Avoir chacun son espace, se voir quand bon nous semble et non parce qu’on partage le même appartement, vivre son couple en respectant l’indépendance de l’autre et en conservant la sienne… Depuis quelques années, de nombreuses personnes font le choix du « célicouple », contraction de « célibataire » et de « couple ». Emmanuelle Mayer, journaliste spécialisée société/habitat et autrice de La déco éthique (Eyrolles) en fait partie. Pour Madmoizelle, elle raconte son quotidien et ce que ce mot lui inspire.
L’expérience d’Emmanuelle, en célicouple depuis 2 ans et demi
Avec mon compagnon, nous sommes ensemble depuis 2 ans et demi. Nous habitons chacun·e chez nous et souvent chez l’autre. Nous sommes donc en « célicouple » selon le mot qui a émergé ces dernières années.
Le mot de « célicouple » ne me parle pas trop, à cause de la racine « célibataire » qui sous-entend que ce serait une relation légère… une relation à prendre à la légère. Certes, juridiquement, nous cochons la case célibataire. Mais je me sens dans un vrai couple c’est à dire accompagnée. Intimement et socialement. Nous sommes compagnon et compagne, un mot qui m’évoque aussi le chemin, le voyage. Et c’est ce dont il s’agit : le couple, c’est un voyage à deux. Après, d’un point de vue médiatique, je comprends l’intérêt d’un mot comme célicouple, pour définir ce phénomène de société des couples qui n’habitent pas ensemble.
Parmi les célicouples, il y a certainement des jeunes qui ne veulent pas se brûler les ailes. Et, comme moi, quantité de quadra échaudés par le couple longue durée, la maison, les enfants, le divorce…
Après ça, on se dit qu’on va y aller piano piano.
On a déjà un logement, des enfants, pas besoin de foncer tête baissée pour construire un nid commun. C’est rassurant de se dire que l’on a notre propre revenu et notre toit sur la tête si jamais. C’est empouvoirant cette autonomie. Et cela donne aussi un sentiment de liberté dont certain.es ont besoin après des années de couple ou de vie de famille, je pense en particulier aux mères qui se sont oubliées en cours de route. Après, la fameuse liberté du célicouple est à nuancer : on peut être très libres en cohabitant et devoir rendre des comptes sans cohabiter. La liberté de chacun·e c’est une histoire de curseurs à ajuster quel que soit le mode d’habiter du couple.
Outre l’autonomie et la sensation de liberté, la non-cohabitation permet d’éviter ou au moins d’atténuer les habituelles prises de becs sur les tâches ménagères. Nous c’est « your place, your rules » ! Pas besoin de s’accorder sur le niveau de propreté du sol ou la fréquence des lessives, chacun décide chez lui/elle. Cela ne veut pas dire que l’on ne partage pas les tâches. Chacun·e peut prendre l’initiative de préparer le repas ou faire la vaisselle, que l’on soit chez l’un•e ou chez l’autre. Mais pour le ménage, la lessive ou le bricolage, au lieu d’être dans cet implicite non-défini qui conduit si souvent aux disputes, nous sollicitons tout simplement l’autre quand nous souhaitons de l’aide.
Les raisons pour lesquelles nous habitons chacun chez soi sont plurielles, et pas définitives. La première, c’est que nous ne souhaitons pas rompre l’équilibre que nous avons trouvé avec nos ados respectifs, que nous avons chacun•e une semaine sur deux. Passer de la famille nucléaire à la famille monoparentale a déjà été une épreuve il y a quelques années, nous n’avons pas le courage ni l’envie de passer à la famille recomposée, qui implique des déménagements ou réaménagements mais surtout d’établir des règles communes d’éducation. Personnellement, j’ai deux filles de 12 et 14 ans avec qui ça se passe super bien, et, même si je suis très amoureuse de mon mec et que son fils est super sympa, nous n’avons pas la même façon de vivre en famille, ni les mêmes habitudes de vie. Par contre, nous avons synchronisé nos semaines, nous avons donc une semaine chacun chez soi avec ses enfants, et une semaine où nous sommes la plupart du temps ensemble chez l’un·e ou chez l’autre.
La seconde raison pour laquelle nous avons fait le choix de ne pas habiter ensemble, c’est que nous nous sommes chacun.e ancré dans nos villages respectifs. Moi, je suis propriétaire de ma maison, avec mes ami•es à deux pas, lui s’investit dans une communauté militante dans son village : aucun de nous n’a envie de déménager ! Mais notre chance est que ces deux communes sont à 30 minutes en voiture, nous pouvons donc facilement passer de chez l’un à l’autre, ce qui nous permet de profiter des deux endroits.
Le célicouple fait rêver certain·es, mais il y a quand même des inconvénients. D’abord, deux logements, ça a un coût : toutes les factures sont en doubles… Quand on a des petits revenus, les fins de mois peuvent être raides. Le célicouple fait aussi augmenter l’empreinte écologique de chacun, entre les allées et venues, les consommations d’électricité et de chauffage multipliées par deux, les équipements en double qui seraient mutualisés s’il n’y avait qu’un seul logement. Mais, la plus grande difficulté du célicouple, c’est que ça demande une organisation de dingue ! Nous faisons régulièrement des « sessions agenda » pour essayer de planifier. De façon générale, je dirais que ce mode de fonctionnement nécessite une grande communication et une capacité à garder le lien à distance, pour ne pas qu’il s’effiloche. Évidemment, on se manque quand on ne se voit pas mais ça, pour moi c’est presque un avantage, car cela alimente la flamme !
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Les Commentaires
Autre point "positif", quand il a commencé à souffrir au travail, la décision de démissionner à été plus facile à prendre vu qu'elle n'impliquait financièrement que lui. Idem de mon côté quand j'ai fait mon burn out. Ça n'impliquait que moi, financièrement, de démissionner.
Dans notre cas, il y a le côté handicap/aidant qui joue aussi. D'un côté, ça rajoute des contraintes à mon compagnon (qui vient faire mon ménage par exemple, fais ma bouffe, se fait réveiller à 2h du mat parce que je l'appelle en pleine crise d'angoisse). D'un autre côté, ça lui permet de souffler, d'être "à l'abri" de mes petage de câble...
C'est question de coût/bénéfice...