En avant toutes ressemble à première vue à d’autres sites amusants comme il en fourmille sur le Web. Sauf qu’en fait, c’est aussi une association pour aider les jeunes femmes.
Le but d’En avant toutes, créé en 2013, est de permettre aux internautes d’avoir un éclairage sur leur couple, et de pouvoir détecter si la relation est saine et équilibrée ou si au contraire potentiellement abusive, violente (que ce soit sur le plan physique, psychologique ou sexuel).
À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la créatrice du site, Ynaée Benaben, revient sur ses motivations et nous explique un peu comment fonctionne le site.
À l’origine d’En avant toutes, l’envie de créer un lieu de discussion adapté aux jeunes
- Pourquoi as-tu créé En avant toutes ?
Autour de moi, je voyais des personnes qui avaient vécu des difficultés dans leur couple et n’avaient pas forcément le recul nécessaire pour juger de la différence entre un conflit de couple et de véritables violences.
En discutant avec elles, j’ai pu voir que notre éducation sentimentale, sociale et sexuelle fait qu’il est compliqué d’en parler, même au sein du couple.
Pourtant, instinctivement, le réflexe de notre génération (Ynaée a aujourd’hui 27 ans, NDLR) est d’aller sur Internet pour chercher des informations ou en parler. En parler au téléphone ou en face à face c’est souvent moins facile que sur le Web…
C’est là qu’est venue l’idée d’investir le numérique pour proposer un lieu qui puisse apporter des réponses, mais aussi des pistes de réflexion, des ouvertures, sans pour autant être moralisateur, un site qui nous ressemble.
D’ailleurs, des personnes nous ont depuis contacté·es pour nous dire qu’elles se reconnaissaient dans le site, qu’elles vivaient des violences et pensaient en être responsables avant d’aller sur notre plateforme.
- Internet était donc le meilleur moyen de remplir cet objectif pédagogique, selon toi ?
Pour notre génération, Internet est davantage ancré dans nos pratiques quotidiennes (en effet, les jeunes femmes victimes de violences échappent à l’aide des associations notamment parce que ces dernières manquent de présence sur le Web, NDLR).
C’est aussi une sécurité supplémentaire très importante pour notre classe d’âge, car au delà d’être une femme, et donc de voir notre parole minimisée, le fait d’être jeune ajoute une difficulté d’expression et de prise en compte supplémentaire.
Les jeunes femmes victimes de violences conjugales
Parmi les freins qui empêchent les jeunes femmes d’appeler, la réticence à utiliser le téléphone, et la peur d’être jugé·e…
En effet, comme l’explique Ynaée Benaben, il y a plusieurs freins qui peuvent empêcher les jeunes femmes de s’adresser à des associations par téléphone par exemple. L’article sur la peur de téléphoner, un mal générationnel
, mettait en avant une réticence des jeunes à décrocher leur téléphone, en particulier pour les appels importants.
Mais il y a aussi les craintes de certain·es d’entre nous d’être jugé·es ou d’avoir affaire à un interlocuteur·trice condescendant·e en raison de notre âge.
En avant toutes, site pratique ET ludique
En navigant sur le site, il y a plusieurs outils qui attirent l’attention. D’abord, il y a des quiz (sur la sexualité, les différences hommes/femmes…) qui apportent un avis sans s’imposer comme « la norme à respecter ».
Ici, pas de « vrai » ou « faux » très directifs, mais plutôt une discussion avec « d’accord » ou « pas d’accord »
Mais il y a aussi un quiz, intitulé Tester mon couple (accessible depuis la page d’accueil du site), qui est là pour guider les internautes et aider les jeunes femmes qui s’interrogent à mieux comprendre la frontière entre conflits et violences conjugales.
Et puis il y a de petits articles sur les bases d’une relation saine, par exemple, qui là encore ont pour objectif d’être pédagogiques sans donner une impression de gravité à l’ensemble, afin de ne pas rebuter les jeunes femmes qui arrivent sur le site.
Selon les propos d’Ynaée Benaben « il peut être très difficile de s’autodéterminer victime de violence et parfois on ne l’est pas : parfois ce sont juste des conflits de couple ordinaires ». Pas question donc de forcer la prise de conscience…
Le site se veut être un intermédiaire entre la prise de conscience et la prise en charge des jeunes femmes.
En avant toutes se veut comme une sorte d’intermédiaire entre le moment où les jeunes femmes commencent à s’interroger et le moment où elles veulent agir. Les membres du site ont un réseau d’associations vers lesquelles les orienter : groupe de parole, procédure juridique, hébergement…
Depuis le 9 novembre, une nouvelle version du site est disponible avec un outil flambant neuf : un chat (celui où on parle, pas celui qui ronronne, hein).
Le chat est directement accessible depuis la page d’accueil du site
Pour l’instant ouvert 3 demi-journées par semaine, le chat pourra être utilisé par les internautes qui s’interrogent sur leur couple et/ou se demandent comment agir, mais aussi par les professionnels et associations désirant en savoir plus sur les violences conjugales.
Sur le but du chat, Ynaée Benaben est très ferme :
« Il s’agit d’offrir un espace où elles peuvent échanger avec des personnes bienveillantes, pour les aider à avancer dans leur propre cheminement. Jamais on ne dira à une jeune femme victime de violences conjugales ce qu’il faut qu’elle fasse pour aller mieux. Le but est d’alimenter leur réflexion, que ça vienne d’elles. »
En avant toutes, ou les difficultés que rencontrent les associations d’aide aux victimes
Alors j’imagine que tu te dis que beaucoup d’associations utilisent les mêmes techniques qu’En avant toutes pour capter l’attention des victimes de violences, sauf qu’en fait pas vraiment. Le fait est que les associations rencontreraient même plusieurs difficultés.
Ynaée Benaben nous éclaire sur ces complications :
« Le plus grand besoin des associations qui luttent contre les violences faites aux femmes est financier.
En septembre dernier, plusieurs organismes (dont la Fondation des Femmes et le Haut Conseil à l’Égalité) ont publié une étude commune intitulée Où est l’argent pour les droits des femmes ? Une sonnette d’alarme, dans lequel ils mettaient en évidence le sous-financement des financements publics et privés en faveur des initiatives pour l’égalité femmes-hommes en France. »
Malheureusement, c’est loin d’être le seul problème que rencontrent les associations. Car elles ont également des difficultés à cibler certaines catégories de personnes, et — je te le donne en mille — dans ces catégories non ciblées se trouvent les jeunes femmes (adolescentes et jeunes adultes).
C’est aussi tout l’intérêt d’un site comme En avant toutes, qui peut se faire l’intermédiaire des associations pour cette catégorie de personnes et permettre de mieux communiquer auprès des jeunes femmes.
« Une autre difficulté vient du fait que les femmes sont encore largement tenues responsables des violences qui leur arrivent, il y a donc une anxiété présente quoi qu’il arrive, notamment dans le couple.
Les femmes se remettent en question, essayent de s’adapter et de se contraindre plutôt que de remettre en question la nature de la relation, du fait de leur acclimatation sociale (de leur éducation genrée par exemple, NDLR).
On peut aussi penser des choses comme ça sans être dans un couple violent, ce n’est pas forcément la seule circonstance. »
Comment aider une victime de violences conjugales ?
Si tu as une personne dans ton entourage qui est peut-être victime de violences conjugales, l’encourager à aller consulter le site En avant toutes peut être un premier pas pour elle.
Si ce n’est pas le cas, sache que tu peux également devenir bénévole pour l’association (pas besoin d’avoir des compétences particulières, pas d’âge minimum…). Pour ce faire, il te suffit d’envoyer un mail à l’adresse benevoles[at]enavanttoutes.fr
Enfin, tu peux aussi faire un don ou acheter un tote bag de l’association pour la soutenir.
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