- Prénom : Eden
- Âge : 25 ans
- Lieu de vie : dans une ville moyenne d’une région plutôt rurale
- Pronoms : iel / ellui
- Orientations romantiques et sexuelles : panromantique et demi-sexuel·le
Depuis combien de temps êtes-vous célibataire ?
Je suis célibataire depuis un peu moins d’un an. Mon ex et moi avons rompu après 8 mois de relation parce que nous n’attendions pas les mêmes choses des années à venir : je suis polyamoureux·se et je souhaitais pouvoir avoir plusieurs relations, ce qu’il respectait mais ne souhaitait pas pour lui.
Quel est votre rapport au célibat ?
C’est l’une des périodes de célibat les plus longues que j’ai vécu, mais aussi la première fois que je le vis bien parce qu’il n’est pas subi. Je suis dépendant·e affectif·ve, ce qui m’a souvent amené·e à sortir avec des mecs qui ne m’accordaient qu’un bout d’attention minime pendant que je me faisais des films. Le célibat me faisait très peur parce que la solitude me faisait très peur (c’est encore compliqué), et je pense que ce sera le fait d’accepter complètement la possibilité d’être seul·e qui me permettra de construire des relations saines.
J’ai grandi avec l’idée qu’il fallait que je trouve un mec pour fonder une famille, avoir des enfants, un chien, une maison. J’ai pourtant su très tôt que j’aimais aussi les filles, mais je ne m’imaginais pas avec l’une d’entre elles. Il m’a fallu du temps pour me considérer panromantique.
Plus tard, à l’âge adulte, je me suis rendu compte que j’étais polyamoureux·se. Pour moi, ce n’est pas seulement un choix de vie ou un modèle relationnel, c’est une obligation : j’ai le sentiment d’avoir un cœur trop grand pour n’aimer qu’une personne et cela m’a fait beaucoup souffrir.
À chaque fois que j’en ai parlé à mes exs, leurs réactions étaient de l’ordre du dégout ou du « ce n’est pas pour moi ». Et comme j’aimais ces personnes, je faisais des concessions et restait dans des relations exclusives.
Il y a quelques années, j’ai vécu une rupture assez violente avec un homme qui représentait beaucoup pour moi. C’est avec lui que j’ai fait mon coming-in non-binaire, j’ai pu explorer le couple ouvert et la sexualité « alternative » avec lui, j’ai traversé beaucoup d’épreuves à ses côtés… Quand cette relation a pris fin, cette perte, ainsi que d’autres paramètres, m’ont fait tomber en dépression grave, et il m’a fallu du temps pour en sortir.
Depuis, j’ai fait mon coming-out non-binaire au monde, j’ai compris ma transidentité, j’ai changé mon prénom, je me suis fait diagnostiquer les troubles et maladies mentales qui me pesaient. Ma dernière rupture a apaisé mon rapport au célibat : ma santé mentale se porte mieux, et je sens que j’ai fait le choix de vivre avec moi-même et de prendre soin de moi.
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Votre célibat a-t-il une incidence sur votre vie amicale ?
Mon statut relationnel joue beaucoup sur ma vie amicale. Jusqu’à il y a peu, je ne réussissais pas à me faire d’amis en dehors de l’entourage des personnes avec qui j’étais en couple, et les ruptures m’éloignaient toujours des personnes que je considérais comme des proches.
Le fait d’être dans une longue période de célibat me permet d’apprendre à créer des amitiés en dehors de potentielles relations amoureuses, et donc d’avoir des potes qui restent (je croise les doigts !).
Et sur votre vie familiale ?
Pas du tout. Dans ma famille, la présentation de son ou sa partenaire est très codifiée et le célibat n’est pas mal vu, au contraire. Cela veut dire qu’on ne tombe pas dans les bras de n’importe qui !
Estimez-vous que le célibat affecte votre moral au quotidien ?
Ça dépend de si je vois des couples ouvertement affectueux qui me font « envie » (comprendre : queer), dans ces cas-là, ça peut me donner des petits coups de blues. J’habite à la campagne, donc ça n’arrive pas souvent.
Ces derniers temps, j’y pense souvent parce que j’ai envie d’être avec quelqu’un (ou plusieurs personnes) qui n’ait pas honte de sortir avec moi.
Pensez-vous qu’être célibataire vous permet des choses que vous ne pourriez pas faire en couple ?
Peut-être organiser mon temps comme je le souhaite sans culpabiliser de ne pas avoir plus de temps ou d’énergie pour quelqu’un d’autre. Je sais qu’en couple, j’ai l’impression de devoir des choses à l’autre et je fais beaucoup plus de compromis.
En même temps, dans une relation saine telle que je l’imagine aujourd’hui, ça ne devrait pas être un problème. J’ai changé, et je ne vois plus le couple comme deux personnes fusionnelles, qui auraient l’obligation d’être le plus souvent ensemble possible.
Le lieu géographique où vous vivez influence-t-il votre rapport aux relations amoureuses ?
J’habite dans une petite ville à la campagne. Je ne rencontre que peu de gens de mon âge, il y a peu d’évènements sociaux où je pourrais rencontrer des gens et il y a peu de personnes queers. Mes derniers crush étaient des gens qui habitaient à minimum 45 minutes de voiture, ce qui rend les rendez-vous informels un peu plus compliqués.
Quel est votre rapport aux rencontres amoureuses ?
Je n’utilise pas d’applications de rencontres, ne fais pas de speed-dating ou autres. Ces choses sont souvent basées sur le physique, ce qui n’est pas essentiel pour moi. Et puis, n’ayant pas encore commencé ma transition médicale, je sais que je ne renvoie pas l’image de qui je suis vraiment. J’ai une expression de genre encore trop féminine à mon sens, et j’ai peur de « tromper » la personne en face, d’être pris·e pour ce que je ne suis pas.
J’ai l’impression (très certainement fausse) que comme je ne me plais pas, je ne peux pas plaire ou du moins que je ne peux pas plaire de la bonne manière. Je me dis que si j’ai la chance d’avoir une ou plusieurs relations, une fois que je commencerai ma transition médicale, ils ou elles partiront, car je ne serai plus la personne avec qui ils ou elles ont commencé la relation.
Je participe à beaucoup de rassemblements, d’événements, d’associations pour rencontrer des gens amicalement, et pourquoi pas plus si affinité. Mais je ne « recherche » qu’en milieu queer, pour être avec des personnes qui comprendront peut-être mieux ces peurs de ne pas être perçu·e tel·le que je suis.
Le célibat amoureux influence-t-il votre vie sexuelle ?
Je suis demi-sexuel·le et fais donc partie de la communauté ace/aro (asexuelle/aromantique). Avoir des envies sexuelles n’est pas fréquent pour moi, mais si jamais j’en éprouve, j’ai un très bon sextoy qui fait l’affaire !
Je ne peux pas avoir de relations d’un soir. J’en ai eu par le passé lorsque j’allais très mal, mais ça n’est plus envisageable.
Ressentez-vous une forme d’injonction à être en couple ?
Même si j’ai bien déconstruit l’idée qu’il faut absolument être un couple, sinon tu rates ta vie, je ressens cette injonction dans la société. Quand je parle d’une personne que j’aime très fort, par exemple, je vois bien que certains proches sont déçus quand ils constatent que ce n’est pas quelqu’un avec qui je suis en couple. Comme si le couple était un objectif que je devais cocher.
Quels sont vos projets pour le futur ?
À court terme, je vais commencer ma transition médicale pour être enfin bien dans mon corps. À long terme, j’aimerais bien avoir un polycule (un réseau de partenaires) avec des relations saines, avoir un job qui me plaît et qui me permet d’avoir du temps pour mes associations.
Merci à Eden d’avoir répondu à nos questions !
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