En janvier, il ne faisait pas bon d’être influenceur en France. L’ancien candidat de télé-réalité Dylan Thiry était dans la tourmente. Cinq personnes ont déposé plainte contre lui pour « abus de confiance » dans le cadre de cagnottes en ligne qu’il aurait mises en place, destinées à financer des missions humanitaires dans plusieurs pays d’Afrique et du Proche-Orient. Le même jour, on apprenait que l’ex-influenceur PA7 était condamné à cinq ans de prison pour escroqueries aux aides Covid-19. Le jeune homme avait reconnu avoir organisé, à partir de mars 2020, une escroquerie au fonds de solidarité aux entreprises touchées par la pandémie.
Toujours en janvier, une action collective en justice a été engagée par des dizaines de personnes estimant avoir été arnaquées, après avoir investi dans des produits financiers vantés par de célèbres influenceurs, dont le couple Marc et Nadé Blata. Et dans une autre mesure, Magali Berdah, emblème du marketing d’influence en télé-réalité, épinglée de toutes parts depuis des mois à cause du dropshipping, a été condamnée à verser près de 2 millions d’euros à l’une de ses anciennes clientes.
Une accélération des processus judiciaires qui intervient dans un contexte où nombreuses sont les initiatives qui dénoncent les arnaques perpétrées par les influenceurs, en particulier issus de la télé-réalité. Comment l’expliquer ? Audrey, derrière le compte derrière le compte Instagram Vos stars en réalité, l’analyse.
« Jusqu’à maintenant, soit les victimes ne déposaient pas plainte, soit elles confondaient réseaux sociaux et commissariat, soit elles déposaient plaintes, mais celles-ci étant faites de manière isolée, elles étaient classées sans suite. »
Depuis 2019, elle alerte sur les sites frauduleux et pratiques commerciales trompeuses ou illégales promues par les influenceurs. « Le collectif permet de mettre ensemble les victimes d’une même escroquerie, d’avoir le même avocat et de déposer plaintes en même temps et donc avoir plus de poids », poursuit-elle.
Vers un encadrement plus strict ?
Ainsi, sous l’impulsion du rappeur Booba, très investi dans la lutte contre ce qu’il appelle les « influvoleurs », un collectif de victimes présumées des agissements de Marc et Nadé Blata s’est créé en juin 2022. Plusieurs d’entre elles se sont rassemblées afin de déposer leurs plaintes en même temps, en janvier 2023.
Mais aussi, on peut compter la plainte lancée par l’avocat de Booba – encore lui – à l’encontre de Shauna Events, société de Magali Berdah. « Au sein de la société, de nombreux influenceurs issus de télé-réalité ont contribué à la mise en lumière de sites frauduleux ou fait des placements totalement illégaux », rapporte Audrey.
Tous ces faits pourraient tendre vers une réglementation de ce marché. Pourtant, ce marché l’était déjà selon l’avocat Henri de la Motte Rouge, spécialisé en droit de l’Internet, dont le cabinet tient une expertise sur le cadre juridique des influenceurs :
« Il y a toujours eu un cadre légal, notamment sur la mention obligatoire de la publicité. Mais il y a eu beaucoup trop d’abus couplés à une médiatisation des affaires. »
En effet, une accablante enquête de la Direction générale de la concurrence publiée le 23 janvier dernier montre que sur une soixantaine d’influenceurs ciblés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) depuis 2021, 60 % ne respectaient pas la législation en vigueur en matière de publicité.
« Les influenceurs ne sont pas forcément tous de mauvaise foi. Ils se font, eux aussi, parfois manipuler par les annonceurs, qui ne sont pas forcément fiables », assure l’avocat. Pour lui, la juridiction qui les entoure et sa possible évolution encadrera autant leur métier que les pratiques des annonceurs. « Aujourd’hui, il y a des risques à exercer ce métier sans faire attention. Si les annonceurs travaillent avec des influenceurs qui ne respectent pas la réglementation, ils ont des chances de se voir engager leur responsabilité pour des procédures pénales », analyse Henri de la Motte Rouge.
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Un métier de plus en plus normal ?
Cette juridicisation du métier d’influenceur provoque de nombreuses évolutions. En janvier 2023, un syndicat s’est créé afin d’accompagner les agences et influenceurs pour rendre leurs démarches plus éthiques. Ce qui n’est pas suffisant pour Audrey, derrière le compte Vos stars en réalité :
« Des influenceurs se créent tous les jours et beaucoup sont en autonomie. Certains ne connaissent pas les lois, d’autres les ignorent. Les limites de l’autorégulation sont là. Le ‘n’importe quoi’ ne pourra cesser que lorsque, en parallèle de ces démarches d’auto-régulation, les alertes émises par les comptes spécialisés seront entendues et suivies d’actions concrètes. L’exécutif prendra ses responsabilités et sanctionnera les dérives comme il se doit, et ce, dans un délai raisonnable. »
Par exemple, depuis 2016, une seule amende transactionnelle pour pratiques commerciales trompeuses a eu lieu : celle de Nabilla en 2021 pour une infraction commise en 2018. Et au vu de la grande médiatisation des affaires autour des arnaques des influenceurs, les pouvoirs publics ont la volonté de légiférer et faire plus de projets et proposition de lois.
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Et pour cause, durant tout le mois de janvier, le gouvernement a lancé une grande consultation publique sur les influenceurs et créateurs de contenu. Consultation dont les conclusions devraient être rendues publiques ces prochains mois. Peut-être une prochaine étape dans l’encadrement de ce métier qui ne cesse d’évoluer.
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