Cette année pour le 8 mars, un grand quotidien français a décidé qu’il serait pertinent de publier la lettre d’un violeur. Que cela éclairerait le débat. Que, d’une façon ou d’une autre, cela enrichirait notre compréhension des violences sexuelles.
Que nous dit cette lettre ? Déjà que quand un homme viole sa petite amie, il peut non pas se rendre à la police, mais pondre un joli blabla et l’envoyer à son journal préféré en espérant être publié.
Cette lettre, elle nous montre aussi que ce violeur là a bien fait ses devoirs. Il dit « J’ai violé. Vous violez. Nous violons », il part de l’individu pour parler du collectif. Il a appris les discours féministes, il maîtrise les bons termes, il est capable de reconnaître qu’il a fait son travail de reconstruction grâce à des femmes, qu’il a écouté, appris et qu’il connaît le sujet.
Il maîtrise les mots « culture du viol », « masculinité toxique », il a pris conscience de son éducation normée, de sa sociabilisation en tant qu’homme dans la société, de sa place de dominant. Il a réalisé sa propre violence, il est aussi capable de citer des études et des données, qui lui permettent de trouver des explications à son geste.
Comme souvent, quand c’est un homme qui dit ce que des chercheuses et des activistes clament depuis des années, ça passe bien. On dirait que ça sonne mieux, que c’est mieux dit, que c’est plus objectif, moins passionné. Et visiblement, quand c’est un violeur qui le dit, Libé trouve même que c’est « fort et dérangeant ».
Une une au goût de backlash
Cette publication a un arrière goût de contrecoup. Ce contrecoup n’est peut-être pas
le backlash réactionnaire qu’on attendait après #MeToo. Il n’est sûrement pas aussi tonitruant, et il est sûrement en cela beaucoup plus pernicieux.
Quand nous demandons sur Twitter « Que faire pour que les hommes arrêtent de violer ? », nos comptes sont censurés. Pourtant la parole d’un violeur peut figurer en première page d’un grand quotidien.
Alors, on est en droit de se demander : comment peut-elle être portée aux nues, saluée pour son courage et sa sincérité ? Comment se fait-il aussi qu’elle soit publiée quasi brute, sans le minimum de travail journalistique qu’impose ce genre de sujet ? Que la seule forme de précaution ait été de demander si la victime, l’ex petite-amie du violeur, était d’accord pour que ce texte soit publié ?
8 mars, bientôt journée de l’homme déconstruit ?
Quel beau tour de force. En ce 8 mars, le regard est donc tourné vers un violeur, qui du haut de sa déconstruction, nous exhorte de nous éduquer tous ensemble :
« Je nous invite donc tou⋅te⋅s à nous pencher sur des témoignages, des écrits, des podcasts qui traitent beaucoup mieux que moi ces questions et qui surtout apportent des réponses. »
On attend presque des applaudissements.
Visiblement, cette année, nous sommes nombreuses à avoir loupé le mémo qui dit que la révolution féministe doit passer par la libération de la parole des violeurs. Et que celle-ci serait encensé au mépris de celle des victimes, qui elle est toujours remise en cause, méprisée.
En 2021, les hommes ont compris comment enrober leurs mots et leurs actions d’un joli glaçage féministe. C’est le fruit du temps et de l’énergie de toutes les féministes, de toutes celles qui prennent la peine de prêter leur exemplaire de King Kong Théorie, qui prennent le temps de débattre avec celui qui aime bien « se faire l’avocat du diable », qui trouvent des stratagèmes pour amener les hommes de leur entourage à se remettre en question sans trop les brusquer.
C’est notre temps et notre énergie, mais c’est leur complexité et leur courage qui sont aujourd’hui encensés.
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Les Commentaires
Car a y réfléchir on a déja entendu des paroles de violeurs, parfois repentis, mais toujours après condamnation ou pendant un procès... cela dit aucun ne s'est fendu d'un texte construit. ça laisse entendre que la parole brute est abjecte mais mise joliment en forme ça deviens "intelligent".