Léa Castor et moi, on est bonnes potes. On s’assoit côte à côte au bureau, et entre deux tâches, on se raconte souvent nos vies.
L’autre jour, je lui ai dit que j’aimerais bien qu’elle écrive un article (ou une BD, comme elle est la talentueuse illustratrice de madmoiZelle) au sujet de la drague quand on est poilue.
Elle ne s’épile plus depuis des années et de mon côté, je ne retire mes poils que de temps en temps.
Je venais de me rendre compte d’un truc : la plupart des meufs que j’avais entendu témoigner sur l’arrêt de l’épilation étaient en couple.
Je n’avais jamais entendu ce que ça fait de flirter avec de nouvelles personnes quand on a une jolie toison, de se retrouver régulièrement confrontée à la possibilité d’être jugée par quelqu’un que l’on désire.
Elle n’avait pas forcément le temps de m’écrire un texte, et je me disais que je voulais aussi participer à cet article… alors je lui ai proposé de discuter du sujet via notre messagerie, et si le résultat était chouette, je le publierais…. Ça donne ça !
Nos poils et nous
Anouk — Coucou Léa, on va parler de nos poils !
Léa — Owiiiii ! J’adore parler de mes poils :D !
Anouk — Tu me fais un petit CV de tes poils ? Lesquels tu laisses pousser, depuis quand ? Lesquels sont les plus compliqués à assumer ?
Léa — Oui ! Alors c’est simple je laisse TOUS mes poils vivre leurs vies. Il m’arrive encore de m’enlever trois poils entre les sourcils et de temps en temps un peu le maillot mais globalement, on peut dire que j’ai tout arrêté.
J’ai toujours détesté me raser, du coup c’était l’épilation, histoire d’avoir la paix plus longtemps. J’ai commencé par laisser ma vulve tranquille, parce que je n’acceptais plus la douleur tout simplement. Ensuite, je suis passée aux aisselles : j’espaçais de plus en plus les séances d’épilations, et puis enfin j’ai fait pareil pour mes jambes.
Ma dernière épilation des aisselles date d’il y a plus de 4 ans, car quand je les ai vues glabres j’ai eu l’impression d’être une petite fille et ça ne m’a pas du tout plu. Pour ce qui est de mes jambes, cela fait un an et demi et là, c’est ma grosse fierté parce que bien plus dur à assumer pour moi…
Anouk — C’est marrant parce que moi aussi, j’ai commencé par le maillot ! Pourtant, je me souviens que plus jeune, je ne pouvais pas niquer si je ne m’étais pas rasée la totale. J’avais trop peur qu’on me rejette. Maintenant, j’en ai absolument rien à foutre…
Comme toi, j’assume plus facilement mes poils aux aisselles que mes poils aux jambes. Je trouve que mes poils sous les bras me donnent un côté badass alors que ceux sur mes jambes… Je les trouve moche.
Je sais que c’est une construction sociale, mais je n’y arrive pas. Aujourd’hui, je ne m’épile que très peu… Peut-être une fois tous les quelques mois, et encore.
Mais j’ai pensé à te parler quand je me suis rendu compte que j’ai beau faire ma meuf forte, indépendante, qui se fout de l’avis des autres, je me suis rasé les jambes avant d’aller à un rencard il y a deux semaines.
Je l’ai fait « au cas où » le mec n’aimerait pas. Toi, je sais que tu as réussi à passer outre… T’as un truc, un conseil ?
Pourquoi et comment assumer ses poils face aux autres
Léa — C’est clair que l’avis des personnes auxquelles tu veux plaire est très très compliqué à dépasser. Déjà que ce n’est jamais facile de s’assumer, ça l’est encore plus quand tu défies les standards de beauté. Il faut s’attendre à des remarques pas toujours fines.
Personnellement, j’ai tendance à amener le sujet avant de rencontrer le mec de manière plus ou moins directe, histoire de voir ses réactions. Si le mec se montre complètement réticent, pas la peine qu’on se rencontre.
Et si je rencontre quelqu’un en soirée, je le tente en espérant qu’il soit ouvert sur le sujet.
Honnêtement, j’ai eu plusieurs expériences et personne ne m’a fait de remarque. Quand il s’agit d’un coup d’un soir, les gens sont suffisamment délicats pour ne pas tenir de propos déplacés.
C’est plutôt quand on commence à connaître la personne qu’on se permet de lui dire ce qui nous plaît moins… Je pense que ce qui est dur, c’est de trouver pourquoi on ne veut plus s’épiler
, quelles sont tes raisons ?
Anouk — Dans mon cas, je crois que c’est un mélange de politique et de flemme. Pendant longtemps, je le faisais parce que je croyais que c’était la norme, et puis je me suis rendu compte que la norme, on s’en fout.
S’épiler, ce n’est pas que douloureux, c’est aussi chronophage et cher !
Du coup, maintenant, quand je veux camoufler mes poils, je rase, c’est rapide, ça ne coûte rien et ça ne fait pas mal. C’est vraiment ma limite ; je refuse d’avoir mal pour rentrer dans le moule.
Mais ça, c’est vraiment la théorie. Dans les faits, j’assume pas tout. Par exemple, je suis super blanche et j’ai les poils bruns très sombres, alors j’ai rapidement un sacré duvet qui ressemble à une moustache. Je me trouve horrible avec…
Je crois qu’un jour, j’ai vu un mème sur Internet ou on pouvait lire « Les meufs qui ont des moustaches, pourquoi vous ne vous rasez pas ? ». Quelques jours après, un mec en rencard m’a dit que j’étais dégueu avec ma moustache.
Je crois que c’est un peu mon trauma. Je me sens ultra mal quand elle repousse, je l’épile directement. J’ai vu des meufs accepter à peu près tous leurs poils, mais j’ai l’impression qu’elles sont très loin d’avoir mon duvet !
À lire aussi : Tous ces malaises vécus quand j’avais honte de mes poils
Les poils VS les remarques des autres
Léa — C’est vrai qu’il y a des poils plus tolérés que d’autres, je pense notamment à un témoignage d’une fille qui voulait assumer les poils reliant le nombril à la vulve et disait qu’elle n’avait vu aucune photo sur Internet de meuf qui l’assume.
Depuis que j’ai décidé de laisser pousser mes poils, j’ai eu des remarques. J’ai eu un ex qui, pensant aborder un sujet somme toute banal, m’a sorti en riant : ça serait bien que tu fasses quelque chose pour tes poils entre les jambes.
Il se trouve que ça ne m’a pas du tout fait rire et on s’est engueulé parce qu’il ne comprenait pas du tout pourquoi c’était si important pour moi. Sinon, il y a eu ce mec rencontré via une application, à qui j’avais dit au préalable que je ne m’épilais plus, et qui m’a fait quelques remarques.
C’était maladroit mais ça se voulait pas méchant. Il m’a aussi comparé à Lena Dunham, ce qui selon moi est plutôt un compliment !
Anouk — Je me souviens d’un ex qui me disait souvent « tu fais ce que tu veux mais moi j’aime pas ». Mine de rien, je me sentais un peu sous pression parce qu’évidemment, je voulais plaire à mon amoureux !
Après lui, j’ai rencontré cet autre type qui ne m’a jamais fait de remarque sur mes poils. Après peut-être 7 ou 8 mois de relation, j’ai fini par lui demander ce qu’il en pensait, et il a refusé fermement de me dire ses préférences.
Il m’a dit qu’il ne voulait pas m’influencer dans mes choix, et que ses goûts ne me regardaient pas. J’ai trouvé ça plutôt chouette, mais, forcément, ça a attisé ma curiosité…
Après l’avoir cuisiné quelques jours il a fini par me lâcher qu’il en avait rien à foutre, sauf peut être au niveau du maillot, mais c’est plus pour ce qui est de faire des cunnis que pour le côté esthétique.
J’avais trouvé ça super cool en tout cas qu’il ait cherché à avoir une certaine neutralité à ce sujet !
T’aimerais dire quoi, toi, aux mecs qui se retrouvent dans ton lit ?
Léa, moi, nos poils et les autres
Léa — J’aimerais qu’ils me disent qu’ils adorent mes poils !
Plus sérieusement, j’aimerais qu’ils sachent qu’ils n’ont pas leur mot à dire sur mon corps. Tout comme je ne me permets pas de leur dire : écoute, mon gros kiff ça serait que tu te fasses la coupe au bol, d’ailleurs j’ai pris rendez-vous chez le coiffeur pour toi !
Chacun est libre de ce qu’il ou elle fait de ses poils, et ce n’est certainement pas à l’autre de choisir pour toi.
Anouk — Ceci dit, j’ai déjà été embarrassée par les choix capillaires soudains de mes exs.
Un jour, après 6 mois de relation, mon mec de l’époque est parti en week-end chez ses parents et il est revenu le crâne rasé. Je n’étais PAS DU TOUT ravie…
Léa — Certes, mais est-ce que tu vas le faire culpabiliser là-dessus et lui dire que toi, tu préfères vraiment les cheveux longs ?
Anouk — Je pense que je suis très mauvaise menteuse, du coup j’avais tenté (en vain) une poker face avant de lui dire que je n’aimais pas vraiment… Et puis, après quelques jours, j’ai fini par m’y habituer et m’en foutre !
On se fait à une coupe de cheveux foireuse, tout comme on se fait à une pilosité « moins » à notre goût.
Nos conseils si vous voulez arrêter de vous épiler !
Léa et moi avons toutes deux décidé d’arrêter l’épilation, ou au moins de réduire considérablement notre rythme de rasage. C’est un choix, et évidemment, nous encourageons chacun et chacune à faire le sien en fonction de ses envies.
Maintenant, si vous y songez, Léa et moi partageons l’avis que le plus compliqué n’est pas le regard des autres (beaucoup de gens ne remarquent rien, ou s’en foutent) mais son propre regard. C’est lui qu’il faut dompter.
Personnellement, ça m’a pas mal aidée de voir des photos d’autres meufs poilues. Ça m’a permis de m’y habituer.
En ce qui concerne les autres, si les gens ne vous acceptent pas telle que vous êtes, peut-être est-ce qu’ils ne vous correspondent tout simplement pas.
Dans tous les cas, changer à ce niveau prend du temps, donc prenez le temps qu’il vous faudra. Ce n’est pas grave de ne pas s’épiler, ce n’est pas grave de s’épiler.
Léa conclut d’ailleurs avec cette chouette réflexion :
« S’aimer comme on est, ça apporte un super sentiment de fierté. Et promis, la fierté ça attire, donc soyez fière d’être qui vous êtes ! »
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Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Et puis bon, si on veut analyser la société de façon globale, je vois difficilement comment s'en passer en fait . C'est hyper important d'avoir des éléments qualitatifs qui permettent de contextualiser un discours, etc, mais le biais de recrutement peut être encore plus grand sur des entretiens, et quand on analyses des discours écrit ou des témoignages, on a aussi un peu tendance à ne retenir ce qu'on veut bien y voir.
Et puis, comment peut-on affirmer quelque chose comme "les femmes subissent plus de discrimination que les hommes" si on ne se donne pas des outils construits et suffisamment étayés pour apporter des arguments ? C'est important de partir de l'expérience individuelle aussi et du ressenti de chacun, mais un phénomène social, par définition, va quand même au-delà du ressenti individuel. Les stats permettent de modéliser plus facilement des phénomène de groupe, d'autant que si on fait bien le travail, on peut aussi valider les résultats par d'autres approches. Et c'est difficile d'augmenter indéfiniment la taille des échantillons, ne serait-ce que pour des raisons de coûts ! D'autant qu'il faut mieux un échantillon limité mais robuste qu'un échantillon plus grand et mal constitué (par exemple pour les fameux sondages électoraux).
L'important c'est surtout que les gens qui construisent et restituent les stats fassent preuve de rigueur et d'honnêteté intellectuelle (et d'humilité aussi, ça arrive qu'on se plante dans la formulation d'une question et que la réponse soit inexploitable :ninja. Les sciences sociales ont besoin d'une pluralité d'outils et d'une confrontation entre différentes sources, c'est important de pouvoir tous les exploiter tout en ayant consciences de leurs faiblesses, sinon on ne peut pas dégager des connaissances et des faits (interprétables ensuite de diverses façons hein), que des opinions unno:
Après c'est vrai que sur les sujets sensibles, on trouve un peu tout et n'importe quoi en matière de chiffres Ou des chiffres exacts, mais tellement mal présentés qu'ils en deviennent faux !