#NonCoupable, scandent les associations de défense des droits des femmes sur les réseaux sociaux, en ce 28 septembre, journée de mobilisation pour le droit à l’avortement dans le monde. « Mon corps, mon choix » est un principe encore loin d’être reconnu partout, comme en atteste l’état des lieux préoccupant du statut légal de l’IVG dans ces pays, dont certains ne sont pas si éloignés de la France :
« Maroc : 2 ans de prison Malte : 3 ans de prison Brésil : 4 ans de prison Chili : 5 ans de prison République démocratique du Congo et Indonésie : 10 ans de prison Irlande : 14 ans de prison Salvador : 40 ans de prison.
Quel crime mérite donc des condamnations aussi lourdes ? Quel crime, dans ces pays, peut mener une femme à la case prison ? Avorter. »
– Extrait de Non Coupable, la tribune d’Osez le féminisme
Il faut bien avoir à l’esprit qu’aucune loi n’empêche les femmes qui veulent interrompre une grossesse non désirée de le faire : la conséquence de l’interdiction légale est un déplacement à l’étranger pour celles qui le peuvent, et un avortement clandestin pour les autres.
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C’est précisément ce que dénonçait dans ses spots chocs la campagne chilienne pour le droit à l’IVG, en avril 2015 :
« Plus de 150 000 Chiliennes auraient recours à ce genre de méthodes chaque année, et beaucoup n’y survivent pas. Le but de la campagne est donc de faire approuver par le gouvernement une loi pour le droit à l’avortement thérapeutique, qui a déjà été proposée en février dernier par la présidente Michelle Bachelet. »
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« Criminaliser l’avortement tue »
Il ne devrait donc pas y avoir de débat pour savoir s’il faut ou non autoriser le recours à l’interruption volontaire de grossesse, étant donné que la conséquence de son interdiction n’est pas une baisse des avortements, mais une hausse du nombre de femmes qui en meurent.
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Et pourtant, même dans les États qui reconnaissent aux femmes le droit de ne pas mener à terme une grossesse non désirée, on n’est pas à l’abri d’une évolution de la législation visant à entraver le recours effectif à ce dispositif.
Par exemple, au Texas, où des nouvelles normes obligatoires, prétendument censées garantir la sécurité des patientes, ont eu pour conséquence de faire fermer des centres médicaux pratiquant des IVG. Résultat : seules cinq cliniques sont désormais en mesure d’effectuer cette procédure, pour tout l’état du Texas (qui est plus grand que la France !)…
« Il est toujours possible d’avorter au Texas, mais c’est devenu bien compliqué car seules 5 cliniques peuvent accueillir les femmes, contre 42 auparavant. Parmi les conditions imposées par SB5 (le nom de la loi), on trouve notamment l’obligation pour les établissements de se conformer aux exigences des centres d’hospitalisation ambulatoire / « courte durée » (ambulatory surgery center). Pour les petites cliniques, on estime le coût d’adaptation à près d’1 million de dollars […] »
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Plus près de chez nous, en Espagne, une loi restreignant le droit à l’avortement aux seuls cas de danger avéré pour la mère (et de grossesse suite à un viol) avait failli être adoptée en 2014. Ce n’est que grâce à la mobilisation des associations féministes que le gouvernement avait finalement abandonné ce projet de loi liberticide.
Mais il y a quelques semaines, on apprenait que c’est pour les plus jeunes que l’accès à l’IVG va devenir extrêmement compliqué, car le Sénat espagnol a adopté une nouvelle réforme, contraignant les mineur•e•s à obtenir l’autorisation de leurs parents pour pouvoir avoir recours à l’avortement. Des restrictions qui risquent surtout de mettre en danger les jeunes en difficulté avec leur famille, qui ne pourront pas obtenir l’autorisation requise dans les délais…
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#NonCoupable, car « avorter n’est pas un crime »
On ne le répètera jamais assez : avorter n’est pas un crime, mettre fin à une grossesse non désirée n’est pas un meurtre. Libre à chacune, confrontée à cette situation, de choisir en son âme et conscience, et justement : c’est un choix, ça doit l’être, ça doit le rester.
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #NonCoupable (dans plusieurs langues) a été le cri de ralliement de cette journée de lutte pour la décriminalisation de l’avortement dans le monde. Rien qu’en Europe, ce droit n’est pas encore garanti. Rappelons que les eurodéputés Front National avaient voté contre la résolution du Parlement d’étendre la défense des droits sexuels et reproductifs au niveau européen.
C’était le 10 mars 2015.
Pour l’instant, les États membres restent donc en mesure de légiférer sur ce thème. C’est ainsi qu’en Irlande, pourtant membre de l’Union Européenne, l’IVG est toujours passible d’une lourde peine de prison.
Dans une tribune publiée sur Médiapart, Osez le féminisme dénonce les conséquences dramatiques de la criminalisation de l’IVG pour les femmes :
« Une femme qui désire avorter est donc considérée comme une femme coupable, coupable d’avoir eu des relations sexuelles hors mariage, coupable de vouloir le contrôle sur son propre corps, coupable de vouloir échapper au pouvoir patriarcal qui s’exerce sur l’utérus des femmes. […]
En ce 28 septembre, journée mondiale pour l’accès à l’avortement sûr et légal, un chiffre fait froid dans le dos : celui du nombre de femmes qui décèdent chaque année des suites d’un avortement clandestin. 47 000. Soit une femme toutes les 9 minutes. […]
Criminaliser l’avortement ne réduit pas le nombre d’avortements. Criminaliser l’avortement tue. La culpabilité incombe aux autorités qui, par idéologie, dogmatisme, conservatisme, refusent qu’elles puissent avorter dans des conditions sûres et dignes. Les femmes qui avortent sont non coupables ! »
Il existe une pétition, visant à interpeller les dirigeants européens sur cette situation. Lancée en janvier 2015, elle peine à engranger un nombre de signatures suffisant. Vous pouvez la soutenir en cliquant sur l’image ci-dessous :
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« Pas de jugement, pas de pression, pas de désinformation »
Le Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes a lancé une campagne d’information autour du droit à l’avortement en France, qui vise notamment à lutter contre la désinformation pratiquée par les anti-choix.
https://youtu.be/YBb0Sljnm4w
Le délit d’entrave à l’IVG inclut désormais la désinformation
Les pratiques de désinformation, qui visent à intimider les femmes en recherche de conseil et d’accompagnement, nous les avions dénoncées dès 2012, lorsque Sophie s’était faite passer pour une lycéenne tombée enceinte par accident. Elle avait appelé un numéro présenté comme étant un site d’informations, qui était d’ailleurs le premier résultat sur Google : ivg.net. La suite de l’histoire, Sophie l’a racontée dans cet article régulièrement mis à jour avec les mesures prises par le gouvernement : On a testé pour vous la stratégie des anti-IVG.
Depuis l’adoption de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, le 4 août 2014, le délit d’entrave à l’IVG a été étendu à la désinformation. On peut désormais lutter également contre les centres de santé qui privent délibérément les femmes des informations qu’elles sont venues chercher dans le but de choisir (ou non) d’avoir recours à une IVG.
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Afin d’informer les femmes qui désirent interrompre une grossesse non désirée, un numéro d’appel gratuit et anonyme a été mis en place. Il est accessible en France métropolitaine et dans les DOM-TOM : le 0 800 08 11 11.
Les anti-choix, toujours en forme
Le droit à l’avortement, et son accès, sont encore précaires, même en France. En janvier 2014, lors des débats à l’Assemblée Nationale sur la suppression de la notion de « situation de détresse » dans la loi Veil légalisant le recours à l’IVG en France, certains députés avaient tenu des propos d’un autre âge. Quelques mois plus tard, 92 sénateurs UMP avaient co-saisi le Conseil Constitutionnel pour contester la suppression de cette notion, au motif que :
« à travers cette référence à la « détresse » comme à travers l’exigence d’une « nécessité », la loi assume de dire que l’avortement ne peut être motivé que par des raisons graves qui rendent la poursuite de sa grossesse insupportable pour la femme. »
Voilà une belle démonstration de logique anti-choix. Ils et elles ne sont pas tou•te•s opposé•e•s à l’avortement, admettent que l’IVG doit pouvoir être pratiquée, mais dans certains cas seulement. Et la simple volonté de la femme n’est pas une raison valable, de leur point de vue…
C’est pourquoi la lutte pour le droit et l’accès à l’avortement est malheureusement toujours d’actualité, et à en juger par les tendances conservatrices de nos voisins, on n’est pas prêt•es de pouvoir relâcher notre vigilance sur ce sujet.
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Les Commentaires
Donc ce que disent les anti-choix, c'est qu'ils s'en foutent. Pour eux, la souffrance voire la mort de ces femmes, elle est méritée. Tu as péché petite pute, tant pis pour toi. Le désespoir d'une femme prête à s'enfoncer un corps étranger à vif tellement elles ne veulent pas d'un enfant, ils s'en tamponnent. Je me souviens que dans son livre La Femme enfermée, Gisèle Halimi racontait qu'elle s'était faite avorter étant jeune en clinique, "par curetage" selon ses propres mots (une aspiration je suppose), et les médecins avaient fait exprès de ne pas l'anesthésier (alors qu'ils le pouvaient, bien sûr). Et après ils s'osent se qualifier de pro-vie. Mon cul, oui.