Sur TikTok, près de 300 000 personnes sont abonnées aux décryptages érudits et marrants d’Emmanuelle Sits qui permet de mieux comprendre la mode vintage et de seconde main. De quoi aider à savoir mieux se repérer sur les sites de seconde main, et authentifier ce qui tient d’une bonne affaire ou d’une arnaque à fuir. Également présente sur Instagram et YouTube, la jeune femme occupe une place singulière parmi les créatrices de contenus mode, grâce à sa pédagogie généreuse, son humour mordant, et son sens du style affirmé.
Interview express d’Emmanuelle Sits, la reine de l’authentification du luxe vintage
Styliste, photographe, influenceuse, consultante… Comment aimez-vous vous présenter aujourd’hui ?
Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je dis toujours « plein de choses ! » Je ne sais jamais où me placer car ces facettes sont toutes plus importantes les unes que les autres. Je devrais peut-être répondre… artiste ! J’ai la chance de pouvoir faire ce qui me plaît. J’aime créer des vidéos, des photos, travailler les réseaux sociaux d’une marque en devenir, habiller les gens, leur (re)donner une certaine confiance. J’ai d’ailleurs toujours eu un travail à côté afin de pouvoir faire vivre ce travail d’artiste.
D’où vous vient votre passion pour la mode, en particulier vintage et de seconde main ?
Mes parents sont décorateurs d’intérieur (parfois même architectes). Je pense tout simplement que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre ! Toute ma vie, je les ai vus chiner, chercher, déballer, acheter et même vendre des palettes d’objets des 4 coins du monde et de toutes les époques. Mon père adore la mode, c’est d’ailleurs lui qui m’emmenait faire du shopping quand j’étais petite ! Puis, au fur et à mesure, ma sœur m’a fait découvrir les friperies pendant mon adolescence, le temple des pièces uniques et des bonnes affaires. Aujourd’hui, à 28 ans, je n’achète presque plus rien en neuf, de la déco de mon appartement à ma collection de sacs.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en faire votre métier ?
Le fait que la mode soit si discrète et en même temps si présente, qu’elle soit réservée à une certaine élite, et le rêve que cela représentait qu’on voyait tous les jours à la télé ou dans les magazines, m’a totalement donné envie d’y accorder une importance (un peu maso me diriez-vous). J’ai rapidement pris ça comme un challenge. Quand j’étais plus jeune, je me faufilais dans les défilés de mode, je me faisais copine avec le videur pour essayer de rentrer. À 16 ans, j’avais même réussi à rentrer dans les backstages d’un défilé Kenzo, je m’en rappellerais toute ma vie !
J’ai toujours eu cette fibre artistique, et le fait d’être multi-tâches et de toucher à tout me fait beaucoup de bien. J’adore me surpasser et me donner des challenges, et clairement les métiers d’artistes ne sont pas les plus reconnus et/ou rémunérés. Il y a du monde, il faut se battre pour se faire une place, et je suis très heureuse de ne jamais avoir abandonné !
Quel rapport entretenez-vous avec la mode, votre corps et votre image aujourd’hui ?
La mode est pour moi une façon de se démarquer, certaines tenues peuvent carrément me donner confiance en moi. Quand je n’aime pas ma tenue du jour, je peux être introvertie voire presque mal à l’aise. Je sais, c’est fou, mais seules les fashionistas comprendront !
Je suis consciente que j’ai eu beaucoup de chance à la loterie de la génétique, si on prend en considération les vieux standards de beauté. Je me sens extrêmement privilégiée de n’avoir presque jamais eu de remarques négatives sur la forme de mon corps, et je pense sincèrement que cela m’ai aidé pour ma confiance personnelle. Les choses auraient sûrement été différentes si je n’avais pas eu cette chance.
Cela étant dit, même si je me suis souvent comparée, je suis aujourd’hui en totale harmonie avec mon corps avec ses changements divers et variés. J’ai vraiment entretenu cette jolie relation et j’essaye de l’écouter le plus possible. Je ne souhaite pas être parfaite, ni même le faire croire, ni plaire à tout le monde.
J’ai réussi à arrêter de retoucher mes photos, la forme de mon nez, effacer mes boutons et mes poils. Car je suis comme ça en réalité ! Je ne veux surtout pas devenir un modèle de comparaison d’objectif (faussé) mais plutôt un exemple de filles qui se disent « Oh, moi aussi je suis comme ça ».
Comment percevez-vous l’intérêt grandissant du public pour la mode vintage et de seconde main ?
L’intérêt financier en tête de la liste. Pendant que les magasins physiques augmentent leurs prix, l’offre de seconde main s’intensifie et devient de plus en plus large. Un sac chiné en seconde main peut revenir à -70% du prix boutique. C’est d’autant plus intéressant que des modèles vintages reviennent à la mode et sont réédités [comme le Saddle de Dior, par exemple] ! Je trouve personnellement que les sacs vintage ont plus de cachet, et sont parfois même plus qualitatifs que les contemporains. De plus, l’urgence écologique est un critère pris en compte par un grand nombre de personnes. Les quantités déjà disponibles sont censées nous suffire !
Dans quelle mesure votre travail peut-il aider le grand public à mieux s’y retrouver dans l’offre de luxe vintage et de seconde main ?
Comme je le disais plus haut, l’offre s’intensifie. Tous les jours il y a des centaines voire des milliers de produits mis en ligne par des particuliers sur les plateformes de vente. Malheureusement, parmi ces annonces, des escrocs ont réussi à se faire une place, grâce notamment à des robots et des vpn.
Ces escrocs viennent du monde entier et peuvent s’introduire facilement et de façon très transparente sur nos plateformes de ventes favorites. Leur but : nous vendre des contrefaçons extrêmement bien réalisées pour le prix d’un vrai. Ou même parfois pire : faire payer l’acheteur mais ne jamais lui envoyer le colis.
Sur les réseaux, j’apprends à ma communauté à repérer ces arnaqueurs, parfois avec humour, mais de manière générale studieusement.
Je leur apprends aussi à faire marche arrière lorsque l’achat a déjà été effectué, par exemple ouvrir un litige et se faire rembourser.
Au-delà des annonces nuisibles, je leur apprends aussi à reconnaître un sac authentique, pas systématiquement pour procéder à un achat mais plutôt par curiosité ou pour étendre leur culture personnelle.
Quelles sont les pires erreurs à faire en matière d’achats de luxe de seconde main ?
Acheter avec une carte bleue sans passer par un système protégé (par exemple Paypal B&S), ou bien faire une remise en main propre sans avoir procédé à de vraies vérifications en amont. Faire confiance au vendeur, donner son adresse avant même d’avoir acheté l’article, donner son numéro de téléphone, son adresse mail, bref ses données personnelles.
Un nombre incalculable d’abonnés m’ont envoyé des DM de détresse car ils ont fait aveuglément confiance au vendeur. Parfois, j’en viens même à menacer l’arnaqueur en question afin de lui faire peur pour qu’il rembourse l’acheteur.
Si vous n’aviez qu’un seul conseil à donner aux gens qui souhaitent acheter du luxe de seconde main, quel serait-il (hormis de vous suivre sur tous vos réseaux) ?
Écouter son instinct, ne jamais faire confiance à une photo de profil ou des bonnes évaluations. Au premier « C’est bizarre quand même… » : arrêter la transaction !
Entre YouTube, Instagram et TikTok, comment diversifiez-vous votre contenu pour chaque plateforme ?
Chaque plateforme est pour moi un moyen de partager des aspects différents de mes passions : Instagram, c’est pour poster ma vision de la mode, mon stylisme, mes nouveaux achats et aussi partager des bons plans en story pour mes abonnés.
Sur Tiktok, ma seule ligne directrice c’est l’authentification : montrer, comparer, informer, donner mon avis sur tel ou tel article, tel ou tel site.
Sur Youtube, je pense me diriger sur de nouveaux challenges mais toujours en rapport avec la mode ou l’authentification tout en ajoutant une touche d’humour.
Un format avait très bien fonctionné sur Tiktok et je pense l’importer bientôt sur Youtube : j‘arnaque les arnaqueurs !
Croyez-vous que les marques et le grand public comprennent enfin aujourd’hui la masse de travail qu’entretenir tous ces réseaux sociaux représente ?
Honnêtement, non. Quand de grandes marques nous proposent des budgets ridicules ou que le public nous demande ce qu’on fait dans la vie (comme si les réseaux ne pouvaient pas être un job), on peut réellement se poser des questions.
Personnellement, je jongle entre mon 39 heures et mes réseaux, et pour être tout à fait transparente, je n’ai plus de vie à côté !
Évidemment, personne ne m’oblige, c’est un changement que j’ai choisi de prendre et j’en suis totalement satisfaite. Mais il est temps de se sentir légitime sans être obligé de se justifier tout le temps. Sur les réseaux, il faut bosser 7 jours/7 pour qu’ils fonctionnent et qu’ils continuent d’exister, et vu de mes chiffres de temps d’écran, ce serait plutôt un contrat de 60 heures par semaine. Cela a tout d’un double-travail à plein temps !
Quelle est la question qu’on ne vous pose pas assez sur vous et votre travail ? (et quelle est votre réponse, bien sûr !)
« Pourrais-tu vivre sur une île déserte sans technologie ? » Sans démagogie, la réponse est oui. Malgré le fait que je sois une matérialiste assumée, j’ai un côté de moi très solitaire et spirituel, avec une capacité à ne jamais m’ennuyer. Je suis totalement capable de faire des châteaux de sable différents tous les jours ou de créer une maison en bambou ! Au fond de moi, je pense même que les technologies nous briment, censurent notre côté créatif, changent notre perception de nous même et des autres. Mais ça c’est un autre débat !
À lire aussi : Plus qu’un magazine de mode, cette revue en découd l’histoire, et c’est passionnant !
Crédit photo de Une : Capture d’écran YouTube
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