Parler d’argent, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant… Mais aussi féministe ! Dans Règlement de comptes, des personnes en tout genre épluchent leur budget, nous parlent de leur organisation financière en couple ou en solo, et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Émilie qui a accepté de décortiquer ses comptes pour nous.
- Prénom : Émilie*
- Âge : 23 ans
- Profession : Autrice-illustratrice
- Salaire net avant prélèvement à la source : 1 036 €
- Salaire net après prélèvement à la source : 1 036 € (non-imposable)
- Personnes (ou animaux) qui vivent avec vous : son conjoint et un chat
- Lieu de vie : Chambéry (Savoie)
La situation et les revenus d’Émilie
Titulaire d’un Bac+3 en métier de l’image, Émilie travaille depuis 2 ans à son compte dans le domaine de l’édition en tant qu’autrice-illustratrice de livres jeunesse. Avec son copain, qu’elle a rencontré durant ses études, elle est locataire depuis 3 ans d’un appartement de 68m2 proche du centre-ville de Chambéry, en Savoie. Elle avoue que, du fait de sa situation, trouver ce logement n’a pas été une mince affaire.
« On a tellement galéré à trouver un appart à l’époque, car mon copain et moi étions tous les deux indépendants, sans CDI à côté. Donc même s’il a augmenté avec l’inflation, on le garde précieusement. »
Le couple n’a pas d’enfants et n’a pas le projet d’en avoir « par convictions écologiques, financières, mais aussi parce que nous n’en voulons tout simplement pas ».
« D’ailleurs, ce choix m’a valu beaucoup de remarques avec mon métier, car je fais des livres pour enfants et je n’ai pas le fameux ‘instinct maternel’. »
Pour son métier d’autrice-illustratrice en freelance, Émilie estime ses revenus à environ 1 036 € par mois, soit près de 300 € de moins que le Smic, qui constitue le salaire minimum en France.
« Ce que je gagne par mois est en fonction des contrats. Quand je fais de la BD, je suis payée à la planche et, en illustration, à la signature du contrat ainsi qu’à la fin du bouclage du livre. Je peux donc toucher 2 500 € un mois et 100 € le suivant. 1 036 € correspond donc à mon chiffre d’affaires divisé par 12, moins les charges. »
Malgré ces revenus irréguliers, Émilie ne se considère pas pauvre.
« Je n’ai pas d’enfant, mon copain est désormais salarié dans une boîte et touche un bon salaire (1 500 € par mois), et il y a des ménages qui gagnent à peine de quoi payer leur loyer. »
Si elle avoue « aimer énormément son métier », la jeune femme juge cependant qu’« être indépendante avec un métier passion n’est pas toujours financièrement évident ».
« J’ai entendu certains clients me dire : ‘Je ne comprends pas pourquoi je dois vous payer, c’est un métier passion, vous prenez plaisir à le faire pour moi.’ »
Cette faible rémunération est d’autant plus injuste qu’Émilie a une charge de travail importante.
« Même si ces collaborations sont toujours chouettes, parfois les délais de production des livres sont très courts. L’année dernière, je me suis retrouvée pendant 8 mois à faire de 8 heures-3 heures du matin 7 jours sur 7 et des nuits blanches pour boucler des livres à temps. J’ai eu des problèmes de santé pendant cette période, comme si mon corps me criait que ça n’allait pas. J’ai fait un burn-out. J’ai eu du mal à assumer ces mots jusqu’à ce que je consulte car pour moi, c’était illogique d’en faire un 1 an après mon diplôme et aussi parce que j’étais tellement heureuse d’avoir autant de projets aussi vite.
En sommes je ne me considère pas forcément bien payée pour la quantité de travail effectuée. Surtout que ce n’est pas un salaire fixe. Alors quand je n’ai pas assez de projets pour payer mon prêt et mes factures, je fais des jobs alimentaires. »
Le rapport à l’argent d’Émilie et son organisation financière
Même si son salaire mensuel est inférieur au salaire minimum, Émilie n’a jamais été à découvert. Très organisée, elle utilise une appli de gestion de budget où elle note l’ensemble de ses dépenses pour voir ce qu’il lui reste à vivre une fois ses factures payées.
Mais cela ne l’empêche pas d’être « très angoissée par rapport à l’argent ». « J’ai toujours cette sensation qu’un coup dur va arriver, donc j’épargne le plus possible. »
Ce rapport prudent à l’argent, Émilie explique l’avoir hérité de ses parents et des difficultés qu’elle a rencontrées dans la vie.
« Mes parents sont toujours passés de boulot en boulot pour joindre les deux bouts. J’ai toujours été consciente que la vie est difficile. J’ai aussi perdu ma maman deux semaines avant mon bac. Je pense que ça nous oblige à être responsable plus vite. Je n’avais pas le droit à la bourse car mon école était privée. J’ai pris un job pendant un temps et un prêt étudiant avec un petit plus pour payer mon loyer quand mon père était sous l’eau. »
Les dépenses d’Émilie
Comme beaucoup de personnes, c’est le logement qui pèse le plus lourd sur le budget d’Émilie. Avec son conjoint, ils partagent équitablement le paiement du loyer de 778 € par mois, soit 389 € chacun. Cela comprend, non seulement la location de leur appartement à Chambéry, mais aussi la taxe d’ordures ménagères, le chauffage et les charges de copropriété.
Émilie et son copain divisent aussi par deux la facture d’eau, mais la jeune femme règle seule celle d’électricité. Ces deux postes lui coûtent 95 € par mois en tout. Ses autres frais fixes sont 4 € pour sa carte bancaire, 6 € pour son téléphone, 17 € d’assurance habitation, que le couple divise aussi en deux, et 15 € d’alimentation et de litière pour le chat.
« On fait toujours moitié-moitié sur les courses et le loyer, l’assurance habitation et l’eau. Je paye l’électricité et lui la box internet et les dépenses pour la voiture (abonnement parking, assurance et essence) car il gagne un peu plus que moi. »
Enfin, la jeune femme doit aussi rembourser chaque mois 114 € de prêt étudiant.
« Je m’habille sur Vinted et sur des applis de troc »
Le budget consacré à l’alimentation du couple est raisonné : environ 140 € par mois en tout. Le plus gros de cette dépense est fait dans une grande enseigne une fois par mois pour « 120 euros maximum ».
« Les 20 € restants passent dans les paniers anti-gaspi que je prends toutes les semaines. Nous n’aimons pas déjeuner et nous n’achetons pas de viande, donc ça fait un budget courses raisonnable je crois. »
Émilie, qui n’a par ailleurs pas de frais de transport, dépense aussi peu dans ce que l’on pourrait appeler les « frais féminins ». « J’ai une cup et un implant, donc ça ne me coûte presque rien sur ce point. »
Quant aux vêtements, elle les achète en seconde main sur Vinted pour des raisons écologiques et financières.
« J’arrive même à faire du troc via d’autres applications. Donc je dirais qu’en moyenne, m’habiller me revient à 5-10 € par mois maximum. »
Les loisirs d’Émilie
Pour s’aérer et se divertir, Émilie et son copain sortent environ une fois par semaine avec leurs amis. Cela revient à environ 40 € par mois à la jeune femme.
« C’est important pour moi qui travaille de la maison, de pouvoir garder un peu de sociabilité. Nous prenons généralement un ou deux verres, et presque à chaque fois à manger en ville en restauration rapide. J’aimerais réduire ce dernier poste car c’est simplement pour le plaisir et c’est un budget à force chaque mois. »
Émilie fait également de la musculation, mais « à la maison, ce qui ne coûte rien ». Et comme son job semble l’indiquer, elle adore acheter et lire des livres. Cela lui revient à environ 30 € par mois.
« J’aimerais réduire, mais en même temps ce budget est nécessaire. C’est important de savoir ce qui sort et aussi de soutenir les collègues du livre ! »
L’épargne et les projets d’avenir d’Émilie
Malgré ses revenus souvent aléatoires, du fait de sa bonne gestion financière, Émilie parvient en moyenne à épargner 250 € par mois.
« Dès que je me verse mon « salaire » de mon compte pro à perso en début de mois, je mets directement 250 € de côté. Je garde cet argent si je n’ai pas de projet, pour les imprévus, pour le chat. Là, on épargne un peu plus pour partir quelques jours en Italie. On n’est jamais partis en vacances ensemble, ce sera une première ! »
Outre ces quelques jours à l’étranger, Émilie prévoit de démarrer une formation en graphisme en alternance dès la rentrée.
« Le fait de prendre des jobs alimentaires à côté m’a permis de me rendre compte que je n’aimais pas travailler seule chez moi. J’ai toujours aimé l’associatif, le côté humain. Je suis également consciente que cette instabilité me pèse et ne me convient pas à l’instant T. »
Avec cette formation, j’espère entrer dans une entreprise en tant que créative salariée à plein temps afin d’avoir une stabilité, une sociabilité tout en continuant quelques projets de livres qui me plaisent à côté. »
Merci à Émilie d’avoir épluché son budget pour nous !
* Le prénom a été modifié.
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Les Commentaires
Pas étonnant que la plupart abandonnent à moins de pouvoir créer leur propre club/pension.