Live now
Live now
Masquer
Image d'erreur
Livres

Du rêve pour les oufs (Faïza Guène)

Aux éditions Hachette Littératures

Alhème a 24 ans, une famille sur les bras et son lot de galères quotidiennes. Elle vit dans une cité d’Ivry-sur-Seine, avec son père et son petit frère, depuis que sa mère a été assassinée en Algérie, dans les années 90.
Celui qu’elle appelle « le Patron », son père, a perdu la tête après un accident de chantier. Depuis, il passe sa vie devant la téloche : « C’est elle qui régit la nouvelle vie du Patron, il n’a plus besoin de montre. Télé Matin, c’est l’heure du café, les infos, c’est l’heure du déjeuner, Derrick c’est l’heure de la sieste, et le générique final du film du soir, c’est le moment où il va se coucher ». Son frère, Foued, est un futur caïd en puissance. Il ne fait rien à l’école, insulte les profs et fait du « biz » avec les grands. Une source de tracas importante pour Alhème puisque, avec les nouvelles lois sur l’immigration, les risques d’expulsion sont réels… Elle doit donc prendre en charge sa petite famille : enchaîner les petits boulots pas vraiment valorisants mais vitaux, faire l’éducation de Foued, se pointer tous les trois mois à la préfecture pour faire renouveler ses papiers, etc.
Heureusement, une foule de personnages terriblement attendrissants croise sa route. Il y a d’abord Tantie Mariatou, dont la sagesse et le bon sens se retrouvent dans ses dictons. « Rien ne sert de courir si ne n’est pour attraper le guépard », dit-elle à propos de Foued. Il y a aussi Nawel et Linda, ses copines, qui cumulent les plans foireux avec les mecs et s’obstinent à lui présenter des ploucs.

Faïza Guène a le sens de l’à-propos et de la vanne. Neuf ans séparent Doria (l’héroïne de Kiffe kiffe demain) et Ahlème, mais on retrouve ce même regard empreint d’humour et de cynisme, la maturité en plus.
La vie que mène Ahlème permet à l’auteure d’insérer une dimension sociale plus fine que dans son précédent livre. Elle traite de la place de la seconde génération d’immigrés avec lucidité et espérance. Le retour au bled de l’héroïne permet de saisir toute la difficulté à se retrouver entre deux cultures. Son regard acerbe sur la société française a tendance à se faire moins dur vers la fin de l’histoire, mais n’épargne jamais l’administration.
Ensuite, Faïza Guène apporte un regard inédit sur le rôle des femmes en banlieue, puisque, pour elle, la révolution intelligente qui doit se faire en banlieue passera par elles. Les filles, beaucoup plus combatives, gèrent mieux les épreuves, semble-t-elle nous dire.
Et c’est vrai : Ahlème tient son rôle de chef de famille avec force et courage. Ca ne l’empêche pas de perdre la raison, pour une histoire d’amour naïve et bancale avec un immigré clandestin.
S’il y a un reproche à faire à ce livre, c’est donc le contraste entre la maturité de la jeune femme dans sa gestion des galères quotidiennes et une certaine puérilité dans la façon dont elle envisage les relations avec les hommes de son âge.

En quelques mots, Du rêve pour les oufs est tout de même un beau plaidoyer en faveur du droit à rêver pour tous !

Extraits.
« Il vient te chercher en bas de chez toi dans sa Ford Focus gris métal, t’ouvre la portière, te demande si tu as passé une bonne journée, et te complimente sur ta tenue vestimentaire. Toi, tu te sens belle, tu le regardes amoureusement en te disant que tu es bien avec lui. Alors vous sortez de la caisse, il se remet les burnes en place et il rote, toi, tu trouves ça dégueulasse mais tant pis, tu le kiffes. Il utilise le verrouillage centralisé à distance, tut-tut, par-dessus son épaule, tu trouves ça super-classe, il est glamour, ça te plaît, tu l’aimes. Il t’annonce qu’il t’emmène au resto, tiens, ça n’arrive pas souvent. Comme tu regardes les films à l’eau de rose le dimanche après-midi à la télévision, tu crois qu’il va te faire sa demande en mariage. Mais au milieu de ta salade minceur, il t’explique qu’il a rencontré quelqu’un d’autre, que c’est une nana géniale et qu’il s’en va avec elle à Grenoble. Il plie bagage la semaine prochaine donc tu serais sympa de lui rendre la perceuse qu’il t’a prêtée et tous ses disques de Barry White. Et en passant, on partage l’addition ? »


Les Commentaires

2
Avatar de AnonymousUser
23 mars 2009 à 14h03
AnonymousUser
Un livre a lire!
Je l'ai lu d'une seule traite en à peine 2 heures parce que c'est un livre "qui se lit bien".
L'histoire est touchante, émouvante parfois mais jamais bien loin de la réalité : les copines qui arrangent des coups avec des mecs pas possibles, la difficulté à se situer entre deux cultures...
Bref un coup de coeur un peu tardif certes mais un coup de coeur quand meme!

Reste plus qu'a lire "Kiffe Kiffe demain"!lol
0
Voir les 2 commentaires

Plus de contenus Livres

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-11-15T163147.788
Livres

Samah Karaki : « C’est la culture sexiste qu’il faut questionner, pas la présence ou l’absence de l’empathie »

Vie quotidienne

Ménage d'automne : la serpillère 2.0 existe, découvrez sans plus tarder notre guide ultime

Humanoid Native
[Image de une] Horizontale (24)
Culture

3 raisons de découvrir Agatha, le nouveau thriller psychologique à lire de toute urgence

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-10-16T173042.478
Culture

Louise Chennevière (Pour Britney) : « La haine de la société pour ces femmes est immense. Cela m’a donné envie de la décortiquer. »

© Charlotte Krebs
Féminisme

Mona Chollet : “Se sentir coupable ne mène vraiment à rien”

3
3
Culture

« Si mon histoire peut déculpabiliser ne serait-ce qu’une seule femme, j’aurai gagné » dans Archéologie de l’intime, le tabou de l’accouchement raconté en BD

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-08-27T142659.508
Livres

« Vous ne baiserez pas » : on a discuté date, sexualité et misogynoir avec Naya Ali

Source : Madmoizelle
Livres

Les 6 romans indispensables à mettre dans sa valise cet été 

1
[Image de une] Horizontale (16)
Culture

On démonte 5 idées reçues sur les liseuses

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-06-24T161828.941
Livres

« Dans le cœur de mon père », rencontre avec l’autrice Nadia Aoi Ydi

[Image de une] Horizontale (2)
Livres

« Je vis dans le monde parallèle de mon imagination », rencontre avec Kalindi Ramphul, autrice des Jours Mauves

La pop culture s'écrit au féminin