On le sait : Elon Musk adore déclencher des polémiques. Pour ça, il tient souvent des propos provocants, même dans des domaines qu’il ne maîtrise visiblement pas très bien. Nous ne sommes donc pas vraiment étonnées des déclarations qu’il a tenues lundi au Conseil annuel du Wall Street Journal.
Visionnaire pour certains, opportuniste calculateur pour d’autres, le patron de Tesla a déroulé un discours nataliste digne d’un après-guerre ! Selon lui :
« L’un des plus grands dangers de notre civilisation, c’est un taux de natalité bas, et son déclin rapide. »
Depuis la crise du Covid, la natalité est en berne en Amérique. Les personnes en âge de procréer craignent pour le futur, notamment économique… et on les comprend.
Père de sept enfants, Elon Musk a eu le dernier — qui pour rappel devait s’appeler X Æ A-12 — avec Grimes, dont il est maintenant séparé (la chanteuse canadienne vient d’ailleurs de sortir une chanson qui évoque cette rupture).
Mais pour quelles raisons Elon Musk enjoint-il les familles à imiter sa forte productivité dans le domaine de la procréation ?
Le natalisme problématique d’Elon Musk
Le boss de Tesla semble très préoccupé par le taux de natalité, notamment aux États-Unis. Lors de cette conférence, Elon Musk a déclaré :
« Et maintenant, tant de gens se disent, y compris des gens intelligents, qu’il y a trop de monde sur la planète et pensent que la courbe de natalité est hors de contrôle […] C’est complètement l’opposé. S’il vous plaît, regardez les chiffres, si les gens n’ont pas plus d’enfants, la civilisation court à sa perte, écoutez-moi bien. »
Historiquement, pendant les récessions, les taux de natalité chutent puis des politiques natalistes très incitatives sont mises en place. Cela a par exemple été le cas en France, sous le régime de Vichy, où les femmes n’étaient plus considérées que comme des mères.
Pour le média américain Jezebel, cette déclaration fait aussi penser à la « bataille des naissances » de l’Italie fasciste de Mussolini en 1927 et aux théories de suprémacistes blancs américains selon lesquels les femmes blanches doivent faire le plus d’enfants possible pour éviter le « grand remplacement » (concept fantaisiste raciste, malheureusement bien connu en France) et le déclin de la civilisation occidentale. Tiens donc…
La volonté d’ingérence d’Elon Musk au sein des familles est problématique à plus d’un titre.
Déjà lorsque l’on sait que les ressources naturelles, exploitées par l’humanité, s’amenuisent au fil des décennies. Pour certains et certaines écologistes, le fait de ne pas faire d’enfants ou d’en faire moins contribuerait à préserver nos ressources.
Par ailleurs, la situation économique, notamment liée à la crise du Covid, plonge beaucoup de personnes dans la précarité et dans une situation financière critique. Il peut donc être normal de réfléchir à deux fois avant d’ajouter un membre à sa famille.
De plus, le mouvement childfree, qui tend à normaliser le fait de ne pas avoir d’enfants par décision personnelle, est salvateur pour bien des gens, notamment des femmes, qui s’émancipent ainsi de la pression à procréer. Ce genre de déclarations constitue un pas en arrière et tend à stigmatiser encore un peu plus les personnes qui font ce choix, qui tient aussi du domaine de l’intime et qui ne devrait en aucun cas faire l’objet d’incitations de la part de la société.
On a encore trop souvent l’impression qu’il est difficile de séparer le destin féminin du destin maternel. Faire un enfant doit être une option, absolument pas une obligation !
Des injonctions toujours au détriment des femmes
Le plus choquant dans toute cela est la façon dont Elon Musk appréhende la parentalité. Pour lui, ce sont les femmes qui doivent s’occuper des bébés. Il avait déclaré pour un papier du Times lorsque son petit garçon n’était encore qu’un nourrisson et qu’il était toujours en couple avec Grimes :
« Bon, les bébés ne sont que des machines qui mangent et font caca, non ? Pour l’instant, je ne vois pas ce que je peux faire. Grimes a un bien grand rôle en ce moment. Lorsqu’il sera plus vieux, j’aurai plus ma place. »
Ce « visionnaire » semble être bloqué bien des années en arrière en ayant une vision très genrée de la parentalité. On retrouve ainsi dans son discours l’idée selon laquelle les hommes n’ont pas de rôle durant la petite enfance et ne devraient se préoccuper de leur progéniture que lorsque les interactions sont possibles…
Est-ce dans les gènes des femmes de s’occuper des bébés ? Possèdent-elles des compétences particulières pour changer les couches ? Absolument pas. Et c’est insupportable qu’une personne ayant tant d’admirateurs donne une image si dévastatrice du rôle des pères, à la fois pour les enfants, pour les couples et pour les pères eux-mêmes. Lorsqu’il ne s’agit pas de tech, on le savait, Elon Musk ferait mieux de se taire.
Une introspection s’impose
Cette vision archaïque mais encore malheureusement trop présente dans toutes les strates des sociétés occidentales est tout à fait cohérente avec la façon dont sont traitées les femmes et les mères dans les entreprises d’Elon Musk.
En 2019, trois femmes avait dénoncé avoir été licenciées de Tesla après avoir été enceintes et pris une sorte de congé parental (« childcare leave »). En 2021, une employée d’une usine de Californie avait porté plainte pour dénoncer une atmosphère sexiste, propice au harcèlement.
Elon Musk, pour ne rien n’arranger, s’oppose fermement au plan d’aides sociales Build Back Better de Joe Biden — il a expressément demandé au Sénat de le rejeter. Ce plan aiderait notamment les familles en réduisant la pauvreté des enfants : 109 milliards de dollars seraient dévolus à ce programme qui pourraient bénéficier à quelque 6 millions d’enfants, selon USA Today. Le mec n’est plus à une contradiction près…
On s’étonne ensuite qu’il n’y ait que peu de femmes dans la tech mais avec des exemples pareils, la route vers l’égalité est semée de grosses embûches.
Elon Musk est pour beaucoup une sorte de gourou, en partie car sa richesse fascine… Et peut-être prend-il ce rôle trop au sérieux, en se prenant pour le père de la Nation américaine et en tenant des propos bien abjects concernant des domaines où il n’a clairement aucune leçon à donner !
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Image en une : © Wikimédia Commons
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Les Commentaires
Celleux qui cautionnent pas, faudrait s'organiser. Mais comment ? J'ai pas les idées à moi toute seule. Et même avec les idées, c'est pas simple de peser dans le game.