Après le témoignage « J’ai testé pour vous… passer une journée en fauteuil roulant », vous avez été nombreuses à demander des récits de madZ handicapées. Emeline, que vous connaissez déjà puisque vous avez peut-être lu son tour du monde en fauteuil roulant, se prête au jeu pour cette nouvelle rubrique et commence par vous raconter la façon dont elle a vécu l’école primaire et le collège !
« Tu es handicapée, Emeline, tu as une myopathie »
Je suis Emeline, 8 ans et des brouettes, j’ai quatre frères, trois sœurs et je vis dans la région parisienne, dans une cité avec un mini-appartement comportant seulement deux chambres.
Je n’ai pas en tête le jour où mes parents me prennent à part dans un coin et se mettent à discuter sérieusement avec moi pour m’annoncer la « terrible » nouvelle : « tu es handicapée Emeline, tu as une myopathie ». Enfin, une sarcoglycanopathie, plus intimement myopathie des ceintures. Je ne me rappelle pas de ce jour… parce que ce jour n’a jamais existé, et je ne leur en veux pas, car j’ai appris à vivre avec naturellement.
Mais j’ai une journée particulière en tête où nous sommes tous allés à l’hôpital pour faire une prise de sang. J’avais même le droit à une mini boîte de smarties ! Et une fois la prise de sang terminée, on nous avait pris en photo avec les médecins (un peu spécial quand j’y pense maintenant… Un trophée pour les docteurs ?). Je m’en souviens bien car à la suite de cette prise de sang, mes parents ont appris qu’ils n’avaient pas un, mais quatre enfants malades. Imaginez le choc pour eux. Nous n’en avons jamais parlé dans la famille. Comment mes parents avaient vécu ce moment-là ? Même aujourd’hui, j’ai 26 ans, et je ne leur ai jamais posé la question…
Le harcèlement scolaire : « Tu vas mourir à la sortie »
Mais revenons en arrière : j’ai 8 ans et des bananes. Ma maladie est seulement à ses débuts pour le moment, je suis donc plus faible qu’un enfant en bonne santé et tombe assez facilement. Je n’ai pas trop d’équilibre et pour me faciliter la tâche, je suis toute maigrelette.
À l’école les souvenirs les plus difficiles pour moi sont en CM2. J’en ai des souvenirs horribles, même aujourd’hui il m’arrive d’y repenser. J’ai connu une sorte de harcèlement scolaire où une nana est arrivée en cours d’année et, je ne sais pour quelle raison, a retourné ma meilleure amie de l’époque contre moi ainsi que pas mal de camarades de classe. Toujours à venir me bousculer, me chercher des histoires alors que je n’avais finalement rien demandé… j’en arrivais à ne plus aller en récréation et rester en classe pour des prétextes bidons. Et toujours, ces supers messages qui m’annonçaient « Tu vas mourir à la sortie », « T’es foutue »… Je pense que j’étais la cible idéale pour elle, elle savait que je n’avais pas la force de me battre
, j’avais déjà du mal à monter les escaliers pour aller dans la classe. Et j’ai compris que j’avais complètement perdu ma meilleure amie un soir, à la sortie des classes, où l’autre lui a lancé « Vas-y, gifle-la ! Vas-y, tu as vu ce qu’elle a dit sur toi ? Allez, fais-le ! », et là, le coup est parti.
J’ai pas pleuré sur le coup, je ne sais pas pourquoi, je suis restée insensible à ce geste tellement fort, dans tous les sens du terme… Je suis donc rentrée chez moi, j’ai déposé mon sac dans l’entrée et je suis allée directement dans la salle de bains. Je me suis enfermée, je me suis regardée dans le miroir, en me caressant la joue, et c’est seulement là que je me suis mise à pleurer. J’aimais tellement mon amie, je ne comprenais pas comment elle avait pu me laisser tomber, elle était tout, ma sœur, ma confidente, j’ai fait les 400 coups avec elle, je dormais souvent chez elle, elle chez moi, on était inséparables. Et en l’espace de quelques mois j’avais tout perdu : elle, et la confiance que j’avais en moi. En fait, cette fille a vraiment pourri ma jeunesse. J’étais une fille super joyeuse et là, je suis passée du sourire à l’enfermement et au repli total sur moi-même.
Le collège comme une bouffée d’oxygène
Heureusement pour moi, je ne suis pas allée au même collège que « mes amies » du CM2. J’étais dans un collège avec un ascenseur et ma sœur avait pu me suivre. On avait obtenu une dérogation et nous étions dans la même classe. Là, c’était vraiment super ! J’ai redécouvert l’amitié, même si ma première journée de 6ème a mal démarré : quand j’ai entendu mon prénom au premier appel de la journée, dans la cour, je me suis dit « ça commence mal »… À cause d’une faute de frappe, on m’a appelée « Emelin » au lieu d’Emeline, donc j’étais déjà un peu le centre de l’attention ! Je suis allée en direction de la prof et j’avais la hantise de tomber par terre, pourtant j’avais seulement quelques mètres à parcourir sur un plat absolument parfait. J’ai réussi à atteindre mon but sans flancher, et c’est à ce moment que mes années collège ont commencé !
J’ai passé des années géniales. C’était pas toujours rose, évidemment : certaines filles (toujours des filles) s’amusaient par exemple à laisser traîner leur jambe pour me faire un croche-patte. Ma sœur, Léonie, s’est parfois bagarrée pour me défendre des insultes du genre « Arrête de rouler du cul », « Marche droit », mais c’était assez rare. Les élèves de ma classe adoraient m’accompagner car forcément, le temps de prendre l’ascenseur, de traverser tout le collège pour rejoindre la classe de maths, on arrivait facilement 15 minutes après les autres… J’ai quitté ma sœur en 5ème pour rejoindre mon autre sœur, Jennifer, qui elle aussi est malade. Je n’ai pas fait ma 4ème en entier car j’ai dû subir une de mes premières opérations du dos.
La rééducation, une superbe période
Je quitte mes camarade de classe en février, c’était super dur pour moi de les laisser en cours de route et je savais ce que je quittais, mais pas ce qui m’attendait… Car après l’opération (côté droit, arthrodèse des omoplates), je suis restée plusieurs jours à l’hôpital et ensuite je suis allée en centre de rééducation pour six mois. Je me souviens encore de ma mère qui me laisse au centre et que je ne reverrais pas avant 15 jours… J’étais dans une chambre de quatre filles. Elle m’ont super bien accueillie, m’ont guidée, accompagnée. Ces six mois ont été les plus beaux moments de mon adolescence, j’y ai vu des choses totalement dingues, des jeunes qui avaient des tiges en fer dans leur jambe, j’avais tellement mal pour eux. Mais ils étaient tellement souriants et déconneurs. C’était beau à voir… Un centre où il y avait tellement de gens malades, tellement de malheur, mais d’où se dégageait un bonheur inimaginable. Je suis sûre que ce passage de ma vie a fait ce que je suis aujourd’hui : une fille forte avec beaucoup de volonté.
L’année d’après, j’y suis retournée pour la seconde opération (côté gauche). Et cette fois, ce n’était pas la même chose, du moins au début… Vous vous souvenez de la nana à l’école primaire ? J’ai eu le droit à la même version, avec alcool et drogue. Des anciens étaient encore là et avaient déjà parlé de mon retour aux nouveaux, ceux que je n’avais pas connus l’année passée. Et je ne sais pourquoi, cette fille me détestait même avant de me rencontrer. J’ai pensé par la suite qu’elle était un peu jalouse de la relation que j’avais avec les gens, de ma facilité à discuter avec tout le monde. Jalouses de moi ? Je n’arrive pas à comprendre encore aujourd’hui. Une fois qu’elle fut partie, tout était génial. Après les six mois, je suis passée dans un autre centre pour finir ma scolarité : mon BEP secrétariat comptabilité. Car il faut savoir que lorsque vous êtes handicapée vous n’avez pas beaucoup de choix : derrière un bureau ou derrière un bureau ?
Au centre, j’ai découvert mon premier amour, mes premiers meilleurs potes. Et je suis partie… Je retourne dans le 93, là où mes parents ont déménagé. Nous sommes maintenant dans une maison et j’obtiendrai mon BEP secrétariat dans une classe de trois élèves : moi, ma soeur Jennifer, et Étienne, qui est aujourd’hui mon beau-frère !
La suite bientôt dans un nouvel épisode de Roulez jeunesse !
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Les Commentaires
Pour la banque, j'avais eu des infos justement aussi et pour un crédit quand tu es malade, tu as des frais de dingue qui s'y ajoute... Je trouve ça injuste!
Je ne sais pas si ta maladie est reliée avec l'AFM? Si oui, tu n'as pas de soutien de leur part? Sinon, essaie de profiter de la vie au max, et ne regarde pas trop sur internet, c'est pas top parfois...
Moi, depuis que je suis sur Montpellier, je n'ai jamais été aussi bien renseignée sur ma maladie qu'à l'époque où j'étais sur Paris...