Elle n’a pas quatre-vingt cinq ans et pourtant elle a trois chats. Avec sa maxi-frange et un sourire qui respire la joie de vivre, Emily Strange, en période de rébellion, c’était un peu la classe.
Emily est une petite fille qui a treize ans depuis 1991. Son créateur est l’illustrateur Rob Reger. Au départ, le visuel est utilisé pour décorer des t-shirts, mais Emily plaît beaucoup ; son histoire sera alors adaptée en comics puis deviendra une marque à part entière plutôt à la mode dans les cours des collèges. Emily Strange était hype, mais pas seulement. À cette époque, tu aurais bien aimé qu’elle devienne ta meilleure copine. Pourquoi donc ?
« Je m’emmerde, demain il pleut »
Ok. Si tu étais plutôt du côté saumon de la force (pas le poisson, la couleur), Emily, tu devais la laisser à ceux du fond de la cour (le genre d’individus qui pensaient que faire semblant de se tailler les veines en écoutant du Gojira était le comble de la classitude). Faux : peut-être que tu l’aimais quand même bien, en cachette, et puis ce genre de personnes ne vénéraient pas forcément Satan, on s’calme.
Ton toi de l’époque en avait marre du prof de SVT, de ta mère et du crétin de chauffeur de bus qui était pas foutu de se pointer à l’heure. Mais il ne pouvait pas se mettre dans un coin en ruminant comme un yak, regardant passer tout le monde avec des yeux de Basilic. À cette époque, même si tu aurais préféré qu’on te greffe un casque Skullcandy sur chaque pavillon auriculaire, il fallait interagir un minimum – et ce surtout avec ta mère et cet imbécile de prof de Sciences de la vie de la Terre (vouée à exploser fin 2012 de toute manière).
Avoir une pote comme Emily, ça aurait été assumer cette partie de « va te faire voir toi, je ne te parle pas ». Parcequ’elle, elle s’en fichait pas mal que sa mère lui dise de sourire un peu. Elle n’avait pas besoin d’un prof pour lui expliquer la vie. Elle faisait ce qu’elle voulait, quand elle voulait, et personne ne venait lui chercher des noises.
« You can never wear too much black »
Emily Strange c’était un peu le stéréotype de la jeune fille mal dans son corps et dans son âme. Elle portait une robe informe – qui devait être thermoformée dans un tissu très rigide (et qui devait gratter aussi). Elle était toute maigrichonne, tirait une tête de trois pieds de long et traînait ses Mary-Jane aux pieds comme s’il s’agissait de vieilles Doc Martens. Mais bon, y avait un truc qui te plaisait bien chez elle.
Ça venait sûrement du fait que tu était bientôt prête a accueillir le phénomène Tokio Hotel
(tu ne le savais pas encore). Ou bien peut-être étais-tu en pleine période de fan-girling avec Amy Lee, la chanteuse d’Evanescence. Je pense que tou-te-s les adolescent-e-s ont leur part d’obscurité : la tienne était simplement en surface. Peut-être même que ça se ressentait dans ta couleur de cheveux (surtout si tu étais emo), la nuance de tes fringues (de l’ébène au cendré) ou la matière de ton slip (en acier ? en cotte de maille ?).
Swag.
Traîner avec Emily, c’était boycotter les vestiaires de sport et foutre le feu aux pyjama party. C’était porter le même collant noir pendant un an, ne pas s’enquiquiner à coiffer sa tignasse pour avoir l’air un minimum digne lors d’un repas de famille. Et puis avoir des poils de chats partout. La libertayyyyy.
Jouer au féminisme avant l’heure
Certes, il n’y a pas d’âge pour commencer à aborder le féminisme. Dans tous les cas, Emily Strange posait déjà la question de la place de la petite fille dans la société. Bon, elle ne brandissait pas un gros bras musclé en hurlant « Men Go Fuck Yourself », mais le monde dans lequel elle évoluait était bien loin de certains clichés instaurés par d’autres égéries pour enfants.
Emily c’était la gamine un peu chelou et qui s’assumait à fond dans son rôle de « Ouais, je suis une nana et je m’en fiche de ce que tu pense ». C’est la pote qui t’aurait poussée à fond dans ce que tu étais – et si tu voulais sortir du lot, même si c’était en montant un numéro de lombrics apprivoisés rampants sur la tête, elle t’aurait encouragée et applaudie bien fort. C’était pas ce genre de Barbie qui restait cantonnée à faire la cuisine et prendre l’avion. Non, Emily faisait de la guitare tout en étant une tête en maths. Vous auriez pu mater votre premier film d’horreur et slammer dans un concert de punk rock : plutôt la classe pour des gamines de treize ans.
Vole, petit papillon.
Une héroïne trans-générationnelle
Emily c’est un peu l’amie que tu aurais aimé avoir au collège. Ensuite, tu te serais peut-être un peu lassée (surtout du côté de la vie sociale quoi). Pourtant, ta cousine la trouverait très cool. Ta petite soeur aussi, dans quelque années. Un jour, même ta fille – Ô rage Ô désespoir : des enfants ! – se ramènera avec un badge qu’elle te sommera d’accrocher à sa trousse. M’enfin, d’ici là, un proche plus ou moins éloigné de Justin Bieber aura le temps d’émerger : je compte sur toi pour montrer le droit chemin.
Et toi, quel est le personnage avec lequel tu aurais aimé traîner quand tu étais ado ?
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Ah que de souvenirs !!!