Le Monde publie un article édifiant sur l’écart entre les citoyens et les élites françaises à propos du numérique. Des soutiens au bijoutier de Nice aux sites d’échanges de produits et de services (LeBonCoin, BlablaCa,…), dirigeants politiques et d’entreprises sont dépassés par les usages nouveaux des outils numériques.
Car la popularité croissante de ces outils modifie les pratiques. Des évolutions que les élites ont du mal à suivre, à comprendre. L’utilisation des réseaux, le networking, était l’apanage des élites, jusqu’à ce que les réseaux sociaux viennent donner au socle, à nous les citoyen-ne-s lambdas, les moyens d’organiser et d’échanger au sein de nos propres réseaux.
« Résultat, les élites voient flou. Soit elles n’ont pas les bonnes jumelles, soit elles ne les placent pas au bon endroit. Des Roms à la burqa, « le débat public est phagocyté par de faux problèmes », estime Dominique Lévy-Saragossi.
Comme si ces débats pseudo-nationaux permettaient aux élites de garder la main et d’éviter d’affronter les vrais sujets, notamment cette mutation sociétale. « L’agrégation de minorités fabrique une réalité fragmentée qui n’est plus lisible par la recherche de faits majoritaires. La notion de moyenne n’a plus de sens. Ce qui pose problème à une élite française cartésienne. »
À lire sur Le Monde.fr — Les élites débordées par le numérique
« Cet ordinateur n’a pas assez d’Internet ». Tu l’as dit, Mamie.
Le monde du travail à l’ère numérique : WTF ?
Laissez-moi vous conter deux anecdotes professionnelles tout à fait à propos.
En 2008, une prestigieuse administration publique m’accueille en stage étudiant. Je fus énormément surprise en découvrant que l’usage d’Internet était, à divers degrés, restreint voire carrément prohibé (cette administration n’était pas en charge de la sécurité nationale, et quand bien même elle le serait, bon…).
En France, en 2008, dans cette administration (qui n’était pas une mairie de campagne, non non non), on communiquait par téléphone, par fax, et par courrier. Les emails étaient utilisés pour la communication interne essentiellement, et comme j’étais stagiaire, on ne m’a pas créé de compte.
Après tout, nous n’étions qu’en 2008…
« Internet, c’est une mode, ça va passer »
En 2011, c’est au sein d’une (très) grande entreprise française que je fis mes premiers pas dans la vie professionnelle. Je me vis confier très tôt des responsabilités inhérentes à mon poste, mais pas celle d’utiliser Internet : l’accès à certains sites était strictement règlementé, et je ne disposais pas des autorisations nécessaires pour surfer sur le Web (et non, je ne parle pas de porno ni de jeux en lignes).
Il était entendu, dans la tête des dirigeants de cette entreprise, qu’Internet, les moyens de communication et les espaces collaboratifs qu’on appelle « le Web 2.0 » n’étaient que des modes de divertissements, pas des outils de travail.
L’absence présumée de limites et de contrôle sur l’immensité d’Internet semblait inspirer à ces gens, pourtant professionnels chevronnés et businessmen accomplis, une crainte démesurée. Les manifestations de leur scepticisme étaient fréquentes, et je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous la palme d’entre elles :
« De toute façon, Internet c’est comme tout, c’est une mode, ça va passer ».
« Quand un collègue m’a dit très sérieusement qu’Internet n’était qu’une mode »
À ce stade, j’ai fini par comprendre pourquoi la communication interne et externe de ce fleuron de l’industrie française en était encore à l’âge de pierre du numérique : c’était un choix assumé.
Après tout, j’ai rien contre le traitement de texte et les impressions papier, j’ai rien contre les emails envoyés en « répondre à tous » à répétition. C’est juste que question productivité, il y a peut-être des idées à prendre dans les espaces collaboratifs sur Internet…
Et toi, as-tu été confrontée au scepticisme de collègues, de supérieurs hiérarchiques dans ton environnement professionnel ? Te retrouves-tu dans la description des « digital natives » ou te trouves-tu plutôt dans le camp des sceptiques ?
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