Depuis la France, la vision du système éducatif japonais est assez proche de celle de l’enseignement de la gymnastique en Chine : beaucoup d’heures de travail, une pression folle et des personnalités brisées. Un cliché avec un goût de véracité… mais qui ne concerne pas la majorité des élèves.
L’école à la japonaise
La structure de l’éducation au Japon ressemble à celle mise en place en France : une école maternelle jusqu’à 6 ans, puis le primaire (6 ans, soit une classe de plus que nous) et le collège (3 ans). L’instruction obligatoire s’arrête là, mais dans les faits, 95% des collégiens enchaînent sur le lycée. Finir le lycée, c’est une base commune, qui ne permet pas de travailler. La suite logique, c’est l’université. Des lycées et écoles techniques existent, mais sont peu valorisés (ça vous rappelle quelque chose ?).
Jusqu’au primaire, l’école japonaise est le lieu d’apprentissage de la vie en groupe. En maternelle, priorité au développement et à la stimulation de l’enfant : coloriages, origami, chant, danse rythmique et compagnie. À l’entrée du primaire, les enfants savent lire les deux alphabets syllabaires, et attaquent l’apprentissage des savoirs : maths, sciences etc. On cultive aussi la notion d’intérêt collectif : à la cantine, le service est effectué à tour de rôle par les élèves. Ce sont également eux qui se coltinent le ménage des locaux (sanitaires compris), calendrier à l’appui. À côté, effacer le tableau du maître, même quand on est trop petit-e, c’est que dalle.
Le redoublement n’existe pas, ce qui laisse penser que la compétition n’est pas une valeur-phare de l’enseignement primaire. Des sociologues relèvent notamment le grand encadrement des enfants et l’attention portée à chacun d’entre eux, l’envie que chacun réussisse. Avant 12 ans, les cours de rattrapage (ou plutôt d’avance) seraient, d’après François Sabouret, sociologue reconnu, plutôt l’exception que la norme.
L’entrée au collège se fait assez naturellement, mais ensuite, lycée et université sont sur concours d’entrée… C’est là que le bât blesse.
Un parcours stratégique et de longue haleine
Commençons par l’université, qui est l’objectif suprême. Nombreuses au Japon, les universités sont loin de toutes bénéficier de la même aura. Quelques dizaines seulement garantissent l’accès à un emploi de premier plan… d’où la course à la meilleure fac.
La prestigieuse université Tokyo Daigaku (Todai) est au coeur du manga Love Hina
Le problème du concours d’entrée aux grandes universités, c’est que le programme académique, même entièrement digéré, ne permet pas de le réussir : il faut travailler au-delà. Parfois dans une prépa, ou dans un lycée particulièrement prestigieux, lui-même soumis à un concours d’entrée trop exigeant, etc. En gros, pour qu’une famille ait la chance d’envoyer son rejeton (ou sa rejetonne) dans une fac « qui compte », il lui faut avoir une vision stratégique. C’est-à-dire être au bon endroit (souvent vers les grandes villes) pour entrer dans la bonne maternelle, la bonne primaire ; ne pas faillir (booster le niveau du gamin ou de la gamine par des cours du soir à tout-va) et économiser pour payer écoles privées et université (plusieurs milliers d’euros d’inscription par année).
Des sacrifices familiaux qui génèrent une pression un peu lourde sur le dos des enfants et ados. Résultat, une étude montrait en 2007 qu’un collégien sur quatre souffrait de dépression.
Alors, pourquoi ne pas se contenter d’être brillant dans une fac de seconde zone ? Eh bien, parce que les exploits scolaires à la fac ne sont pas pris en compte. Au Japon, on prouve ce qu’on vaut en réussissant un concours d’entrée. Une fois qu’on y a mis les pieds, sortir diplômé est presque un dû. Absentéisme massif, laxisme des professeurs, compréhension des parents après tant de labeur… L’université est un temps de liberté et de plaisir, plus qu’un lieu de cours et de stimulation intellectuelle. On y cherche du travail un an à l’avance ; les entreprises s’adressent directement aux universités pour faire leur choix en nouveaux diplômés.
À côté de cette course au concours, le destin ordinaire convient à beaucoup : parcours classique, université moyenne, job passable mais nécessaire. Un itinéraire fréquent mais peu médiatisé.
Les recalés de l’âge adulte
Après deux, quatre (ou huit si on s’arrange) ans de vie foutraque, c’est le monde du travail qui attend les Japonais – et avec lui, le retour à la norme. Une perspective peu réjouissante dans un pays où on commence presque toujours en tant que larbin de son supérieur (l’ancienneté est une valeur-clé dans l’entreprise japonaise), où il est bien vu de ne pas prendre tous ses congés et de passer un temps infini au bureau.
Ainsi, débarquer en entreprise, associée à l’âge adulte et aux responsabilités qui en découlent (mariage et enfant sont encore le modèle dominant) représente un sacré choc après avoir enfin profité des bonnes choses – et de l’argent des darons. Les jeunes adultes, qui ont peut-être quelque chose de la génération Y, aspirent à une vie plus légère et plus facile que leurs parents. Ils choisissent de plus en plus un statut où ils peuvent mieux gérer la contrainte « travail » : ce sont les freeters, les jeunes qui enchaînent les petits contrats, payés à l’heure. Ils troquent les avantages des CDI : sûreté de l’emploi, assurance vieillesse et maladie, contre une sensation de liberté. Nombreux aussi sont les « déçus » du travail, qui quittent leur poste rapidement par manque de correspondance avec leurs préoccupations.
La société japonaise n’est pas tendre avec ces jeunes qui refusent le schéma traditionnel. Elle les considère bien souvent comme des bons à rien, des flemmards manquant d’ambition et d’énergie, de sens des responsabilités… C’est pire encore pour ceux qui se braquent complètement contre l’idée d’être adulte et de prendre sa place dans la société : les hikikomori, ces jeunes qui se retranchent chez eux, limitant au maximum les contacts avec l’extérieur. Le phénomène, très médiatique, a fait les choux gras des reportages télés.
Cela dit, la plupart des « adultes réticents » se contentent de prolonger au maximum leur vie de célibataire, squattant chez papa-maman de plus en plus longtemps tels des Tanguy nippons, gardant leur salaire pour leurs loisirs – et repoussant à plus tard l’âge adulte.
Et toi, est-ce que tu trouves que l’enseignement en France est vraiment plus égalitaire, moins pressurisant ? Que penses-tu du système japonais ?
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Les Commentaires
Ok, j'en prends bonne note ^^
J'ai commencé à rédiger un article, une fois terminé on verra s'il plaît à la rédac'!