En 2012, en Irlande, une jeune dentiste de 31 ans nommée Savita Halappanavar est décédée.
Cela aurait pu être évité si on avait pratiqué à temps un avortement. C’est en effet un choc septique dû à une fausse couche qui lui a coûté la vie.
Savita Halappanavar, symbole de la lutte pour le droit à l’avortement
Il faut, pour comprendre, savoir qu’à l’époque l’avortement était fondamentalement interdit en Irlande.
Dès lors, la jeune femme est devenue un symbole pour les militantes pro-choix irlandaises et dans le monde entier.
Son histoire, largement partagée, a en effet permis de sensibiliser une grande partie du peuple irlandais avant le référendum ayant eu lieu en mai dernier sur la question de l’avortement.
Ce 26 mai 2018, ce même peuple a voté pour abroger le 8ème amendement de la constitution irlandaise, qui instituait le droit égal à la vie de la mère et du fœtus à naître.
Emma Watson rend hommage à Savita Halappanavar dans une lettre
C’est cette femme, victime d’une législation injuste, qu’Emma Watson a décidé d’honorer dans une lettre publiée dans le dernier numéro du
Porter Magazine.
« Chère Dr Savita Halappanavar,
Vous ne vouliez pas devenir le visage d’un mouvement, vous souhaitiez une procédure qui vous aurait sauvé la vie.
Lorsque votre mort a été annoncée en 2012, l’appel urgent à agir de la part des activistes irlandaises s’est répandu dans le monde entier – abrogez le 8ème amendement de la Constitution irlandaise.
Encore et encore, quand nos communautés locales ou mondiales vivent un deuil tragique causé par des injustices sociales, nous rendons hommage, nous nous mobilisons, et nous proclamons : « repose en puissance ».
Comme une promesse à celle qui est partie et un cri de ralliement pour la société, nous chantons : « plus jamais ».
Mais il est rare que la justice prévale vraiment pour celles et ceux dont les morts deviennent des symboles d’inégalités structurelles.
Plus rare encore est une victoire féministe historique, qui renforce le combat pour les droits reproductifs dans le monde entier.
Votre famille et vos amis furent dignes, galvanisants, dans le partage de votre mémoire. Ils nous ont raconté que vous étiez passionnée et vive, une leader née.
J’ai entendu dire qu’en 2010 à Divali vous aviez remporté le prix de « danseuse de la soirée », et par la suite que vous avez organisé des chorégraphies avec les enfants de votre communauté.
J’ai regardé la vidéo de vous, dansant à Galway lors de la Saint Patrick, et j’ai été émue aux larmes par votre large sourire et votre enthousiasme palpable.
En partageant son deuil et son espoir avec le monde, votre famille a publiquement apporté son soutien à la campagne Together for Yes.
En célébrant l’abrogation de cet amendement, votre père a exprimé sa « gratitude envers le peuple irlandais ». En retour, j’ai entendu les partisans de l’abrogation dire quelle grande dette ils ont envers votre famille.
Une note sur le mémorial qui vous est dédié à Dublin indique « Parce que tu t’es endormie, beaucoup d’entre nous se sont réveillés ».
Que le 8ème amendement ait permis de faire prévaloir la vie d’un fœtus à naître sur celle d’une femme vivante fut un véritable signal d’alarme pour cette nation.
Pour vous – et pour toutes celles condamnées à voyager jusqu’au Royaume-Uni pour avorter dans des conditions légales et sûres – la justice fut durement gagnée.
De l’Argentine à la Pologne, des lois anti-avortement restrictives punissent et mettent en danger les filles, les femmes, les personnes enceintes.
En Irlande du Nord, la loi sur l’avortement date encore aujourd’hui d’avant l’invention de l’ampoule.
En votre mémoire, et vers notre libération, nous continuons le combat pour les droits reproductifs.
Avec tout mon amour et ma solidarité,
Emma Watson. »
Un hommage qui résonne au-delà des frontières irlandaises
J’ai été émue aux larmes alors que je traduisais cette lettre.
Car si ce discours est valable pour Savita Halappanavar, il l’est aussi pour toutes les personnes décédées des suites d’avortement clandestins dans le monde – elles sont 50 000 chaque année.
Il l’est aussi pour toutes celles s’étant ruiné la santé, toutes celles risquant leur liberté en enfreignant la loi, qu’elles avortent ou aident d’autres femmes à avorter.
Partout, des femmes combattent pour pouvoir disposer de leur corps, et je remercie Emma Watson de leur prêter sa voix, car la leur est trop souvent inaudible.
Et si toutefois vous souhaitez leur prêter oreille, de nombreux témoignages existent, y compris sur madmoiZelle puisque je suis allée à la rencontre de ces femmes dans cinq pays ces derniers mois.
Tous les repartages réalisés sur madmoiZelle au sujet de l’IVG dans le monde sont disponibles ici :
Au Sénégal :
- L’avortement et la contraception au Sénégal racontés par 4 jeunes filles
- « Je voulais avorter pour ne pas déshonorer mes parents » : l’IVG au Sénégal, un calvaire pouvant mener en prison
Au Liban :
- L’avortement, « c’est possible, mais tabou », me racontent des jeunes au Liban
- J’ai avorté au Liban, où c’est illégal
En Irlande et en Irlande du Nord :
- Une journée avec des militantes pour le droit à l’IVG en Irlande, avant le référendum crucial
- Se battre pour le droit à l’IVG en Irlande, c’est aussi courir 5km pour lever des fonds
- Le débat sur l’IVG vu par des ados irlandaises, lassées du conservatisme ambiant
- Jeune mère célibataire en Irlande, je soutiens le droit à l’avortement
- L’interdiction de l’avortement en Irlande met la vie des femmes en danger
- Paroles de celles qui avortent sous le 8ème amendement en Irlande, où l’IVG est interdite
- « C’est incroyable, c’est historique » : le peuple irlandais a massivement voté en faveur du droit à l’avortement
- Et l’avortement en Irlande du Nord, c’est pour quand ?
En Argentine :
- En Argentine, les parlementaires ont voté en faveur de l’avortement
- Avec les militantes féministes argentines qui ont manifesté pour le droit à l’avortement
- Avec celles qui garantissent l’accès à l’IVG en Argentine coûte que coûte
- J’ai avorté illégalement en Argentine et ça s’est bien passé… car je suis privilégiée
- Belén, emprisonnée pour fausse couche, devenue symbole de la lutte pour le droit à l’IVG
Au Chili :
D’autres ressources sur les États-Unis :
- État des lieux du droit à l’IVG sous Trump
- La victoire de Trump devient de plus en plus inquiétante pour les pro-choix
- Quand les victimes de viol et la défense du droit à l’IVG s’unissent sous la même bannière
Ainsi qu’en France :
- État des lieux du droit à l’IVG, pour les 42 ans de la loi Veil
- Les nouvelles stratégies des anti-IVG : faux numéros, pubs sur Facebook
- Afterbaiz, le site anti-IVG qui cherche à vous baiser
- Une semaine dans le viseur des anti-IVG, comme un sale goût de réac dans mes Internets
- Le réprésentant des gynécologues est anti-IVG. En France. En 2018.
- Faut-il supprimer la clause de conscience pour garantir le droit à l’IVG ?
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