Larry Brown est un de ces écrivains dont on sent qu’ils sont nourris de Charles Bukowski. On le sent en l’occurrence dans les thèmes, dans le propos. On dirait même plus que c’est un de ces hommes qui vivent avec le souvenir du vieux dégueulasse tant il semble, comme chez Hank Chinaski, que sur les personnages des nouvelles de Dur comme l’amour plane l’ombre de celui qui tient la plume.
Les personnages de la dizaine de nouvelles du recueil sont tous des hommes, isolés, qui souffrent en amour. Des hommes durs, oisifs, qui ne trouvent réconfort que dans l’alcool ou dans l’écriture ; parfois auprès de quelques compagnons de bar. Quand l’héritage se sent si fort, inutile de le cacher : il est sans aucun doute évoqué, voire revendiqué. C’est bel et bien le cas ici : on s’en aperçoit assez vite et tout d’un coup le mot tombe avec la troisième partie du recueil : "Pour Buk".
Se placer ainsi dans la lignée d’un tel écrivain témoigne au moins d’une grande audace. Pas sûr que la qualité suive… Ce qui est intéressant chez Larry Brown est qu’il opère un déplacement par rapport à l’œuvre de Bukowski et ne se contente pas, comme on aurait pu le craindre, d’écrire à la manière de. Ce qui était chez Bukowski la marque d’une souffrance profonde et sans cesse réactualisée se déplace chez L. Brown du côté de quelque chose de moins essentiel mais tout de même assez intéressant : il vient du sud des Etats-Unis et c’est à proprement parler le cadre géographique qui est à l’origine de l’écriture sèche et du mode de vie des personnages, qui l’est tout autant.
Désœuvrés, ces hommes le sont donc avant tout parce qu’ils sont de ce sud profond qui leur offre peu de perspectives. Ecrasés par la chaleur qui les entoure, ils ne cessent de penser à la fraîcheur de quelques bières et au plaisir que pourrait apporter l’amour de quelques femmes. Au volant de leurs pick-up, ils parcourent des paysages aussi secs que semblent l’être leurs cœurs – semblent, seulement.
Et comme chez Bukowski, c’est le rapport à l’écriture et à l’alcool qui se pose comme seul moment important quand les femmes ont déserté. L’écriture devient essentielle ; c’est en tout cas ce qu’essaie de faire comprendre l’auteur. La première partie est composée de nouvelles qui se ressemblent assez les unes les autres et ont pour théâtre les éléments qu’on a cités. La deuxième partie constitue une charnière à partir de laquelle l’originalité de Larry Brown commence enfin à apparaître. Composée d’une seule nouvelle, "Discipline", elle développe la fiction d’un centre de réadaptation pour mauvais écrivains et plagiaires. Idée originale bien menée, sous la forme d’un dialogue qui ne s’arrête que quand la parole du protagoniste reprend un certain pouvoir… ou au contraire est définitivement coupée.
Malheureusement, avec la troisième partie clairement dédiée à Bukowski, Larry Brown perd son originalité : on tombe sur "92 jours", une nouvelle comme on pourrait la trouver chez le premier, si ce n’est qu’elle n’est pas écrite par lui…
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