
Très vite après avoir repris le boulot, j’ai commencé à être fatiguée, surtout qu’on n’avait pas tiré le modèle de bébé qui fait ses nuits rapidement (ou plutôt les nôtres) : jusqu’à ses treize mois, elle se réveillait au moins deux ou trois fois par nuit (et parfois jusqu’à dix fois d’affilée). On avait beau se relayer avec son père, quand on dort mal une nuit sur deux, on se rapproche vite du zombie.
Mon corps a commencé à m’envoyer des signaux d’alerte du style choper toutes les maladies infantiles que ma fille ramenait de la crèche (et qui la faisaient dormir encore plus mal que d’habitude). Monter trois étages à pied m’épuisait et j’ai aussi commencé à beaucoup moins bien gérer le stress qu’avant. Le moindre grain de sable dans ma journée me plongeait dans des états de panique disproportionnés.
J’ai un peu honte de ne pas réussir à tout mener de front
À la sortie de l’hiver, j’étais déjà complètement cramée, mais je n’en avais pas conscience, ou plutôt je ne voulais pas me l’avouer. Encore aujourd’hui, ça me fait un peu honte de l’écrire, parce que j’ai autour de moi tant de modèles de mères qui ont réussi à mener de front leur vie professionnelle, leur maternité et tout le reste sans y laisser trop de plumes.
Moi, je n’ai pas réussi, et au lieu d’écouter les signaux que m’envoyaient mon corps et ma tête, je me suis acharnée. Les autres mères avaient l’air d’y arriver si bien. Pourquoi je n’en serais pas capable moi ? Je suis une femme forte, une journaliste engagée, une personne intelligente, je DOIS réussir.
Et puis, tiens, puisque je suis si douée, pourquoi je ne reprendrais pas, en plus, la présidence de la crèche associative ? On compte sur moi et après tout, ça ne représente jamais que quelques heures de boulot en plus par semaine…
Le stress de toutes mes vies cumulées ont eu raison de moi au début de l’été… à peu près en même temps que le Covid. Et j’ai beau avoir pris cinq semaines off ensuite pour récupérer, ça n’a pas suffi.
Alors, est-ce que c’est un début de burn-out ? Une dépression post-partum ? Ou juste un gros coup de fatigue ? Je ne sais pas, mais une chose est sûre : j’ai clairement présumé de mes forces et j’aurais dû demander de l’aide plus tôt.
Devenir mère et avoir envie de tout plaquer
Cette dernière année, je suis passée par des phases très sombres où je me disais que la seule solution pour survivre à tout ça était de prendre mon sac à dos et de partir très loin en laissant tout et tout le monde derrière moi. Mais j’aime trop mon mari et ma fille pour leur faire ça, alors j’ai décidé de trouver d’autres pistes.
L’une d’entre elles est de quitter l’aventure Madmoizelle (oui oui comme dans Koh-Lanta) pour prendre du temps pour me reposer et trouver un nouvel équilibre professionnel. Il y aura certainement encore de l’écriture au menu, mais dans un autre cadre et sur un autre rythme.
Alors, si ce dernier article et tous ceux que j’ai écrits pour Rockie et Daronne, et dont je suis si fière, vous ont plu et que vous avez envie d’être tenues au courant quand je reprendrai la plume, vous pouvez me suivre sur mes réseaux perso, sur Twitter et Instagram. (Oui, mon compte Insta est une page blanche, à l’image de mon avenir professionnel, mais j’ai bien l’intention de remplir les deux…).
Je n’ai pas de happy end pour terminer cet article, pas de recette miracle ou de grandes leçons à vous donner suite à mon expérience personnelle, mais je peux tout de même vous conseiller d’écouter le plus possible vos petites voix intérieures.
Si vous vous sentez piégée au quotidien, si vous enchaînez les maladies ou les douleurs inexpliquées, si vous n’arrivez pas à dormir les rares bonnes nuits que fait votre enfant, si tout vous semble insurmontable, même aller chercher un recommandé à La Poste, c’est peut-être qu’il est temps de repenser votre vie de fond en comble façon Valérie Damidot, ou au moins d’y faire un sacré tri, inspiration Marie Kondo…
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Crédit photo : Photo tirée de la série Workin’ Moms / IMDB
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Les Commentaires
Tu as raison de te préserver, j'espère que tu vas réellement pouvoir te ressourcer et te retrouver. Mais je trouve qu'il y a une leçon à tirer de tout ça, pour nous toutes mères, mais aussi pour l'employeur (qui plus est ouvertement féministe) qui a sa responsabilité dans ton mal-être, dans le fait de ne pas avoir su voir que c'était trop à gérer de front, et proposer des solutions.