Mise à jour du mardi 19 juin 2018 — Pour la journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, l’heure est à la sensibilisation autour de cette maladie génétique peu connue.
Découvre l’initiative de Laetitia, jeune fille drépanocytaire qui a mis au point l’appli Drepacare.
Le but : apporter une aide auprès des personnes touchées par cette pathologie mais aussi le corps médical.
— Article publié le 4 mars 2018.
Novembre 2017. Des étudiants et étudiantes sont venu·es présenter leurs projets entrepreneuriaux dans le cadre du Festival des Idées. Parmi ceux-ci : Drepacare.
Laetitia Defoi et Anouchka Kponou sont sur scène, assurées, et elles nous posent une question simple : connaissez vous la drépanocytose ?
Un ange passe. Personne n’a émis une réponse, peut-être parce que personne n’a osé, ou bien plus simplement parce que personne ne sait.
Et pourtant, la drépanocytose est la première maladie génétique en France et dans le monde, comme elles nous l’apprennent quelques secondes plus tard.
Oui, plus de personnes souffrent de drépanocytose que de mucoviscidose par exemple, et pourtant cette maladie demeure très mal connue et très mal prise en charge. C’est pour cela qu’elles ont créé Drepacare.
La drépanocytose, une maladie génétique héréditaire
Avec leur troisième acolyte, Meryem Ait Zerbane, c’est pour remédier à cette situation qu’elles ont créé une application à destination des drépanocytaires et de leurs médecins : Drepacare.
Laetitia est elle-même drépanocytaire, et elle nous racontait plus en détails ce qu’était cette maladie génétique héréditaire dans ce témoignage. Mais pour résumer il s’agit d’une maladie qui touche les globules rouges.
Plutôt que d’être ronds et déformables, ceux-ci sont en forme de demi-lune et rigides, ce qui les conduit à se bloquer dans les petits vaisseaux sanguins, créant des crises vaso-occlusives très douloureuses et potentiellement mortelles si rien n’est fait.
Ça ressemble à ça, comme expliqué sur Drepacare
La particularité de
cette maladie qui touche 25 000 personnes en France est aussi d’être très mal connue : aussi bien chez les soignants que chez les patients, les informations circulent très mal.
Les trois étudiantes-entrepreuneuses ayant créé Drepacare
C’est en master de santé publique que les trois jeunes femmes se sont rencontrées, après des parcours variés.
Laetitia a grandit en Martinique et à Orléans, une ville qu’elle a quitté dès le début de ses études :
« Quand j’ai eu mon bac je me suis dit « il faut que je parte » parce que là-bas la drépanocytose était trop mal prise en charge, j’ai failli mourir trop de fois. Il y avait un centre réputé à Créteil, j’ai donc déménagé là-bas. »
Elle avait décidé de reprendre des études après avoir constaté que les complications liées à sa maladie rendaient impossible l’exercice de son métier d’infirmière.
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Anouchka était ingénieure en biotechnologie, spécialité nutrition, quand elle a décidé de compléter sa formation pour faire de la prévention. Meryem quant à elle était pharmacienne.
La drépanocytose, une maladie très peu connue
Ce qui les a poussées à agir, c’est cet apparent manque de sensibilisation à la fois chez les professionnels de la santé et chez les patients qui souvent n’ont pas les informations nécessaires.
Laetitia le constatait quotidiennement sur une page Facebook dédiée à la maladie qu’elle avait créée, sous le nom de « Oui, j’ai la drépanocytose » :
« Les gens qui nous suivent peuvent être de la France, des Antilles, d’Afrique, et ils me posaient des questions en permanence. Je me suis rendu compte que très peu d’information circulait.
Moi j’ai un spécialiste donc je peux lui demander et je suis infirmière de base donc je peux aussi répondre à certaines questions, mais sinon que ce soit les proches ou les drépanocytaires eux-mêmes il y a très peu d’infos fiables à leur disposition !
Ne serait-ce que sur la bonne hygiène de vie ou le mode de transmission : il y a beaucoup de gens qui croient que si t’as un enfant drepanocytaire, les autres ne l’auront pas alors que le risque est présent à chaque nouvelle grossesse. »
Les filles détaillent diverses croyances qui circulent : le fait que ce soit la mère qui est responsable de la transmission et qui est du coup abandonnée par le père, le fait que certains parents n’osent pas emmener les enfants se faire soigner par crainte qu’un sorcier apprenne que l’enfant est malade et le considère comme une proie facile à tuer…
« Donc on s’est demandé comment faire pour vulgariser, pour mettre des informations fiables à disposition ? Les associations font du bon travail mais c’est souvent très local.
Pour que ce soit accessible au plus grand nombre, on a pensé une solution numérique – dans les pays d’Afrique aussi ils ont des smartphones donc on s’est dit pourquoi pas une appli ?
Comme ça c’est d’autant plus facile pour les jeunes, pour qu’ils s’intéressent à leur santé, à leur qualité de vie, pour le dépistage aussi… »
Drepacare, pour sensibiliser à la drépanocytose
C’est comme ça qu’est née Drepacare. Développée par les trois jeunes femmes qui se sont entourées d’une graphiste, d’un développeur, et de quantités d’expert·es sur la question, elle dispose de trois grandes fonctionnalité.
La première tourne autour de la prévention pour faire cesser toutes les croyances que l’on a déjà abordées, indiquer les bonnes pratiques…
Celle-ci a été développée avec des spécialistes parmi lesquel·les le Docteur Cazanava. Cette experte est la première à avoir soigné un drépanocytaire grâce à la thérapie génique, et elle officie un peu en guise de marraine auprès des jeunes femmes.
Le second volet est dédié au suivi et à l’accompagnement : il faut savoir que les dossiers médicaux ne sont pas transmis d’un hôpital à un autre (par exemple, si elle ne lui avait pas dit, son médecin de Paris n’aurait pas su que Laetitia avait été hospitalisée à Orléans il y a quelques semaines).
« Je note tout à chaque fois, les transfusions, les hospitalisations, et lors du rendez-vous que l’on fait tous les 6 mois, j’ai juste à lui donner le récapitulatif téléchargeable en pdf plutôt qu’il prenne une heure à le faire lui-même, comme ça il peut prendre plus de temps pour autre chose.
Par contre c’est le malade qui télécharge, qui le donne à son médecin, c’est lui qui choisit l’utilisation qu’il en fait : le dossier n’est pas accessible par son médecin. »
Et finalement l’appli compte un dernier volet « social ». L’idée est de créer un réseau communautaire où les malades puissent témoigner de leur quotidien, de comment vivre la maladie.
Et surtout il y a écrit le nom de leur ville ce qui permet de se rendre compte que l’on n’est pas tous seuls et de partager par exemple des adresses de médecins, car en réalité même en France les centres de drépanocytose sont rares et mal répertoriés.
Dans quelques mois ils pourront aussi se soutenir, liker et commenter, une fois que la version bêta aura été améliorée grâce aux retours des premiers utilisateurs.
Pour développer Drepacare, le statut d’étudiantes-entrepreneuses
Pour développer leur appli, elles ont décroché le statut d’étudiantes-entrepreneuses. Il a fallut déposer un dossier auprès du PEPITE : l’un des pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat.
Il y en a en principe dans toutes les facs car il s’agit d’un programme national, même s’ils sont souvent mal connus à la fois par les étudiants et par les équipes pédagogiques :
« Quand tu as le statut étudiant entrepreneur, il est dans ton droit de substituer ton stage par ton projet. C’est ce que nous avons fait. »
Elles témoignent avoir appris l’entreprenariat sur le tas, car aucune d’entre elles n’était formée à la question.
« Au final, on a lancé l’appli le 19 juin 2017, il nous a fallu 5 mois pour la développer. On voulait avoir quelque chose de concret pour notre mémoire qu’on a passé en septembre, donc on a lancé la version bêta. »
Trouver les financements pour développer l’application Drepacare : un travail de longue haleine
Depuis juin, elles font les améliorations nécessaires. Elles bénéficient encore du statut pour continuer de bâtir leur association, un format qu’elles ont privilégié par rapport à celui d’entreprise, mais leur obstacle principal est de trouver des fonds.
Encore une fois, c’est révélateur du peu d’attention donnée à cette maladie même par les professionnel·les concerné·es :
« C’est pas quelque chose qui intéresse les gens, même dans les médias. Quand on dit « 1ère maladie génétique en France », on pense souvent que c’est la mucoviscidose.
Même à l’Agence Régionale de Santé qui devrait être une vraie ressource pour ce genre de projet, on nous a refusé des subventions car ils n’ont pas d’experts sur la drépanocytose ! Alors que l’Île de France est la région où la prévalence est la plus forte en France. »
Ce type de schémas se répètent dans beaucoup d’institutions : au prétexte qu’il n’y a pas d’experts sur la question au sein de la structure, celle-ci se déclare incompétente et donc non à même d’octroyer des financements.
« Le Conseil régional a tout de même prévu de financer la version iOS, et d’autres structures ont été plus réactives comme le Centre régional de la prévention des maladies, ou le CHU de Martinique qui s’est montré très intéressé puisque la prévalence est élevée dans ce département d’outre-mer. »
De quoi pouvoir au moins continuer de travailler sur le projet !
Si ça t’intéresse, tu peux déjà télécharger l’application sur Google Play, elle est gratuite et les première mises à jours auront lieu dans quelques semaines ! Si tu es sur iOS, il faudra encore patienter un petit peu !
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