Aujourd’hui, une part importante de notre communication est écrite : SMS, WhatsApp, emails…
Les mots que l’on choisit, nos tournures de phrases ou notre ponctuation prennent une importance particulière : comment écrire ce que l’on veut dire ? Comment recevoir et interpréter ce que dit l’autre ?
La politesse dans les mails, à géométrie variable
Dans les mails, les habitudes et méthodes peuvent largement différer.
Certain·e·s choisissent un efficace (mais laconique) « ok » ou « merci » (alors que vous attendiez une pluie de gifs pailletés assortie d’une déclaration d’amour), d’autre narrent leur réaction en détail, ou encore optent pour des formalités…
Dans un contexte professionnel, les messages sont une question sensible, voire épineuse. La manière dont nous écrivons nos mails peut-elle stresser ou mettre à mal nos interlocuteurs et interlocutrices ?
Personnellement, je l’avoue, j’ai UNE tournure en horreur :
« Merci de [faire ceci] ».
Je vous le jure, quand je lis cette phrase, mon cerveau explose ! J’ai la sensation que mon interlocuteur vient me sommer de faire un truc, avec option condescendance, sans aucune politesse.
Une expérience scientifique sur les mails professionnels
Je me suis dit que le sujet vous intéressait peut-être, alors j’ai fouiné dans les publications scientifiques pour voir si quelqu’un s’était penché sur cette question des emails et de leur réception. La réponse est OUI !
Deux chercheuses, YoungAh Park et Venera C. Haun, ont étudié de près la question du stress au travail, de ce qui le crée ou le nourrit, et les manières de s’en remettre.
Les deux spécialistes ont observé les données de 167 couples, dont les deux membres travaillent, à plusieurs reprises, pendant toute une semaine : le vendredi avant de partir en week-end, le lundi matin suivant, à un autre moment de la semaine…
Les scientifiques ont notamment observé les « incivilités » reçues par email, c’est-à-dire des messages dans lequel le ton, le contenu ou le timing pouvaient générer du stress.
En parallèle, elles demandent aux participant·es d’évaluer leur niveau de stress et de répondre à quelques questions complémentaires.
Les mails malpolis, une source de stress
Le résultat est sans surprise : les personnes qui reçoivent plusieurs emails incivils déclarent plus de tensions à la fin de la journée, plus de symptômes physiques de stress (migraines, mal à dos…) et plus d’émotions négatives.
Jusque-là, le résultat semble évident ! Ce qui peut être plus étonnant (quoique), c’est que ces emails (et le stress qui en découle) semblent également impacter l’implication au travail…
Lorsque les gens reçoivent des emails impolis pendant la semaine, ils auraient tendance à « se retirer » du travail la semaine suivante, à prendre de la distance, à s’impliquer un peu moins.
Et c’est normal ! Il s’agit d’un mécanisme de protection et de conservation de nos ressources.
Donc ces résultats suggèrent non seulement les emails ont un impact sur la santé des salarié·es, mais ils peuvent également nuire au fonctionnement de l’entreprise…
Le stress des mails malpolis, c’est contagieux
Un dernier résultat de l’expérience est plus surprenant encore : les employé·es qui reçoivent ces foutus emails semblent transmettre leur stress à leur partenaire… qui, la semaine suivante, se désintéresse également de son propre travail !
Si l’on récapitule, les emails relous ou incivils ont un effet cumulatif : ils stressent les salarié·es ET leur famille, influencent le travail du salarié ET celui de son partenaire.
La question des emails est donc une question cruciale !
Comment écrire des mails respectueux ?
Si certaines incivilités sont commises consciemment (MAIS POURQUOI CRÉNOM DE NOM ?), d’autres ne sont pas intentionnelles.
Il suffit parfois d’une virgule, d’un point d’exclamation, de tournures de phrases maladroites pour que le mal soit fait, car à l’écrit, l’autre n’a pas d’indices non-verbaux pour comprendre votre message…
Disons par exemple qu’un soir, vous envoyez à votre supérieur·e une production qui vous a demandé beaucoup de temps et d’énergie, pour recevoir en réponse un simple « merci ».
Est-ce un « merci » laconique ? Est-ce un « merci » voulant dire « ok bien reçu mais je n’ai pas encore regardé » ? Est-ce un « merci » indiquant que votre boulot est apprécié ? Le flou est total.
Alors qu’en face-à-face, des indices auraient pu vous aider à comprendre le message : un sourire, une posture, une gestuelle…
Écrire gentiment, ça s’apprend !
Que peut-on faire pour s’assurer d’écrire des emails de manière civile et bienveillante, en prenant soin de nous et de notre destinataire ?
Le premier truc que je conseillerai au monde entier, ce serait, dans la mesure du possible et selon votre envie, d’adopter la Communication NonViolente.
Si les circonstances le permettent, vous pouvez également évoquer le sujet des emails avec vos supérieurs et collègues : peut-être que formaliser une démarche peut aider ?
Personnellement, j’essaie de garder en tête deux étapes !
Pour des emails polis, je dois prendre conscience de mon état actuel
L’idée peut sembler évidente, mais ne l’est pas tant que ça.
Lorsque je rédige un mail, un texto, un courrier, je ressens des émotions. Je suis peut-être énervée parce que j’ai mal dormi, agacée par ma charge de travail, ou à cause d’une dispute avec mon partenaire…
Avoir conscience de ces émotions peut m’aider à prendre un peu de distance et ne pas les transmettre dans mes écrits.
Je reprends l’exemple précédent : je suis fatiguée, j’ai beaucoup travaillé et je reçois ce vague « merci ».
Au premier abord, je suis agacée : je me demande si mon boulot a été vu, j’ai besoin d’avoir un retour… mais peut-être que de son côté, mon interlocuteur me dit vraiment « merci », avec toute la bienveillance du monde !
Pour des emails polis, je dois réfléchir à ce que je veux écrire
Qu’est-ce que tu veux vraiment dire ? Qu’est-ce qu’il est important que ton destinataire entende ? Est-ce que tu as besoin de formuler une demande ? Que veux-tu que le destinataire fasse ? Pour quelle raison ?
Je reprends mon petit exemple. Lorsque j’ai envoyé ma fameuse présentation, j’ai écrit :
« Machin,
Tu trouveras ci-jointe la présentation pour la réunion du 23 août.
Bien à toi »
Je n’ai pas formulé la moindre demande, je n’ai exprimé aucun besoin… Difficile, dans ce cas de figure d’attendre de l’autre une réaction précise !
Si je souhaitais un retour, j’aurais pu ajouter :
« J’ai besoin de m’assurer que ce boulot sera utile. Ton avis est important pour moi et ton retour m’aidera à ajuster le contenu produit. As-tu des disponibilités pour échanger ? »
N’hésites pas à être le plus spécifique possible ! Si tu as un délai, tu peux par exemple le mentionner (« la réunion a lieu le 23, penses-tu pouvoir me répondre au plus tard le 20 ? »).
Note que la formulation interrogative peut être particulièrement utile pour créer un environnement bienveillant.
Au lieu d’écrire « merci de faire ceci », un « penses-tu pouvoir faire ceci ? » ou simplement « peux-tu faire ceci, pour telle raison, dans tel objectif ? » permet de donner de la liberté à votre destinataire et de ne pas imposer une exigence. C’est précieux !
Et toi, comment fais-tu pour distiller un peu de bienveillance dans tes emails ? As-tu des astuces ? Pour aller plus loin, je te conseille cet article de Science Daily (en anglais) !
À lire aussi : Email professionnel : mode d’emploi
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Les Commentaires
J'apprécie beaucoup la politesse et je suis polie dans mes mails, toutefois j'apprécie énormément les mails concis et courts.
Dès que ça dépasse 3 lignes je lis en diagonale ou je considère que ce n'est pas très important et je le laisse pour plus tard.
D'ailleurs dans les entreprises l'usage du mail en interne tend à laisser la place à la messagerie instantanée. Ça n'empêche pas les bonjour (suivis du prénom ou de la salutation).