Précédemment dans #62jours : Le jour où j’ai appris à tracer ma propre voie
Depuis le début de cet exercice d’introspection quotidien, j’ai toujours le même problème : le fait d’être centrée sur moi me provoque toujours un petit malaise. Déjà, j’ai pas l’habitude de prendre un moment dans ma journée pour me demander « comment ça va ».
Ensuite, j’ai toujours, en toile de fond, le sentiment d’un égoïsme inconfortable lorsque je fais ça. Comme si m’écouter moi-même était déductible du temps d’attention que j’accorde aux autres.
En 43 jours, j’ai finalement réussi à comprendre et à dépasser ce blocage : non seulement j’ai le droit de m’accorder de l’attention, mais en plus, comment pourrais-je être d’une quelconque aide autour de moi si je ne commence pas par prendre soin de moi ?
C’était logique, quand j’y pense, mais il m’a quand même fallu vaincre ma peur, mon aversion de l’erreur et de l’échec, rompre avec ma dépression, me réconcilier avec mes émotions, me débarrasser de la colère et apprendre à respirer.
Alors c’était peut-être logique, mais c’était loin d’être évident.
Je m’écoute, donc je suis BIEN
Aujourd’hui, j’ai la sensation d’être beaucoup plus à l’aise, et surtout beaucoup plus solide dans ma vie qu’avant de débuter cet exercice.
Je m’entends, je m’écoute quand je repère des signaux d’alerte, de fatigue, de stress. Je remarque aussi mes émotions positives, et je les apprécie.
C’est comme si j’avais réussi à établir (rétablir?) un dialogue avec moi-même. Et quand je mesure à quel point cette ligne de communication a été bénéfique pour mon bien-être, je n’ai qu’une question sur les lèvres : comment je fais pour répéter ça avec tous les gens qui m’entourent ?
Est-ce que c’est possible de dupliquer ce modèle d’écoute avec les autres ?
Est-ce que je sais communiquer ?
Qu’est-ce que j’ai réussi avec moi-même, que je n’arrive pas encore à faire avec les autres ?
La première réponse qui me vient à l’esprit, c’est : prendre en compte les émotions. Je n’écoute pas ce que j’ai à me dire, j’écoute ce que mes émotions ont à dire.
— Ça va ? — Ça va, ça va.
Qu’est-ce que ce ton pressé, un peu timide, dit de plus que les mots ? C’est ce que j’ai appris à écouter chez moi, et que je peux aussi apprendre à lire chez les autres.
Globalement, nous sommes d’assez mauvais menteurs. La voix et les yeux nous trahissent assez souvent. C’est juste que je choisis d’écouter les mots au lieu de lire tout le reste. La posture, le ton, les gestes, ou leur absence.
Communiquer : tout écouter, sans absorber
La clé de ma communication, découverte pendant cet été, c’était surtout le fait de réussir à écouter mes émotions sans les subir.
Ma pratique régulière de la méditation m’a amené ce super-pouvoir : celui de ralentir le temps, et me permettre d’observer mes réactions à une phrase ou à un événement, sans me prendre la réponse émotionnelle en pleine poire.
Par exemple, une phrase blessante avait le don de me faire passer par plusieurs étapes de colère et de peine. Aujourd’hui, j’arrive à faire « pause » et réfléchir à pourquoi cette phrase me touche, au lieu d’être touchée, et d’avoir à gérer les conséquences.
En bref : j’ai arrêté de tout prendre personnellement. Ça a été une véritable révélation, car j’étais persuadée d’être déjà très détachée de tout ça. En réalité, je prenais tout dans les tripes, et je refoulais. Ça finissait par m’exploser à la gueule, plus tard.
Maintenant, je m’écoute, je gère, et je lâche prise.
Ça aussi, je suis capable de le faire avec les autres. J’ai déjà commencé, très instinctivement : je ne suis plus touchée lorsque leurs mots me touchaient pourtant il y a quelques semaines encore.
Ce qu’il me manque, c’est la dernière étape de cette communication : écouter et comprendre quelles émotions provoquent chez eux, cette réponse.
Est-ce que c’est la colère, la peur, le stress, la tristesse qui leur fait dire ça, agir comme ça ? Je ne vais pas forcément pouvoir régler leur problème (et ce n’est pas à moi de le régler !), mais je peux le comprendre, et ajuster ma réponse en fonction.
« Non mais calme-toi hein, m’agresse pas comme ça ! » a rarement été une réponse efficace, sur une personne en train de s’étouffer avec sa colère.
En revanche, demander par exemple : « qu’est-ce qui t’a touché•e pour te mettre en colère comme ça ? » est une meilleure ouverture de dialogue.
Communiquer, ça veut dire quoi ?
Avant, je voyais le monde comme un réseau interconnecté, duquel j’étais exclue. J’ai pas les bons accès, j’ai pas les codes, ce que je dis ou ce que je récolte se retrouve toujours à côté de la plaque.
Maintenant, j’ai changé de perspective. Je nous vois tous et toutes comme un microcosme : chacun•e d’entre nous vit dans son propre univers, avec son propre langage et sa propre complexité. Ses propres perspectives.
Communiquer, c’est établir un lien entre ton univers et le mien. C’est pas ce que tu dis qui m’intéresse, c’est d’où ça vient : pourquoi tu dis ça ? Qu’est-ce que t’essaies de transmettre et d’obtenir ?
Communiquer c’est un échange, et j’ai jamais vraiment été capable de le comprendre. Un peu comme avec tout ce qu’on considère comme étant naturel : j’avais tendance à penser que ça se fait tout seul, pas besoin d’apprendre, et surtout, pas besoin de bosser.
Sauf que communiquer demande beaucoup de travail. Pour apprendre.
Communiquer, c’est un travail que j’amorce à peine
À l’aune de ces réflexions, je suis fascinée par le nombre de qui pro quo, de malentendus et d’incompréhensions qui surviennent entre nous. Je vois, sur tous mes réseaux sociaux, sur des forums, des gens qui partagent les mêmes idées s’écharper sur la manière de les exprimer.
J’en vois d’autres aux convictions radicalement opposées s’emprunter les mêmes mots, et s’agacer des amalgames dans lesquels on les enferme, de ce fait.
Et je vois désormais ces centaines de petits univers, que j’apprends à connaître depuis que je les regarde dans leur entièreté, et non plus à travers le filtre extrêmement restreint des mots qu’ils emploient.
Je me dis que c’est surtout ça, que les réseaux sociaux nous ont apporté : ils nous ont déraciné•es. Avant, on ne pouvait parler qu’aux gens qu’on rencontrait, qu’à ceux qu’on allait chercher dans leur univers (je pense aux correspondant•es épistolaires, par exemple). De fait, on recevait leurs mots depuis leur univers.
Mais sur Facebook, Twitter et autres, je n’ai aucun contexte sur les gens qui me laissent un commentaire, ceux dont je lis les échanges sur des plateformes publiques. Alors je m’attache à leurs mots, mais ils ne traduisent pas forcément leur pensée.
Ça ne me fera pas quitter les réseaux sociaux, car je trouve toujours ça formidable de pouvoir toucher, atteindre autant de monde… juste avec quelques mots lancés sur Internet.
C’est juste un immense soulagement d’avoir compris que ce n’est pas moi qui suis en dehors de ce monde: c’est nous tou•tes qui sommes des micro-univers, en orbite sur la Toile.
Et les mots qu’on se lance sont des perches tendues pour s’ancrer les uns aux autres.
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