Dwayne Johnson, The Rock de son nom de scène, est l’une de ces personnes que j’ai du mal à imaginer triste.
Catcheur devenu acteur, il illumine Hollywood de son grand sourire, de ses kilos de muscles durement entretenus à la salle et de son humour dévastateur.
Ce n’est pas un hasard si The Rock est souvent cité par les invités de The Boys Club comme un exemple de masculinité positive : il semble aussi à l’aise dans ses pompes que dans son genre, sans surjouer la virilité ni avoir peur d’être vulnérable.
Et aujourd’hui, quand je lis Dwayne Johnson parler, à cœur ouvert, de son combat contre la dépression, je me dis que son message trouvera un écho en bien des hommes et des femmes.
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Dwayne Johnson (The Rock) parle de suicide et de dépression
C’est le magazine britannique Express qui relaie les propos de l’acteur.
Il se penche sur une enfance et une adolescence difficiles, avec un terrifiant point culminant : le jour où, à 15 ans, il a dû foncer pour tirer sa mère d’une route nationale sur laquelle elle errait, tentant de se suicider.
Ce jour-là, la famille de Dwayne Johnson avait été expulsée de l’appartement qu’elle occupait.
Récemment, l’acteur a posté cette photo issue du tournage de la série Ballers dont il joue le personnage principal :
« Une scène pas comme les autres de notre comédie #Ballers : je bois une bière en mémoire du frère de mon personnage, William, qui s’est suicidé.
Ça m’a fait réfléchir au nombre de gens parmi nous qui ont été touchés par le suicide d’amis, de membres de la famille. La douleur et le combat son réels. On est tous passés par là, à un niveau ou un autre.
Ma mère a tenté de nous quitter quand j’avais 15 ans. Elle est sortie de sa voiture sur la nationale à Nashville et s’est engagée dans la circulation. Des camions et des voitures slalomant pour ne pas la percuter.
Je l’ai attrapée et tirée jusqu’au bas-côté.
Ce qui est fou, au sujet de cette tentative de suicide, c’est qu’elle n’en a aucun souvenir. C’est sans doute pour le mieux.
Une sacrée scène à tourner (pas un bon moment pour moi) mais un rappel que nous devons nous montrer aussi attentifs que possible à la douleur des autres.
Les aider à traverser ça, à parler de leurs difficultés, leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls.
On a eu de la chance ce jour-là, quand j’avais 15 ans. Ce n’est pas toujours le cas. »
Si sa mère a enfoui ce souvenir, il n’en est pas de même pour le fils. Peu de choses forcent à grandir aussi brutalement qu’être confronté au caractère mortel de ses parents, et à leur détresse.
Plus tard, celui qui n’était pas encore The Rock a dû faire une croix sur son rêve de devenir footballeur professionnel, à cause de multiples blessures. Peu après, sa petite amie de l’époque l’a quitté.
« C’était la période la plus sombre de ma vie, clairement. »
Il a réussi à transformer sa vie en se dédiant au catch, puis au métier de comédien. Mais les choses auraient pu s’arrêter là pour Dwayne Johnson.
Pourquoi il est important de parler de suicide et de dépression
Le témoignage de Dwayne Johnson me semble essentiel à plusieurs niveaux.
Il s’inscrit dans le contexte américain, un pays dans lequel les maladies mentales restent un sujet tabou, ce qui a des conséquences tragiques.
Aux États-Unis, chaque année, près de 45 000 personnes décèdent en se suicidant. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à mettre fin à leurs jours.
Et c’est aussi là que je trouve important de relayer les propos de Dwayne Johnson.
Les hommes, leurs pensées suicidaires, et le tabou
Dans les codes de la masculinité, parler de ses émotions est mal vu. Demander de l’aide, entamer une psychothérapie, admettre sa détresse, tout cela va à l’encontre des critères de la virilité.
Un épisode passionnant sur le mythe de la virilité, une violence pour les hommes comme pour les femmes
Qu’un homme aussi « viril » que The Rock s’ouvre sans fards sur ses expériences liées à la santé mentale « normalise » ce sujet et montre qu’il peut toucher tout le monde, que les muscles ou la gloire ne protègent pas des pensées noires.
Il n’y a pas de honte à se sentir mal, à réclamer de l’aide, à admettre qu’on ne peut pas s’en sortir seul.
Cela ne rend pas un homme « moins viril ».
Au Royaume-Uni était sortie la campagne contre le suicide Things Guys Don’t Talk About (Ces choses dont les mecs ne parlent pas), qui s’adressait spécifiquement à ces problématiques masculines.
En Australie aussi, la campagne Man Up montrait des hommes en larmes pour expliquer qu’il n’y a pas à avoir honte de pleurer, ni à avoir besoin d’aide.
Dans ce pays, le suicide est la première cause de mortalité chez les hommes de 15 à 44 ans.
Si tu te sens mal, parles-en. Parce que le silence peut tuer. Montrer sa douleur, ça demande des tripes. Il faut être « un homme » pour affronter ses émotions. Pleurer demande du courage.
Pour aller plus loin à ce sujet, je vous renvoie vers la rubrique Masculinité de madmoiZelle, dans laquelle plusieurs articles analysent les codes de la virilité et la façon dont ils font du mal aux hommes.
Vous pouvez vous tourner vers les numéros d’écoute, comme le Fil Santé Jeunes, SOS amitié ou Suicide Écoute.
Si vous vous inquiétez pour une personne de votre encourage, ces numéros pourront également vous aider et vous conseiller.
Le plus important est de ne surtout pas rester seul•e.
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Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Après, bien sûr que n'importe qui faisant campagne sur la dépression peut avoir un impact important. Le truc c'est que les codes toxiques de la masculinité sont un obstacle important à la détection de la dépression chez les hommes.
Pour être diagnostiqué dépressif, il faut arriver à faire plusieurs choses : parler à un tiers de ses problèmes, admettre la douleur que des émotions procurent, admettre qu'on ne peut pas régler ce problème seul et que ça ne passera pas comme ça, bref réclamer de l'aide. Ce sont des choses qui sont souvent perçues comme incompatibles avec la virilité puisqu'un homme doit 1) se débrouiller seul pour régler ses problèmes 2) ne jamais parler de ses sentiments 3) ne pas souffrir pour des choses "futiles" comme des sentiments 4) prendre sur lui et ne jamais se plaindre.
Le fait "d'enfreindre" ces règles peut donner l'impression à un homme ou à son entourage qu'il perd en virilité. Donc un modèle perçu comme "vite fait viril" n'aura certainement pas le même impact culturel qu'un modèle perçu comme le symbole absolu de la virilité.
arce que le mec "taillé comme une crevette" comme tu dis peut donner l'impression à ces gens qui ont des barrières et veulent avoir l'air d'un homme ultra-viril qu'il est juste un mec sensible, avec un côté un peu féminin, et ce n'est pas ce à quoi ils aspirent. En revanche, quand The Rock ou un All Black lèvent la main et disent "moi aussi", ça donne l'impression que si même eux qu'on ne peut pas accuser d'être trop sensibles, trop fragiles ou trop féminins peuvent traverser ça, alors on ne va pas perdre sa virilité en reconnaissant certains de ses problèmes.
Bien sûr qu'un homme qui n'a pas de complexe de virilité ou qui n'a pas été élevé selon des codes ultra genré pourrait tout autant être touché par le message d'un intello maigrichon que par celui d'une montagne de muscle qui fait un sport connoté très masculin et chercher de l'aide avec l'un ou l'autre. Mais toute une frange de la population masculine (et de leur entourage) aura besoin d'entendre le message de leur idole de la virilité plutôt que d'un mec qui n'incarne pas ça à leurs yeux.
Voilà pourquoi c'est important que des personnalités comme The Rock brisent les tabous (ce qui est quand même un peu un acte de courage, car ils peuvent avoir peur de perdre leur carrière et leurs fans en sortant de ce code de la virilité).