Nos enfants sont-ils drogués aux écrans et à internet ou vivent-ils simplement avec leur temps ? Le monde d’aujourd’hui est numérique, qu’on le veuille ou non et les voix sont de plus en plus nombreuses à s’élever pour nuancer les prophéties apocalyptiques prédisant la fonte du cerveau de nos progénitures face à ces technologies diaboliques.
Et si, comme tous les outils dont nous disposons, la question n’était pas leur existence, mais la façon de nous en servir ?
Cyberharcèlement et violence en ligne
Le web est souvent perçu comme un espace dangereux pour les mineurs, chiffres à l’appui : le harcèlement, les arnaques, la pornographie, sont autant de pratiques qui ont su tirer parti des outils numériques pour cibler les plus jeunes, mais qui n’ont pas pour autant attendu internet pour exister et faire des dégâts. Accuser la toile et les écrans d’être responsables de tous les maux nous empêche d’agir de manière objective, notamment en adaptant nos moyens de défense à ce nouvel environnement.
L’association E-enfance et le studio Millimages à l’origine d’une campagne sur le cyberharcèlement diffusée actuellement expliquent les enjeux d’une prévention adaptée à un public pour qui ces outils sont incontournables :
Les nouvelles générations ne vivent pas dans le même environnement que les générations précédentes, il faut donc adapter son message et ses moyens. Il est important de mettre en avant les diversités de ce monde et montrer que personne n’est seul.e, il faut accompagner et éduquer plutôt qu’imposer. (…) Les réseaux sociaux rassemblent et connectent, mais ils sont aussi parfois un catalyseur des dynamiques sociétales existantes. La violence n’y est pas créée, le harcèlement, malheureusement, existe partout ailleurs, mais elle y est souvent amplifiée.
Mathilde Bayle, Responsable de la Communication chez Millimages.
Le numérique ne peut pas être envisagé en termes de bien ou de mal, c’est une ressource globale, dont l’utilisation peut avoir des conséquences positives ou négatives. Pour Benjamin Marteau, directeur de Pix, le service public en ligne pour évaluer, développer et certifier ses compétences numériques, il s’agit avant-tout d’exploiter efficacement ces nouvelles ressources :
Le numérique est toujours plus présent dans la société, dans l’économie et dans l’exercice de la citoyenneté. [En soit] ce n’est ni bien ni mal, c’est un outil. Il peut rapprocher les gens, mais il peut aussi les éloigner. Il faut permettre aux gens de développer leurs compétences tout au long de leur vie, puisque le numérique évolue, pour essayer d’en amener la bonne partie qui est celle qui permet et pas celle qui empêche.
Benjamin Marteau, directeur de Pix
Quoi qu’il arrive, les enfants feront partie de ce monde digital, comme le reste de la population. Au lieu de le diaboliser et de refuser d’en faire l’apprentissage, les parents doivent le concevoir comme un outil incontournable, avec ses risques et ses avantages.
Éducation numérique : quelles sont les ressources ?
Le ministère de l’Éducation nationale a récemment annoncé vouloir développer l’éducation numérique de tous les élèves du secondaire. Parmi les mesures qui devraient voir le jour d’ici 2024 à 2027, on compte des cours d’éducation numérique, la participation à des projets et à des ateliers 2.0 et une sensibilisation aux risques et aux bonnes pratiques en ligne. Les métiers du digital seront également valorisés auprès des lycéens, et notamment des filles, qui sont encore trop peu nombreuses à s’y diriger.
Pour évaluer le niveau des élèves, et adapter leurs apprentissages, les pouvoirs publics ont créé Pix en 2016. La plateforme du service public permet de développer ses compétences numériques tout au long de sa vie :
Nous permettons à chacun de mesurer ses compétences numériques, à partir du niveau de compétence mesuré, nous pouvons trouver des moyens pour les améliorer avec l’aide des enseignants. Nous donnons aussi des certifications obligatoires en classe de troisième et de terminale. Cette certification PIX se présente sous la forme d’un score qui permet de valoriser le niveau de compétences de chacun (…) Les compétences sont probablement un des éléments déterminants qui permettent d’exploiter le numérique de façon positive et optimale.
Benjamin Marteau, directeur de Pix
En parallèle des mesures ministérielles, les législateurs posent les cadres légaux pour que ce monde en ligne soit réglementé à l’instar du monde physique. Projets de lois pour réglementer la publication de contenus mettant en scène des enfants, peines renforcées pour le cyberharcèlement, ou encore blocage des sites pornographiques effectifs aux mineurs, sont autant de mesures, à première vue, très différentes. Elles permettent pourtant de sécuriser peu à peu l’outil internet dans son ensemble et d’alerter les familles sur les dérives possibles de notre utilisation quotidienne.
Sensibiliser les familles
À l’occasion de la journée mondiale du Safer Internet Day mardi 7 février 2023, l’association E-Enfance et le studio Millimages ont lancé la campagne #MolangSafeSpace. Ce film d’animation, diffusé jusqu’au 10 février dans les gares françaises, incite les plus jeunes à réagir au cyberharcèlement et promeut le 30 18, numéro de téléphone national d’aide aux victimes et témoins de violences numériques.
L’association propose aussi des formations aux parents pour leur apprendre à utiliser le web, mieux connaître les pratiques de leurs enfants et leur apprendre les bons gestes. Selon le Baromètre croisé parent/médecins, publié par la Fondation de l’enfance pour mesurer la perception de l’impact du numérique sur la santé des jeunes enfants : 82 % des parents déclarent cadrer ou même interdire l’accès aux outils numériques et au moins 80 % d’entre eux contrôlent les contenus visionnés et imposent des durées réglementaires et des temps dédiés. En revanche, et toujours selon le baromètre, 56 % des parents n’envisagent pas de se passer d’écrans pendant le repas et 52 % d’entre eux consultent leur téléphone en présence de leurs enfants.
Par ailleurs, 53 % des parents ont déjà publié des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux, alors que seuls 44 % d’entre eux ont déjà demandé le consentement de leurs petites vedettes. Autant de conduites que nos enfants imitent et qui pourraient être repensées.
Apprivoiser ce nouvel univers et le rendre accessible et sécurisé aux plus jeunes est une mission collective qui implique les pouvoirs publics, les associations, les grands acteurs du web et avant tout les familles. Il est de la responsabilité des adultes de montrer l’exemple aux plus jeunes en apprenant les règles et les codes de cet univers virtuel, en le parcourant avec prudence, pragmatisme et plaisir.
Les Commentaires
Chez moi, on avait essayé de ne pas être sur les téléphones avec l'enfant à côté... tu parles, on a dû tenir 48H... (même si j'essaie de mon côté de le faire très peu).
Pour la différence avec l'écran pendant le repas, je pense que ça parle aussi de télévision, donc c'est beaucoup effectivement et très délétère pour les adultes et les enfants d'avoir la télé quand on mange.
Maintenant je ne compte plus les petits bouts, parfois de moins de 2 ans avec le téléphone dans la poussette...