Delphine a 27 ans. Diplômée de Sciences Po, elle a préféré se diriger vers l’entrepreneuriat dès la sortie de ses études. Après une année de césure à Londres, elle suit une formation de coaching, qui ne lui permet pas de développer une activité à plein temps. Elle cite notamment « le défaut de l’âge », dans la difficulté à s’installer dans une profession libérale, nécessitant de développer une clientèle.
« Je ne l’ai pas vécu comme un échec, juste comme un changement de plans. Même si je devais désormais expliquer aux gens pourquoi je changeais de voie, après avoir annoncé en grande pompe que je me lançais dans le coaching ! Mais au-delà de devoir m’en expliquer auprès de mon entourage, je ne l’ai pas vécu comme un échec entrepreneurial à proprement parler.
À la fin de mes études, je me suis naturellement dirigée vers ce monde de l’entrepreneuriat et du conseil. J’y ai découvert un écosystème assez incroyable, dans lequel j’avais envie d’évoluer. C’est dans ce cadre que j’ai été amenée à créer ma boîte. »
D’où t’est venue la motivation de te dire « je vais monter ma boîte » ?
« Un peu par réaction à la proposition naturelle que me faisait mon parcours d’études. J’ai fait Sciences Po, un master en communication, et à la fin j’ai eu l’impression de n’avoir le choix qu’entre faire de la pub dans une agence ou pour des grosses entreprises, comme L’Oréal et Danone. Je ne dénigre pas du tout ces options, mais simplement, ce n’était pas ce que je voulais faire de ma vie. C’est une réaction à ce qu’on me proposait qui m’a fait partir vers totalement autre chose.
Ce que l’entrepreneuriat pouvait me permettre, c’était créer des choses, qui rencontrent un public qui a un besoin, et être dans un processus systématique de test et d’apprentissage. « Fail & learn », « test & learn » (échoue et apprends, teste et apprends).
J’ai besoin d’être dans un monde dans lequel on fait des choses pour des vrais résultats mesurés, qu’on sache pourquoi ce qu’on fait marche, ou pourquoi ça ne marche pas. J’avais besoin d’être dans un monde plus réactif, ce qui m’a fait partir assez rapidement dans l’aventure entrepreneuriale.
On entend souvent le conseil « fais-toi une expérience de 2-3 ans avant de monter ta boîte ».
Moi je n’étais pas dans cet état d’esprit. Il y a plein de gens dans cet écosystème qui ont monté leur boîte en n’ayant rien fait avant. Mon CEO par exemple a monté son entreprise à la sortie de ses études. Ça fait trois ans, et sa boîte cartonne !
Pour moi, l’expérience n’est pas un gage de réussite en entrepreneuriat. On apprend sur le tas si on accepte d’apprendre des autres.
Et puis quand tu commences par le salariat, que tu t’installes dans un certain confort de vie, c’est difficile de remettre ça en cause en prenant des risques professionnels et financiers.
Il y a énormément de structures d’accompagnement, d’associations, de réseaux, de clubs surtout sur Paris. Tu ne peux pas être tout seul face à un problème, si tu fais l’effort d’être connecté à l’écosystème. En tout cas, c’est vrai pour Paris.
Ma boite a été incubée, on a été suivis, on avait des mentors dans le milieu des start-ups, ça nous a été très utile. »
Problème ? Quand on n’a pas encore travaillé — comme c’était le cas de Delphine — on n’a pas droit au chômage, ni aux aides d’accompagnement à la création d’entreprise réservées aux chômeurs. « Dans l’esprit du législateur, un jeune qui sort des études et qui monte sa boîte, c’est tellement marginal qu’aucune aide n’est prévue », regrette Delphine.
Autopsie d’un échec
La société à laquelle Delphine a participé n’a pas fonctionné. « Il n’y avait pas le marché que l’on espérait. »
Comment réalise-t-on l’échec, et comment en sort-on ?
Le développement ne suit pas : « je ne pouvais plus me payer, j’ai dû chercher un travail à côté, tout en continuant à bosser sur le projet. On a développé une nouvelle offre, en se donnant une deadline. Les résultats n’ont pas suivis. La deadline est arrivée, on a pris la décision d’arrêter ».
La première étape à franchir après un échec entrepreneurial, c’est le rebond financier : trouver une source de revenu stable permet de se rassurer, de ne pas laisser les préoccupations financières prendre le dessus.
Le retour à une sécurité financière, à un emploi salarié même temporaire est une première étape. Le temps de retomber sur ses pieds, et Delphine était prête à rebondir :
« Maintenant c’est bon Delphine, tu t’y remets. Je me suis mise dans une recherche de travail avec une seule envie : renouer avec la start-up.
Je ne voulais pas entreprendre moi-même, être à l’origine d’un nouveau projet. Mais qui rejoindre ? Comment valoriser mon échec ? »
« Comment valoriser mon échec ? »
« J’ai fait des études à Sciences Po, puis ma première vraie expérience c’est la boite que j’ai mise au tapis. Dis comme ça, c’est pas un CV qui fait rêver. Quoi que… »
Pour Delphine, le rebond se déroule en trois étapes : la sécurité financière, l’acceptation de l’échec et la création de nouvelles opportunités. Des étapes qu’elle détaille dans un billet publié sur son Tumblr, intitulé Les 3 étapes d’un rebond après un échec.
Aujourd’hui, Delphine a rebondi. Elle est responsable marketing, en charge de l’acquisition de nouveaux clients pour la start-up 1001 Menus.
L’échec est une expérience comme une autre
« Même si c’était dur à vivre, même si j’y ai laissé des plumes, c’est une des meilleures expériences de ma vie professionnelle.
L’échec est traité de manière très différente dans les pays anglo-saxons, mais la France n’est pas le seul pays à avoir un tabou de l’échec.
Pour moi, l’échec prend ses racines dans une société qui refuse le risque, tous les risques. Du retard du métro le matin à l’échec d’une réforme gouvernementale, en passant par la nécessité de réussir ses vacances, beau temps compris.
Quand on déteste le risque à ce point, et qu’on considère que la normalité c’est que tout aille bien, comment fait-on pour accepter que les choses ne tournent pas comme prévu ?
Un ami de promo m’a parlé d’un article paru dans Courrier International sur des soirées de l’échec entrepreneurial organisées au Mexique : les Fuck Up Nights. Je me suis dit que ce serait génial que ça existe aussi en France ! J’ai eu envie de lancer le concept sur Paris. »
Les Fuck Up Nights : le troisième rebond ?
La première édition des Fuck Up Nights aura lieu le jeudi 13 mars ; elle est organisée par Delphine Pinon et Florian Lamache. Plus de 180 participants se sont déjà inscrits. Des profils très divers, qui ne se limitent pas aux auto-entrepreneurs déçus. L’échec professionnel ne touche pas uniquement les créateur•rice•s de startups !
Delphine insiste sur ce point : pour rebondir, il faut se créer des opportunités, et cela passe souvent par des rencontres, des échanges. Les Fuck Up Nights pourraient bien devenir une de ces occasions de faire des rencontres professionnelles dans un cadre détendu.
Et pour celles et ceux qui seraient en difficulté avec la phase d’acceptation de l’échec, c’est aussi l’occasion de réveiller sa vie sociale, souvent mise à mal en période de galère professionnelle. De l’inquiétude bienveillante à la pitié gênante, les réactions de l’entourage ne sont pas toujours le meilleur stimulant.
La première édition des Fuck Up Nights aura lieu le jeudi 13 mars à partir de 19h30 : inscrivez-vous sur Meetup !
Pour aller plus loin :
- Le Tumblr de Delphine Pinon, Startups & Mayo
- Retrouvez Delphine Pinon sur Twitter
- L’évenement Meetup des Fuck Up Nights
- Créer son entreprise : mode d’emploi
- « Airbnb loves entrepreneurs » et leur fait gagner une semaine à San Francisco !
- Entreprendre au Féminin, le projet de réforme
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Les Commentaires
Je finis mes études dans quelques mois et j'aimerai bien rencontrer discuter avec des personnes ayant deja eu des expériences dans l'entrepreneriat.
J'aimerai savoir si c'est réservé aux personnes auto-entrepreneurs en situation d'échec ou si d'autres personnes peuvent venir ?