Nom : Miranda Larkin Âge : 15 ans Délit : a porté une jupe au-dessus du genou
À lire aussi : Je veux comprendre… le slut-shaming
Une nouvelle tragédie est survenue en fin de semaine dans un lycée américain. Non rassurez-vous, il n’y a pas eu de morts, pas même de blessés, personne n’a ouvert le feu. Rien de tout cela, et pourtant, la communauté internationale est sous le choc, car les faits sont graves.
Une lycéenne de quinze ans, Miranda Larkin, s’est rendue à l’école flanquée d’une jupe. Mais attention : d’une jupe dont la longueur s’arrêtait quelques centimètres au-dessus de son genou, en violation flagrante du code vestimentaire de l’école.
L’objet du scandale n’est pas celui que vous croyez
Voici l’objet du délit, une image obtenue par les médias américains, qui sont allés enquêter au domicile de la jeune fille. [TRIGGER WARNING nudité, obscénité, pornographie]
On voit clairement sur ce cliché que la jupe de Miranda s’arrête plusieurs centimètres au-dessus de ses genoux.
Je n’ai pas de mots pour exprimer l’ampleur de ma consternation. Devant cette violation caractérisée du code vestimentaire, les autorités du lycée d’Oakleaf, en Floride, ont immédiatement réagi afin de neutraliser le trouble à l’ordre public généré par la jeune délinquante.
Larkin a donc été rapidement mise hors d’état de nuire. Elle a été interpellée par une surveillante quelques minutes après son arrivée au lycée, et a été sommée de changer immédiatement ces vêtements inappropriés, contre une tenue bien plus sobre :
Photo prise par Miranda Larkin dans les toilettes du lycée
Cette photo a été prise par l’accusée face au miroir des toilettes du lycée, où elle a été contrainte de revêtir cet ensemble assez tape à l’oeil. Jaune et rouge, voilà un choix de couleur plutôt surprenant, mais après tout, pourquoi pas. (Enfin, ne vous fiez pas trop à mon jugement en matière de mode, car je m’habille chez Desigual).
La photo de Miranda a beaucoup circulé dans les médias américains, mais c’est grâce à la technologie de pointe dont nous disposons à la rédaction que nous avons été en mesure d’inverser l’effet miroir sur le cliché, afin de pouvoir lire l’inscription floquée sur le T-Shirt disciplinaire :
« DRESS CODE VIOLATION » C’est un peu flou sur la photo, mais on peut lire la même chose sur la jambe gauche du pantalon de jogging rouge.
Humilier pour éduquer, dites-donc, comme c’est original, et tellement efficace niveau pédagogie ! (non, vraiment pas).
Humiliée pour son troisième jour
Miranda Larkin venait de déménager depuis Seattle. C’était son troisième jour dans ce lycée. Mortifiée à l’idée de passer la journée dans cet uniforme de la honte, l’adolescente a appelé sa mère, qui est venue la chercher.
Dianna Larkin a trouvé sa fille extrêmement bouleversée, avec une éruption cutanée due au stress. Tout ça pour une violation du code vestimentaire ? Mais que dire de la mesure punitive imposée par l’école ?
« J’ai le sentiment que de forcer un jeune à porter un ensemble sur lequel leur délit est écrit en gros, cela revient à rendre public leur dossier privé. »
Elle a l’intention de déposer plainte contre l’école, pour avoir rendue publique la sanction infligée à sa fille.
Le lycée de Miranda a répondu par voie de communiqué, cité par son avocat :
« Le port de cette tenue n’est pas équivalent à une mesure de publicité de la sanction. Si nous retirions la mention « dress code violation » du T-shirt, les autres élèves comprendraient toujours de quoi il s’agit en voyant l’uniforme de prison orange. Je crois que cette pratique est OK. »
Non sérieusement, ces propos ont été cités dans plusieurs articles. L’avocat du lycée ne voit pas le problème.
Du slut shaming au harcèlement
Où est le problème ? Il y en a plusieurs. Commençons par l’objet même du délit : le port de la jupe.
On ne va pas faire un procès à ce lycée sans avoir eu le détail du fameux code vestimentaire sous les yeux. Néanmoins, on est en droit d’hausser un sourcil sceptique quand on apprend que la jupe portée par Miranda (photo ci-dessus) n’est pas conforme.
J’espère très très très fort que le code vestimentaire de ce lycée interdit aussi aux garçons de porter des shorts ou des bermudas qui remontent au-dessus des genoux. Sans quoi, la règle en elle-même doit être contestée.
Ce ne serait pas la première fois qu’un code vestimentaire de lycée américain verserait dans le slut-shaming.
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Quand bien même le code vestimentaire de l’école serait en règle, arrêtons-nous sur la sanction retenue contre les contrevenants.
Je m’imagine un instant à la place de Miranda : je viens de déménager, c’est mon troisième jour dans un nouveau lycée, dans lequel je ne connais personne.
Je suis interpellée dès mon arrivée le matin, on m’annonce que ma tenue est inappropriée et que je dois me changer immédiatement. On me remet une tenue jaune et rouge, flanquée de la mention « DRESS CODE VIOLATION », à porter toute la journée.
… Je vais me faire des amis, c’est sûr ! En plus, le lycée, c’est tranquille, y a pas trop trop de problèmes de harcèlement, ça vaaaa…
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L’école assure que les élèves ont le choix entre trois options :
- aller en retenue
- porter la tenue « dress code violation » (si seyante !)
- appeler un parent pour qu’on leur ramène des vêtements de rechange
Miranda affirme n’avoir pas eu le choix. Humiliée, elle a demandé à sa mère de venir la récupérer et n’a pas assisté à ses cours ce jour-là.
L’avocat de l’école ne voit pas le problème avec cette tenue de la honte, ni les risques de harcèlement qu’elle peut engendrer, et pourtant, il suffit d’aller lire quelques commentaires sur la page Facebook dédiée à Miranda Larkin pour se rendre compte du problème.
« Avoir des problèmes » quand on porte une jupe
Entre ceux qui prennent sa défense et ceux qui assurent qu’elle ne risque pas d’être harcelée (mais qui l’insultent au passage, pour la peine), on voit également planer le spectre de la culture du viol.
« À peine 3 jours et voilà sa réputation faite au lycée, un repaire de harceleurs… Car en réalité, c’est une vraie cible pour les harceleurs…Et c’est l’école qui en est responsable… Vous avez vraiment oublié à quel point c’est la merde au lycée ? »
« En tant que lycéen, personne ne va la harceler parce qu’elle a enfreint le dress code. C’est juste une petite salope pleurnicheuse, et toi aussi. »
« Tu as partiellement raison, personne ne va la harceler pour avoir violé le dress code, en revanche, elle risque fort d’être harcelée pour avoir porté cette horrible tenue. Et sinon, tu vas dans le même lycée qu’elle, ou comment tu sais que personne ne va la harceler ? »
« C’est de l’humiliation… qui pourrait entraîner du harcèlement… Arrêtez, vraiment. Surtout pour son troisième jour de classe »
« La jupe qu’elle portait n’était même pas super courte, c’était juste une jupe normale, donc je ne comprends même pas pourquoi l’école en a fait toute une histoire et pourquoi vous êtes si outré•e•s, Maman ne vous a jamais laissé porté des jupes ? Nous sommes en 2014, porter une jupe n’est pas un crime, Mamie. »
Mais les soutiens à Miranda ne font pas l’unanimité, et comme souvent sur les réseaux sociaux, la parole est décomplexée. Ce commentaire démontre particulièrement le fond du problème : la sanction mise en place par l’école renforce l’idée que le port de la jupe (courte) est en soi un problème.
« Donc cette gamine a une fanpage parce qu’elle a été rappelée à l’ordre ? Les jeunes de nos jours sont ridicules, si on avait eu à porter cette tenue on l’aurait fait avec panache, et on ne serait pas allé pleurer dans les jupes de maman plutôt que de porter un ensemble dépareillé à l’école… Si tu ne respectes pas les règles, il faut assumer les conséquences… Et la mère doit abandonner ce procès ridicule, elle est juste en train de dire à sa fille qu’elle n’aura pas de problèmes pour ce genre de choses ! J’aurais eu des ennuis sérieux si j’étais sortie en jupe courte… Elle aurait dû se faire rappeler à l’ordre à la maison aussi ! »
« Elle n’aura pas de problèmes pour ce genre de choses », sous-entendu : attention ma fille, quand on se balade en jupe courte, il peut y avoir des conséquences… Et l’école est là pour t’apprendre à faire attention à ce que tu portes, n’est-ce pas !
Non. NON. L’école devrait plutôt être là pour apprendre qu’un vêtement n’est jamais ni une cause ni une excuse face aux agressions verbales et/ou physiques dont on peut être victime dans les espaces publics.
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L’école ne devrait pas renforcer l’idée que porter une jupe courte EST une offense passible d’une humiliation publique.
À lire aussi : Je veux comprendre… le slut-shaming
L’école devrait lutter contre le slut-shaming et déconstruire la culture du viol, et non y participer.
Le port d’une jupe au-dessus du genou justifie l’humiliation publique d’une lycéenne ? Tout va bien sous le soleil de Floride…
Heureusement pour l’humanité, Laci Green est là avec sa dernière vidéo, pile dans le sujet : qu’elle prenne des photos nues, qu’elle porte une jupe (même courte, oui oui), qu’elle boive, bref, quoiqu’elle fasse, une victime d’agression ne l’a JAMAIS cherché.
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Les Commentaires
Grosso modo vous dîtes toutes "moi ça me choque pas c'était pareil dans mon collège/lycée" ah ben pas moi!
Je n'ai jamais vu quiconque avoir un soucis, le règlement comportait certainement un petit paragraphe sur le sujet mais ça devait signifier "ne pas venir habillée ras la touffe et les seins apparents" je pense, car ça m'a toujours semblé normal.
Et dernièrement, je faisais du shopping avec une de mes cousines âgée de 14 ans, et on a repéré un joli débardeur à fines bretelles, et j'ai du lui dire "t'as qu'à le prendre, tu pourras le mettre dans ta dernière semaine de cours" et elle, impassible, "ah non on n'a pas le droit".
"faut pas que les bretelles du soutif soient apparentes, t'avais pas ça toi?!" ben non... "et les shorts courts non plus, on n'a pas le droit, on voit trop nos cuisses sinon" et elle n'est pas dans un collège catho il me semble.
Genre au collège quoi, à partir de la sixième quoi, quand t'es encore une enfant!
Par contre dans les boutiques, je ne sais pas si vous avez regardé, mais quand tu vas au rayon enfant, pour les enfants de 3 ans tu as des chaussures qui ressemblent exactement aux chaussures des femmes mais en version miniature... et ça ça me choque, car à 3 ans j'ai l'impression qu'on veut déjà en faire des bébé-femme.
Par contre le soutif apparent sous les fines bretelles du débardeur, pour moi c'est complètement anecdotique! J'en porte toujours, et je n'ai jamais vu ça comme une tentative de séduction ni rien... pour traîner dans les champs c'est bien, pour travailler à la bu c'est agréable, pour faire du shopping c'est bien... enfin c'est pratique!
Bref, le comportement de cette école me choque.
Par contre y'a un autre truc qui me choque: c'est que la demoiselle se soit changée PUIS ait appelé sa maman. Moi c'est clair et net, c'était une porte qui claque et hop, je quittais le lycée pour la journée, j'aurai jamais enfilé leur truc, surtout pas pour une jupe telle qu'elle portait.
Et d'ailleurs, je me souviens qu'au collège, ce qui m'avait le plus choqué, c'était la maman d'une copine qui était venue la chercher et qui devait aller au CPE signer un papier comme quoi elle récupérait sa fille...
Je la revois encore, tout le monde l'a regardée passer, jupe en cuir ras la touffe, collant résille, cuissardes hautes, décolleté qui ne laissait aucun doute sur la taille des seins, et maquillée comme une voiture volée...
Y'a pas de règlement pour les mamans dîtes-moi? Non car là j'ai juste eu trop honte pour la fille qu'elle venait chercher, j'aurai juste jamais voulu que ma mère vienne me chercher dans une telle tenue, si ça avait été le tempérament de maman y'a aucun doute, jamais je ne lui aurais demandé de venir me chercher, je serais restée en perm' jusqu'à la fin de la journée tous les jours!
Bref, cette situation me choque.
Peu importe le règlement, c'est juste pas du tout justifié comme sanction.