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Du sexisme ? Dans « Koh-Lanta » ?! Pincez-moi, je rêve

L’équipe rouge de Koh-Lanta : Les Armes secrètes serait-elle gangrénée par le sexisme ? Petite analyse du patriarcat sous les cocotiers.

« Je ne voterai pas un garçon tant qu’il y aura des filles. »

Il aura suffi de cette « petite » phrase, prononcée par Arnaud, candidat de Koh-Lanta plutôt apprécié du public, pour déchaîner les foules. Du sexisme ?! Dans NOTRE télé française ?! Inimaginable !

Et pourtant, quatre candidats masculins de l’équipe rouge (Arnaud, Frédéric, Jonathan et Hervé, le seul capitaine restant) ont bel et bien décidé de s’unir pour éliminer les femmes. Une stratégie qui en dit beaucoup sur la façon dont la société française, via ses produits culturels, perçoit et encourage les dynamiques genrées.

Sexiste, la stratégie des rouges dans Koh-Lanta : Les Armes secrètes ?

Remettons un peu de contexte, au cas où vous avez mieux à faire le vendredi soir que de regarder des gens manger des crabes crus et faire des courses d’obstacles : cette saison de Koh-Lanta, baptisée Les Armes secrètes, commence comme d’habitude avec deux équipes — les rouges et les jaunes — composées d’autant d’hommes que de femmes.

Chez les rouges, les conseils s’enchaînent : le 2 avril, c’est la jeune Candice qui a été éliminée après avoir été proprement manipulée par ses coéquipières Maxine et Laure. Lors de l’épisode du 9 avril, rebelote ! Conseil surprise après l’épreuve de confort, où l’équipe sort Magali. Et Arnaud, avec sa petite phrase, trahit la stratégie sexiste de ses coéquipiers, ce qui n’a pas manqué de faire réagir, à la fois du côté des femmes rouges que sur les réseaux sociaux.

Mais l’indignation ne s’est pas forcément tournée que vers la tactique des hommes… car Maxine et Laure, qui ont déploré cette stratégie auprès de Denis Brogniart, ont elles-mêmes éliminé les deux précédentes candidates sans broncher ! Loin d’être dirigées par les mâles de leur tribu, elles ont manipulé Candice tout à fait consciemment et n’ont pas hésité à voter contre Magali.

https://twitter.com/chloejtn/status/1380625477187080195

La question est donc : peut-on se plaindre d’être victimes d’une stratégie sexiste alors qu’on a soi-même éliminé deux femmes ? « Non », vous répondront les internautes les plus catégoriques. « Peut-être bien que oui », voulons-nous plutôt vous suggérer…

De l’impossibilité de gagner face au sexisme

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Maxine et Laure n’ont pas été championnes de la sororité en éliminant deux candidates coup sur coup. Mais avaient-elles seulement le choix ? La seconde a confié à Télé-Loisirs :

« Les stratèges sur le camp, ce sont Hervé et Frédéric. On l’avait compris dès le début avec Maxine. Jonathan et Arnaud les ont suivis, car ils avaient compris que, étant des garçons, leur place était confortable.

Le coup de Candice, on l’avait fait pour leur montrer qu’ils pouvaient nous faire confiance à 100%, car tout le monde voulait l’éliminer. […] c’était vraiment une manière, pour Maxine et moi, de montrer aux garçons qu’il n’y avait pas d’opposition à avoir avec les filles. Peut-être naïvement, car on ne pensait pas qu’après ça, on allait encore avoir cette épée au-dessus de la tête. Ça nous a ouvert les yeux. »

Frédéric se défend d’une stratégie machiste, affirmant que « ça s’est fait petit à petit, avec les affinités » — mais Laure affirme avoir décelé dès le début que les hommes se serraient les coudes.

Cette situation est un exemple parfait d’une réalité tristement courante : l’impossibilité de ne pas jouer le jeu du sexisme lorsqu’on y perd malgré nous. Quels choix restait-il aux candidates de l’équipe rouge ? Celui de jouer avec les mêmes armes que leurs coéquipiers, en s’alliant entre femmes même si elles n’en avaient pas envie, et en éliminant les hommes — perdant en force musculaire et donc en chances de gagner les épreuves. Ou celui qu’elles ont préféré : tenter de casser la dynamique sexiste en montrant aux mecs qu’hommes et femmes peuvent agir dans un but commun. Sans succès.

En essayant de ne pas participer à un jeu sexiste, Maxine et Laure ont éliminé deux femmes, et se retrouvent maintenant en infériorité… mais toujours dans un jeu sexiste. Elles n’ont pas eu le choix d’une aventure genrée ou non : en basant leur stratégie sur un système de clans hommes-femmes, les garçons les ont enfermées malgré elles dans ce carcan. Elles sont peut-être arrivées dans Koh-Lanta en voulant baser leurs votes sur les compétences individuelles, sur une stratégie à long terme, sur leurs affinités ou même sur les phases de la lune, plus rien de tout ça n’a compté une fois que les mecs ont décidé de s’allier entre couilles.

La seule personne qui aurait pu leur donner une chance d’inverser la tendance, c’est Gabin, unique homme de leur équipe qui ne souhaitait pas non plus appliquer une stratégie genrée. Dommage, le solide Savoyard est sorti à cause d’une blessure… permettant à Magali de revenir, ce qui promet moult rebondissements pour le grand public. Et peut-être une stratégie féminine, car comme le confie Laure, toujours à Télé-Loisirs :

« On se dit qu’il faut faire tomber Frédéric et Hervé et on entre dans un Girl Power pour ne pas se laisser faire ! »

Eh oui, le fameux girl power que Koh-Lanta

aime à nous resservir à toutes les sauces, même si ça commence à sentir vraiment le réchauffé.

Koh-Lanta, une émission sexiste ?

Koh-Lanta a déjà été accusée de sexisme par le passé, notamment en 2020, lorsque le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a épinglé l’émission, parmi d’autres, dans son rapport annuel sur l’état des lieux du sexisme en France. Des épisodes de la saison La Guerre des chefs, diffusée en 2019, ont été analysés ; en sont ressorties des remarques sexistes et dégradantes ainsi que des épreuves intégralement gagnées par des hommes ou des duos homme-femme. Dans le même temps, un plan sur les fesses d’Inès, candidate athlétique, provoquait de nombreuses réactions graveleuses…

Alexia Laroche-Joubert, productrice de Koh-Lanta, s’indignait de ces accusations, rappelant que :

« […] de toutes les saisons, 113 épreuves ont été gagnées par des femmes contre 60-70 par des hommes. Sur les six dernières, il y a systématiquement une femme et un homme en finale. S’il y a bien un programme sur lequel on met en avant la parité…

[…] On ne peut pas laisser un rapport, qui est partiel et partial, qui laisse à désirer, mettre à mal une émission de référence, qui est regardée par un enfant sur deux, avec des valeurs qui font que les petites filles peuvent s’apercevoir que quand on veut, on peut et on gagne ! »

Ce qu’Alexia Laroche-Joubert oublie de préciser, c’est que sur 22 saisons classiques de Koh-Lanta et six éditions spéciales diffusées, 12 seulement ont été remportées par des femmes, qui réussissent pourtant la majorité des épreuves. « Quand on veut, on peut et on gagne »… mais moins que les hommes, en tout cas au niveau des votes — puisque ce sont les candidats et candidates récemment éliminées qui choisissent à quel finaliste accorder la victoire.

Le sexisme est dans Koh-Lanta, puisqu’il est partout

Les émissions de télé-réalité n’échappent pas aux codes sociaux et aux stéréotypes qui vont avec ; au contraire, les microsociétés comme celles se développant dans le contexte très particulier de Koh-Lanta les mettent en évidence.

Outre-Atlantique, c’est bien plus frontalement que le sujet du sexisme a été abordé dans Survivor, le jeu de survie le plus populaire des États-Unis. En 2020, face à un candidat se montrant tactile et insistant avec elles, certaines candidates ont décidé d’utiliser cela comme une stratégie pour l’évincer, mais sans le dénoncer frontalement à la production. Cette tactique a été accusée d’instrumentaliser la lutte contre les violences sexuelles et le mouvement #MeToo ; les femmes en question se sont d’ailleurs excusées après la diffusion de l’épisode. Jeff Probst, le présentateur, avait dédié un long moment d’échange à cet évènement pendant l’épisode, et déclaré après sa diffusion :

« Le plus dérangeant, c’est que les femmes ne sont pas celles qui ont causé ce problème, mais elles sont celles qui doivent faire avec. C’est facile de s’énerver contre [les candidates] lorsqu’elles décident d’utiliser cette situation très sensible comme une arme, mais j’espère que les gens se souviendront du contexte. »

Ce 9 avril, Denis Brogniart, lui, s’est étonné, le sourcil froncé, de la stratégie « pas du tout machiste, promis » choisie par les hommes de la tribu rouge… sans rappeler, lui, qu’il est malvenu de critiquer les choix des candidates subissant cette décision depuis le début du jeu. Mais après tout, est-ce si surprenant de voir une telle méthode dans une émission qui refuse de regarder en face les dynamiques sexistes sous-tendant les actions des candidats et candidates, qui refuse de se demander pourquoi les femmes, si compétentes lors des épreuves, sont peu souvent élues gagnantes — et jugées dignes de mériter un chèque de 100.000€ ?

On ne sait pas encore si un homme ou une femme gagnera Koh-Lanta : Les Armes secrètes. Mais le sexisme, lui, a déjà gagné, et la future stratégie girl power des femmes rouges, comme les critiques qui pleuvent sur les réseaux, le prouvent.

À lire aussi : « Pékin Express » filme deux candidates de l’émission sous la douche et nous, on en a marre du male gaze


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Les Commentaires

6
Avatar de ChochanaRose
13 avril 2021 à 12h04
ChochanaRose
C'est très personnel mais j'ai toujours trouvé KL sexiste (c'est une des raisons pour laquelle je ne regarde plus mais la raison principale est que c'est devenu coup fourré et trahison au lieu de faire gagner le plus méritant). On retrouvait les mêmes rôles genrés notamment sur le camp (les femmes à la cuisine et les hommes en explo. Je simplifie mais on peut voir que chaque année on voit les femmes faire telles tâches et les hommes telles tâches). On voit aussi qu'il y a une pression plus forte sur les femmes où elles savent qu'elles ont plus de chance de sauter en premier et qu'elles ont plus de choses à prouver.
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Voir les 6 commentaires

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