Si vous avez la moindre question sur les élections, des idées de sujet à traiter parce que l’Allemagne vous intéresse, ou si avez juste besoin d’une guide quand vous venez à Berlin, vous pouvez m’écrire sur Twitter : @PhilippeCab ou sur Insta @philippe_cab. Tchüss !
Avertissement : l’authenticité de cet article est garantie par la présence de vrais mots allemands dedans. Traumatisé•es de l’allemand au lycée s’abstenir.
Munich. Alors que l’Oktoberfest – la fête de la bière traditionnelle – bat son plein en Bavière, il y a un événement dont on n’entend pas trop parler : la réélection attendue, anticipée, d’Angela Merkel, la chancelière allemande depuis douze ans (soit la moitié de ma vie, vous vous rendez compte ?????), qui a fait campagne sur le thème « Une Allemagne chiante à mourir où il fait bon vivre ».
Le « german way of life »
Pourquoi s’intéresser à l’élection allemande ?
En bref, le 24 septembre à 19h, les résultats sont les suivants : le parti d’Angie, la CDU/ CSU, est en tête avec 33% des voix, le parti socialiste SPD avec 21%, l’extrême-droite Alternative für Deutschland (AFD) réalise le plus haut score de son histoire (13%).
Une élection censée être boring se révèle pleine de surprises et de rebondissements : avec de tels résultats, Angela aura sans doute bien du mal à former son nouveau gouvernement – sûrement pas avant Noël !
Amie lectrice, ami lecteur, tu n’aimes peut-être pas la politique. Mais d’après mon opinion perso, tu ferais bien de t’y intéresser fissa, parce que si t’as vaguement entendu parler de Trump, du Brexit, du réchauffement climatique, de Charlottesville… Spoiler Alert : c’est de la politique.
Ce petit avertissement effectué, laisse-moi te guider dans les élections allemandes, t’expliquer pourquoi c’est différent de la France (sans blague)… Et pourquoi c’est quand même un peu pareil.
Comment les Allemands élisent-ils leur chef•fe du gouvernement ?
Déjà, il faut comprendre leur système électoral, et ça c’est pas gagné. Les Allemand•es étant un peuple très rigoureux et logiques sans faire de généralités, le fonctionnement des élections est un peu galère à piger.
Première chose, vu que c’est un régime parlementaire, les Allemand•es n’élisent pas leur chancelière au suffrage universel direct – donc, en clair : pas comme nous.
À la place, ils élisent leurs député•es, qui siègent au Bundestag (le Parlement allemand) et qui, ensuite, choisissent leur chancelier•e.
Et pour ça, il faut réunir la majorité des sièges. Ah mais ça c’est facile, une majorité c’est 50% ! Eh bien non. La majorité parlementaire, en Allemagne, est à 47,5%, pour des raisons historiques (en gros).
Nooooon reste avec moi petite libellule !
Angela Merkel va t-elle réussir à créer un barrage aux partis extrémistes ?
Voila pour le contexte. L’Allemagne a une autre spécificité dont on parle beaucoup en France : le barrage des 5% (pour les germanistes, fünf prozent Hürde).
Cette règle dit simplement qu’un petit parti qui remporte moins de 5% des voix ne peut pas avoir de siège au Parlement : zéro, nada, RIEN. À l’origine, cette règle vise à empêcher les partis extrémistes d’obtenir une légitimité (et de la thune au passage) en entrant officiellement au Parlement.
Cette année, c’est la merde (quand est-ce que 2017 se TERMINE silvouplé ?) parce que le parti d’extrême droite fait une entrée fracassante au Parlement avec plus de 10% des voix. C’est plus que Les Verts et que Les FDP (vous aussi ça vous fait marrer ce nom ?), deux partis centristes modérés – bon à part que les FDP sont ultra-libéraux mais ça que voulez-vous.
Alors, pourquoi cette élection a-t-elle bien pu être surnommée (à tort) par la presse allemande « l’élection la plus chiante de l’histoire » ?
Eh bien, on sait depuis quelques mois déjà que le parti conservateur de droite d’Angela Merkel, la CDU/CSU, sera réélu à plus de 30%.
Les sondages étaient très clairs là dessus, et beaucoup d’Allemand•es ont de l’affection pour leur Bundeskanzlerin, cette femme qui tient tête à Trump ou à Poutine. Elle leur paraît aussi très proche, surtout quand elle passe ses vacances dans le Tyrol avec son mari.
T’as une tache.
Angela Merkel : un bilan en demi-teinte ?
Dans l’ensemble, les Allemand•es peuvent être content•es : Angela Merkel passe pour avoir bien géré la crise des réfugiés en 2015, et le chômage est bas dans le pays – sous la barre des 4%, officiellement.
Mais la réalité n’est pas aussi simple, et le bilan d’Angie est plus nuancé (c’est un peu l’histoire de la vie me direz-vous).
Les lois qui ont permis de réduire le chômage, les Hartz IV (en hommage au patron de Volkswagen) (je vous jure c’est vré) ont été votées par la coalition socialiste-verte en 2004. Ce sont elles qui inspirent le gouvernement français actuel pour la « Loi Travail XXL ».
Mais ces lois sont aussi responsables de beaucoup de précarité en Allemagne, dont de nombreux•ses Allemand•es souffrent quotidiennement : les étudiant•es, les retraité•es, les chômeur/chômeuses… Les plus vulnérables, en fait.
Le Monde Diplomatique a très bien décrit en septembre les effets de cette politique. Des grands-parents sont obligés de se remettre à travailler parce que leur retraite ne leur permet pas de vivre, ou que les soins hospitaliers leur coûtent trop cher.
Des chômeurs se retrouvent aussi à devoir accepter des emplois qui n’ont rien, mais alors rien à voir avec leurs compétences : par exemple si vous êtes éducatrice, on peut vous obliger à accepter de devenir vendeuse dans un sex-shop. (Exemple tiré du Monde Diplomatique).
La précarité, terreau de l’extrême droite ?
C’est donc un système très injuste envers les plus vulnérables. Pour cette raison, les débats en Allemagne étaient centrés sur les questions sociales. D’habitude, ce sont des sujets prisés par la gauche.
Mais comme ces crétins génies du parti socialiste gouvernent aux côtés de la droite conservatrice depuis des années, c’est très compliqué pour eux de ne pas être considérés comme responsables de ce désastre par une partie de la population. Ce qui explique en partie la défaite de Martin Schulz, le candidat du SPD.
La petite classe moyenne allemande, celle qui a très peur du chômage et de la pauvreté, s’est massivement tournée vers l’extrême-droite. Le parti AFD a surfé pendant des mois sur la peur des étrangers, en expliquant aux Allemand•s que les réfugiés prenaient toutes les aides sociales qui ont disparu depuis 2004 (SPOILER : c’est un mensonge).
Certain•es cherchent une consolation dans un vote raciste et extrémiste. Je ne veux pas être alarmiste (en fait si), mais avec le Front National au deuxième tour des élections françaises, et l’entrée de l’AFD à 13% des voix au Parlement Allemand, nous vivons une période très sombre vraiment pas cool de notre histoire.
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