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Santé

J’ai la drépanocytose, la maladie génétique la plus répandue et pourtant si mal connue

La drépanocytose est très mal connue malgré son statut de première maladie génétique. Laetitia, qui en est atteinte, raconte ce que c’est et comment ça affecte son quotidien.

Mise à jour du mardi 19 juin 2018 — Pour la journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, l’heure est à la sensibilisation autour de cette maladie génétique peu connue.

Découvre, ci-dessous, le portrait de Laetitia, drépanocytaire qui explique cette pathologie et son quotidien.

— Article initialement publié le 24 février 2017

Laetitia est drépanocytaire. C’est a dire qu’elle a la drépanocytose, une maladie génétique.

Je l’ai rencontrée lors d’un concours d’entrepreneuriat étudiant où elle venait présenter avec ses deux acolytes Anouchka et Meryem l’application qu’elles ont créée pour venir en aide aux patients : Drepacare.

Lors de leur présentation, elles ont posé la question suivante au public :

— Qui connaît la drépanocytose ?

Aucune main ne s’est levée, alors qu’il s’agit de la maladie génétique la plus répandue en France et dans le monde.

Quelques semaines plus tard, j’ai pris un café avec elles trois et ça a été l’occasion pour que Laetitia me parle plus en détail de cette maladie mal connue.

La drépanocytose, une maladie héréditaire

Laetitia commence par m’expliquer comment l’on devient drépanocytaire – ou plutôt comme l’on naît drépanocytaire :

« C’est une maladie héréditaire. Chaque personne hérite d’un gène de son géniteur et un autre de sa génitrice. S’il est sain, ce gène est nommé A, s’il est porteur de la drépanocytose, il est nommé S.

Pour être malade, il faut que les deux parents aient transmis le gène S, le gène porteur – sinon on est AS, porteur sain.

Donc moi par exemple mes parents sont AS, et j’ai hérité de leurs deux S, mais par exemple mes frères et sœurs sont AS : ils ont eu un A et un S, et ils ne sont donc pas malades.

Mais s’ils ont des enfants avec quelqu’un de AS ou de SS, il y a un risque pour avoir un enfant SS et qui donc aurait la drépanocytose. »

drepanocytose transmission

Voilà c’est plus clair en schéma, sur l’application Drepacare

La drépanocytose, une maladie qui prend sa source dans une mutation du corps humain

La drépanocytose est le résultat d’une mutation génétique du corps humain.

« L’organisme a voulu se protéger du paludisme. Les porteurs sains du gène S sont en effet moins sensibles à cette maladie transmise par les moustiques. Mais pour ceux qui héritent des deux gènes S, les effets sont nocifs. »

Du fait que cette maladie soit le résultat d’une évolution liée à l’environnement, elle touche plus fortement certaines populations :

« La maladie s’est développée en particulier sur le bassin méditerranéen et en Afrique – là où sévit le paludisme. Elle est fréquente sur le continent, où vivent 80% des drépanocytaires. »

Qu’est-ce que la drépanocytose ?

Une fois qu’on a compris comment ça se transmet et d’où vient la maladie, on se demande comment ça se manifeste. Et Laetitia continue de m’éclairer :

« C’est une maladie qui touche les globules rouges. Normalement ils sont ronds et peuvent se déformer quand ils passent dans les petits vaisseaux, pour bien permettre la circulation sanguine.

Mais pour les drépanocytaires, ils sont en forme de banane, de faucille, et en plus de ça ils ont perdu cette capacité à se déformer.

Donc quand ils passent dans les petits vaisseaux ils se bloquent, il n’y a plus de circulation, ça crée ce qu’on appelle une crise vaso-occlusive. Comme ils n’apportent plus l’oxygène aux organes, ceux-ci sont en souffrance. »

drepanocytose globules rouges

Encore une fois une image parle mieux sur Drepacare

Ces crises sont très irrégulières, ça dépend des personnes. Pour Laetitia, il y a des périodes où c’est deux par an, et d’autres où c’est six par an, sachant que le froid ou le stress les favorisent par exemple car ils contractent les vaisseaux sanguins.

Concrètement, Laetitia explique que lors d’une crise, elle a de la peine à respirer et mal « comme si on te donnait des coups de poignard, qu’on te cassait les os ».

Quels effets collatéraux de la drépanocytose ?

Dans ces situations, il faut aller aux urgences très rapidement, où les malades reçoivent généralement de l’oxygène, de la morphine pour pallier la douleur, et où on veille à ce qu’ils bénéficient d’une hyper-hydratation pour que les veines se dilatent et laissent passer les globules rouges.

« Et si ce n’est pas suffisant, on reçoit des transfusions », ajoute-t-elle.

À lire aussi : Don du sang, mode d’emploi : tout ce qu’il faut savoir avant de donner son sang

Cela peut être d’autant plus nécessaire que la drépanocytose affecte aussi la durée de vie des globules rouges : en principe ils vivent 120 jours, alors qu’ils s’arrêtent à 20 jours chez les drépanocytaires.

« À cause de ça, on est en anémie chronique.

Donc on est en constante fabrication d’hémoglobine, le corps s’épuise en sur-produisant des globules rouges, il a tout le temps besoin d’énergie pour essayer de garder ce rythme pourtant intenable.

C’est pour ça que les drépanocytaires sont souvent maigres, le métabolisme est différent. »

Outre le fait que les drépanocytaires sont très sensibles aux infections – « une grippe peut nous tuer » m’explique Laetitia – il faut savoir également qu’il peut y avoir des complications liées à la maladie :

« Par exemple moi, j’ai une ostéonécrose des deux hanches liée au fait que la circulation sanguine ne s’y fasse pas. Donc à ma hanche droite c’est une prothèse parce que c’était un stade où on ne pouvait plus rien faire. »

Comme il a fallu attendre la fin de sa croissance pour lui poser une prothèse, Laetitia a passé plusieurs années en fauteuil roulant avant cela.

À lire aussi : Camille parle de sa vie avec un handicap dans Cher Corps

Les AVC sont fréquents car les vaisseaux irriguant le cerveau sont aussi susceptibles d’être obstrués.

Comment gérer le quotidien avec la drépanocytose ?

Évidemment, ces hospitalisations à répétition ont des conséquences sur le quotidien des malades.

« C’est une vie remplie d’absentéisme. À l’école, les profs sont plus ou moins compréhensifs, disons qu’au moins tu as les justificatifs. Mais au travail c’est compliqué car les gens ne comprennent pas.

C’est une maladie invisible de l’extérieur, les gens se disent que tu fais semblant…

C’est aussi un état de fatigue permanent qui peut restreindre, tu sors moins. Mais moi j’ai eu la chance d’être très bien entourée pendant mon master avec des amies qui me prenaient les cours dès que j’étais absente ! »

La drépanocytose, une maladie mal prise en charge

Ces hospitalisations ne se déroulent pas toujours à merveille, car les soignants eux-mêmes sont souvent mal formés sur la prise en charge de la drépanocytose, surtout aux urgences !

« Rien que dans notre diplôme dédié à la santé publique et à la prévention, on n’en a jamais parlé.

On aborde la malnutrition, les maladies cardio-vasculaires, l’obésitéMais pas la drépanocytose qui touche pourtant 25 000 personnes en France, en faisant la première maladie génétique.

Avant ce master j’ai fait des études d’infirmière, en trois ans on n’en a pas parlé une seule fois non plus !

Alors qu’il y a tout le temps des cas aux urgences où il existe en principe un « protocole de drepa » : on passe devant tout le monde car on peut en mourir. »

Malgré le danger que représente une crise vaso-occlusive pour les drépanocytaires, la prise en charge est très aléatoire, dans certains services d’urgence la maladie est mal connue.

« Par exemple la semaine dernière j’ai fait une crise alors que je n’étais pas à Paris, je n’ai pas été prise en charge dans mon service spécialisé habituel. Aux urgences, on ne me croyait pas !

On m’a traitée de droguée, ce qui arrive régulièrement car à force de prendre de la morphine pendant les crises mes veines sont réduites et rigides…

On ne voulait pas me soigner, j’ai dû contacter mon médecin de Paris pour qu’il les appelle.

On m’avait donné du gaz hilarant pendant 2h alors que ça devrait être limité à 15 minutes, on ignorait mes appels car j’étais « la droguée » alors que j’étais en grave souffrance.

Heureusement dès qu’il les a appelés ils ont appliqué ses consignes, mais ça illustre cette prise en charge parfois aléatoire. »

Quels traitements contre la drépanocytose ?

Si rien n’est fait, comme l’expliquait Laetitia, on peut en mourir. Cela arrive encore dans le monde et en France, elle-même a perdu des amies âgées de 19 ans de cette manière.

Elle ne pense pas énormément à cette possibilité cependant, elle estime qu’elle a de la chance à présent car elle est bien entourée et bien prise en charge, mais ça n’a pas toujours été le cas.

C’est ce qui l’a conduite à quitter Orléans dès son bac en poche pour aller se faire suivre dans un service spécialisé à Créteil.

« J’ai failli y mourir trop de fois, je suis partie. »

C’est seulement depuis lors qu’elle bénéficie d’un traitement plus efficace, avec un médicament nommé Hydrea : il stimule la production d’hémoglobine fœtale, les rares globules rouges à ne pas être touchés par la maladie.

C’est cette hémoglobine fœtale qui explique d’ailleurs pourquoi les crises ne se manifestent pas pendant les premiers mois de la vie des nourrissons.

Dans les cas les plus graves des greffes de moelle osseuse peuvent être envisagées mais c’est souvent très compliqué car on trouve très rarement des donneurs compatibles.

Le plus souvent, il faut qu’il s’agisse d’un frère ou d’une sœur née des deux mêmes parents que le malade.

À lire aussi : Le don de moelle osseuse, pensez-y !

Malgré tout, Laetitia reste optimiste sur des traitements d’avenir tels que la thérapie génique qui fait l’objet de recherches.

Et surtout, elle reste extrêmement motivée par son projet entrepreneurial qui permettra en principe de sensibiliser plus largement à la maladie et de faciliter la vie des malades !

Pour en savoir plus à ce sujet, je t’invite à lire le 2ème article concernant Laetitia et son parcours avec la drépanocytose : J’ai créé une appli pour aider les malades de drépanocytose, dont je souffre aussi !

À lire aussi : Ma vie avec une maladie auto-immune

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Les Commentaires

12
Avatar de Sophie L
19 juin 2018 à 16h06
Sophie L
ça touche beaucoup les personnes d'origine africaines et d'origine orientales justement, comme c'est dit dans l'article, parce que les personnes porteuses sont plus susceptibles de résister au paludisme mais aujourd'hui comme beaucoup de personnes voyagent et changent de pays les personnes porteuses ou malades peuvent être de pleins d'origines différentes
je suis tellement surprise que les filières du médicales ne parlent pas de cette maladie ! j'ai fait un DUT pour être technicienne de labo et on avait des cours spécialisés pour les maladies sanguines et les forcément sur la drépanocytose !
ça touche beaucoup les personnes d'origine africaines et d'origine orientales justement, comme c'est dit dans l'article, parce que les personnes porteuses sont plus susceptibles de résister au paludisme mais aujourd'hui comme beaucoup de personnes voyagent et changent de pays les personnes porteuses ou malades peuvent être de pleins d'origines différentes
je suis tellement surprise que les filières du médicales ne parlent pas de cette maladie ! j'ai fait un DUT pour être technicienne de labo et on avait des cours spécialisés pour les maladies sanguines et les forcément sur la drépanocytose !
Non, ce n'est pas parce que plein de personnes voyagent que les porteurs du gène sont de diverses origines... Ce n'est pas une maladie contagieuse, mais héréditaire. Ce sont les divers métissages qui expliquent qu'aujourd'hui n'importe quelle origine peut être concernée
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